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Nouveau Grenelle?

Hannes Lorenzen

Les assises de l'agriculture sont ouvertes. Michel Barnier a annoncé un nouveau dialogue entre agriculteurs, entreprises agroalimentaires, distributeurs,  consommateurs et les associations de protection de l'environnement. Suivant l'initiative de son président de la République, il cherche un nouveau accord social, à la grenelle, ainsi négocié avec les syndicats en mai 68.

Sa nouvelle donne pour l'agriculture risque de tourner au poker professionnel. Il est peu probable que ces assises réhabilitent ou réactivent les contrats territoriaux d'exploitation (CTE), initiés en 1999 par le gouvernement socialiste. A cette époque, le précurseur de Michel Barnier Louis Le Pensec, avait essayé de concilier les intérêts contradictoires entre la profession agricole et la société civile pour rendre l'agriculture moins productiviste et renforcer le développement rural. Malheureusement ces contrats territoriaux d'exploitation qui avaient le mérite de remettre les agriculteurs en projet sur la base de la multifonctionnalité de l'agriculture, ont été supprimés par la droite. Contrairement à bien d'autres états membres de l'UE le gouvernement français conservateur a toujours considéré le développement rural comme un obstacle à la politique agricole classique.

Aujourd'hui, les premières réactions de la société civile engagée pour une agriculture durable et un commerce équitable coupent l'herbe sous le pied du Ministre Barnier. Les ONG françaises qui participent au Grenelle de l'environnement constatent que la profession agricole n'est toujours pas prête à accepter des changements mêmes minimes sur les modes de production, la réduction de l'utilisation des pesticides et des intrants, pour rendre la production plus respectueuse de la biodiversité, des nappes phréatiques et de la fertilité des sols. Sur les risques de l'extension des agro-carburants le dialogue paraît pratiquement impossible avec les céréaliers.

Mais l'immobilité de la profession agricole est peut-être aussi une conséquence des propositions du ministre qui tournent autour d' un nouveau cadre de gouvernance qui devrait responsabiliser les filières. Ces propositions se limitent à des approches  techniques comme des stocks de sécurités, des fonds interprofessionnels, des dispositifs en matière d'assurances ou le dialogue interprofessionnel accru pour stabiliser des marchés.

Ceci n'est pas une stratégie offensive pour l'agriculture, elle est défensive vis-à vis des marchés et vis a vis des attentes de la société civile. Il ne suffit pas de se fâcher contre les seules lois du marché et d'éviter de dire quelles devraient être les autres règles qui peuvent stabiliser la volatilité des cours. Pour requalifier la PAC et pour mettre la priorité sur la sécurité alimentaire il faudrait plutôt s'engager à créer une responsabilité des agriculteurs et des filières à mieux gérer leurs marchés et d'intégrer les attentes des consommateurs et de la société au delà des matières premières. Si l'état peut jouer un rôle dans un nouveau contrat entre la profession agricole et la société civile, c'est de définir les conditions pour toute aide publique qui soutiennent une production agricole durable au lieu de continuer à forcer le productivisme.

Il est trop facile d'offrir une nouvelle donne aux agriculteurs quand les prix agricoles continuent de grimper. Il est moins facile de mettre le doigt sur les problèmes qui vont se produire à cause de la concurrence entre la sécurité alimentaire et la sécurité énergétique. Le soutien public à l'essor des agro-carburants peut devenir une cause importante de la hausse des matières premières. Il ne suffit pas de demander à libérer les terres en jachères et de viser les surfaces cultivables importantes en Russie et Ukraine, comme si c'était une réserve a volonté. La sécurité alimentaire ne se produit pas sur nos terres marginales ou chez les autres. Il faut travailler sur un système qui approche les producteurs et les consommateurs tout en intégrant les vrais coûts d'une production durable dans nos chaînes d'alimentation.

Il est vrai que la hausse des prix agricoles est une occasion qu'il faut saisir. Mais pour quoi faire? Continuer de forcer la compétitivité à tout prix, c'est à dire d'investir dans la concentration de la production, dans la restructuration des exploitations, dans l'orientation à l'exportation? Produire les céréales fourragères pour les porcheries chinoises? Est-ce ce type de co-développement que Monsieur Barnier envisage? Il n'est pas du tout acquis que la hausse des prix agricoles puisse aider les agricultures locales en Afrique, étant donné le pouvoir des agro-industries sur les marchés mondiaux. Il faut donc cibler les infrastructures rurales dans les pays en développement qui permettent le réinvestissement de la valeur ajoutée sur place dans le développement de l'agriculture.

Un nouveau grenelle dans le milieu agricole et rural doit se concentrer sur un nouveau cadre politique qui gère l'agriculture européenne vers un développement rural durable. Il faut négocier sur les meilleures conditions pour préserver l'eau, la fertilité des sols, la biodiversité, au lieu de mettre l'accent sur l'infrastructure pour l'export. Il faut travailler sur l'efficacité de l'emploi de l'énergie, au lieu de la gaspiller dans le transport à longue distance. Il faut sortir de la logique de compensation par les aides et rentrer dans un dispositif rémunérant les systèmes agricoles durables. La France peut gagner si le gouvernement renforce cette démarche visant à transformer la politique agricole en une politique de développement rural et de sécurité alimentaire.

Hannes Lorenzen, le 5 septembre 2007