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Du Consensus en matière d'écologie

Jean-Louis Gueydon

J’ai horreur du consensus, qu’il soit dur ou qu’il soit mou, de ces dialogues ripolinés qui envahissent ces temps-ci la sphère politique, et en particulier toutes les décisions concernant l’environnement. C’est le “tous ensemble” de l’Alliance pour la Planète, le “tous d’accord” du Grenelle de l’environnement, et les autres fadaises du même genre. Toute cette mode des “conférences de consensus”, du dialogue et de la concertation, tout cet art propagandiste de faire passer la pilule auprès de ceux qui n’en veulent pas, et ce qui va généralement avec la mise au pilori des conflits, qualifiés de “contre-productifs”, et la diabolisation des derniers résistants.

Comme si les conflits et les antagonismes n’existaient pas. Comme si on pouvait être à la fois pour et contre les ogms, pour et contre le nucléaire ou pour et contre l’utilisation des pesticides... Il est pourtant évident qu’il n’y a pas de consensus possible sur ces questions, que les points de vue des uns et des autres sont irréductibles. Et que l’on ne vienne pas nous exhiber, pour prouver l’inverse, de ridicules compromis comme la coexistence entre bio et ogm, techniquement impossible, ou le rideau de fumée de l’agriculture “raisonnée”…

Le consensus est de fait un totalitarisme, puisqu’une fois établi il empêche moralement de choisir d’autres options. D’ailleurs la grande “mère” inspiratrice des libéraux, Margaret Thatcher, n’aimait-elle pas à répéter « Il n’y a pas d’alternative » ? Le consensus évacue et désespère ceux qui rêvaient d’un autre monde. Il fait disparaître les autres choix possibles, promeut la pensée unique, et conduit immanquablement aux plus mauvaises décisions, celles qui font gagner du temps et ne règlent les problèmes qu’en surface.

Il est d’ailleurs instructif d’observer qui parle de consensus. Ce ne sont certes pas les ouvriers licenciés ou les victimes des pollutions. Ce sont plutôt les directeurs des ressources humaines, les institutions, le pouvoir, et – hélas – parfois aussi les associations écologistes proches du pouvoir, celles qui sont invitées à l’Elysée pour serrer la pince des ministres et “dialoguer” avec eux. Comme par exemple ce grand promoteur du consensus environnemental et du dépassement des “clivages” qu’est le WWF, vous savez cette organisation financée et administrée par des hommes d’affaires reconvertis au développement durable…Très illustratifs à ce sujet sont les propos de son directeur dans leur rapport annuel 2007-2008 : «…la défense ( de la nature ) n’est ni de droite ni de gauche…. il s’agit de “construire avec” plutôt que de “lutter contre”, de faire place au dialogue et à la recherche commune de solutions »… Qui pourrait être opposé à un si merveilleux programme ? Sauf que ce qui n’est pas dit, mais est facile à deviner, c’est que la recherche commune de solutions, c’est avec les pires pollueurs du monde économique qu’il est prévu de la faire.

Il s’agit en réalité d’une stratégie bien rodée: en prônant le consensus, le “tous ensemble”, on nie implicitement l’incompatibilité entre l’écologie et le business, on évacue la dimension nécessairement anti-productiviste de l’écologie, et l’on fait passer en douce l’idée que les entreprises polluantes ne sont pas le problème, mais détiennent au contraire la solution. On désamorce les antagonismes potentiels (pourtant bien réels) et on démobilise les opposants (pourtant légitimes). Et pour finir on ne choisit pas vraiment, on évite les décisions difficiles, on gagne du temps, ce qui d’ailleurs est bon pour le business, puisque le temps c’est de l’argent…

Car derrière le paravent du consensus se cache l’hégémonie d’une classe dirigeante. Le rapport de forces basique. Tout cela fait partie d’une astucieuse entreprise de dissimulation et de désinformation: faire croire qu’il n’y a pas d’antinomie entre les intérêts des uns et des autres, entre ceux des riches et ceux des pauvres, entre la protection de la nature et le business. Grâce à quoi il reste possible de poursuivre tranquillement l’exploitation des uns par les autres et le pillage de la planète.

Mettre sur un pied d’égalité – comme l’a fait le Grenelle de l’environnement – des intérêts divergents et antinomiques, ceux des syndicats, des industriels, des écologistes, c’est tout simplement diviser pour régner. Pire encore c’est renoncer à hiérarchiser les priorités: tout se vaut, la défense de la biodiversité comme celle des 35 heures, ou celle de la balance commerciale de la France… C’est renvoyer les plaideurs dos à dos et s’en laver les mains. Et c’est donc renoncer à faire de la politique, c’est-à-dire à arbitrer entre des intérêts opposés.

Voilà pourquoi je n’aime pas le consensus et ce à quoi il conduit. Mieux vaudrait sans doute reconnaître la réalité des antagonismes, leur caractère normal et inévitable, et arbitrer clairement entre eux. Mais cela obligerait bien sûr le pouvoir à se démasquer…