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Le Dieu Imaginé

Le Choix entre Gaïa et le Dieu Paternel

John Lash

Traduction de Dominique Guillet

Durant les années 50, le poète Américain Wallace Stevens se promenait avec un jeune ami dans le parc d'Hartford dans le Connecticut, là où le poète vivait. Ils échangeaient calmement et posément sur le rôle de l'imagination dans l'art et la vie. Son ami lui posa alors la question suivante: “Comment pouvons-nous découvrir la vérité dans l'imagination lorsque nous pouvons nous leurrer nous-mêmes aussi aisément avec ce que nous imaginons?” Stevens s'arrêta et le regarda ostensiblement. Il concéda que le risque de se leurrer soi-même était bien réel mais il ajouta ensuite: “Je pense que nous avons atteint le moment de notre histoire psychologique où nous ne pouvons plus croire que quelque chose soit véridique si nous ne l'avons pas imaginé nous-mêmes”.

La remarque de Stevens s'applique à la fois à la poésie et à la vie et plus particulièrement à la problématique de la croyance en quelque forme de Divinité. Pour la plupart d'entre nous, ce que nous croyons au sujet de Dieu est ce que l'on nous a dit de croire durant notre enfance. Dieu est comme le Père Noël, à l'exception du fait que, lorsque nous sommes adultes, nous savons que le Père Noël est une aimable fiction tandis que nous continuons à considérer Dieu comme si ce n'en était pas également une. Le point essentiel ici, en parallèle avec l'observation concise de Stevens, est que nous inventons ce que nous croyons. L'acte de croyance est si puissant, et si avenant, qu'il nous fait oublier que Dieu est un pur produit de l'imagination humaine.

La Question Théopathique

Le fait d'affirmer que nous imaginons Dieu, ou la Divinité, n'exclut, en aucune façon, qu'il existe pour de bon, sans avoir besoin d'être inventé par les simples mortels que nous sommes. Il existe en lui-même, et de lui-même, tout en ayant besoin d'être imaginé. La tradition mystique du Soufisme enseigne la théopathie “le sentiment pour Dieu, l'empathie avec le Divin”. Imaginer Dieu est un acte théopathique. Le sentiment joue un rôle très important dans la façon dont nous imaginons Dieu mais il peut également en pervertir le processus. La théopathie mystique offre une voie d'accès élégante vers ce processus. Elle présuppose que le Divin ressente un manque auquel nous répondons. Se pourrait-il que, en toute indépendance de nous, le Divin ait besoin que nous l'imaginions? C'est l'essence de la question théopathique.

Si nous devons imaginer le Divin, comment le faire? Une des réponse pourrait être “ludiquement”. C'est ainsi qu'une autre communauté de mystiques, les initiés Himalayens, ont imaginé Dieu depuis l'aube des temps. Le mot Sanskrit lila signifie “jeu, plaisir, amusement”. Certains des enseignements philosophiques les plus antiques au monde nous enseignent que l'essence de l'univers est un jeu divin. Non pas une épreuve, non pas un test, non pas une séance de récompenses et de punitions, mais un jeu.

Il existe assurément diverses manières d'imaginer Dieu. A notre époque, depuis environ une trentaine d'années, a émergé une autre option: Dieu est Gaïa, la planète vivante. Il n'est rien dans l'imagination humaine (le psychisme de l'espèce ou l'inconscient collectif de Jung) qui ne soit nouveau car son contenu est en processus de recyclage permanent, en processus de permutations sans fin. L'option d'imaginer Dieu comme une Déesse incarnée en la Terre est devenue culturellement accessible durant les trente dernières années mais elle a existé de tout temps dans l'imagination humaine.

Selon Dolores LaChapelle, la doyenne du mouvement de l'écologie profonde, Gaïa est un nom utilisé par le poète Grec Hésiode et il appartient donc à une poésie patriarcale tardive. Elle rejette le mot en G comme étant une invention patriarcale, dont l'antiquité n'est pas assez ancienne. C'était du moins sa conception dans le début des années 80, lorsque les débats au sujet de l'hypothèse Gaïa étaient en train de passer à la vitesse supérieure. Il est déconcertant de voir que la Muse de l'écologie profonde n'accepte pas le nom “Gaïa” pour une pratique théopathique.


La Théorie Gaïa

Et il existe d'autres blocages à la théopathie avec la Déesse provenant des concepteurs mêmes de l'hypothèse Gaïa, la biologiste Lynn Margulis et le scientifique de l'atmosphère, John Lovelock. Ce sont des professionnels qui considèrent Gaïa comme une théorie scientifique solide. Alors que Lovelock admet que Gaïa va inévitablement acquérir une dimension religieuse, que cela plaise ou non, Margullis met en garde sévèrement contre le “biomysticisme débilitant” et la “déification de la terre par les tout-fous de la nature”. Lovelock était enclin à flirter avec les spéculations religieuses et de type “Nouvel Age” tandis que Margullis gardait ses distances. On pourrait faire remarquer, néanmoins, que la théorie Gaïa les dépasse tous deux. Ce n'est pas à eux qu'il revient de dire, ultimement, comment l'imagination théopathique de Gaïa se développera bien que leurs contributions, quant aux dimensions spirituelles et mythologiques de Gaïa, soient de toute première valeur.

Dans son brillant ouvrage sur la théorie de la perception de Goethe, The Wholeness of Nature, Henri Bortoft souligne que “le succès de la philosophie mécaniste” de l'époque de Descartes et de Newton “était dû autant à des raisons politiques et externes qu'au fait qu'elle ait été démontrée valide par une quelconque méthode scientifique interne”. Le modèle explicatif dominant de la science, à une période donnée, est un reflet de la configuration psycho-sociale intégrale de cette époque. Si la théorie Gaïa est couronnée de succès, ce sera en partie parce que la société globale devient un espace plus communautaire et plus convivial. Une société symbiotique privilégie la théorie Gaïa et, de plus, encourage l'imagination du Divin au coeur de la planète vivante. Inversement, la mystique de la Déesse associée avec Gaïa encourage l'émergence d'une société symbiotique.

L'ouvrage de Bortoft est accompagné d'une recommandation par Elisabet Sahtouris, une exposante majeure de la théorie Gaïa dont la pensée est orientée vers la théopathie. Dans son dialogue fascinant avec Willis Harman, elle dit: “La vie ne peut pas faire partie d'un instrument cybernétique ou même d'un être vivant; la vie est l'essence ou le processus de l'intégralité de l'être vivant”. Cela étant, se pourrait-il que l'imagination soit la faculté donnée à notre espèce pour aborder “l'intégralité de l'être vivant”, la présence planétaire totale de Gaïa?


Biomysticime

Soulignons bien que Lynn Margullis (dans Slanted Truths) a défini la science comme “une façon d'amplifier l'expérience sensorielle avec d'autres organismes vivants et avec l'environnement, généralement parlant”. M'exprimant comme un “biomystique”, je peux dire que c'est précisément ma définition du biomysticisme! Il n'est pas le moins du monde “débilitant” d'amplifier l'expérience sensorielle par une relation approfondie avec la nature. Au contraire, la pratique du biomysticisme restaure la palingenèse des anciens Mystères: la régénération par le biais de l'abandon extatique à la force de vie. Bortoft explique que la méthode de Goethe ne se contente pas simplement de nous faire passer d'une interprétation de la nature (mécaniste) à une autre (animiste). Ce n'est pas du tout une explication alternative: c'est une alternative à l'explication.

Le mode de perception de Goethe active une faculté dormante en notre espèce, qu'il appela exakte sinnliche Phantasie, “l'imagination sensorielle exacte”. Sa méthode de perception morphologique est classiquement alchimique, suivant la règle suprême de la science Hermétique:

“Dans toutes vos actions, faites en sorte que l’Oeuvre soit guidé par la nature, à l’image de la progression lente des métaux dans les entrailles de la Terre. Et dans vos efforts, laissez vous guider par l’imagination réelle et non l’imagination fantastique”.

Ne pas remplacer les phénomènes par un modèle abstrait mais pénétrer dans la dimension intensive de la nature - voilà un acte d'imagination. C'est sans doute la meilleure manière de rencontrer Gaïa en tant que Terre intelligente, en tant que biosphère

La Dimension Intensive

Je me demande également s'il existe une façon d'appliquer les critères Goethéens au défi de Stevens: croire que quelque chose est véridique, tout en sachant que nous l'avons inventé. Je dirais que cette option aux croyances statiques acquises - à savoir les croyances qui ne se présentent pas à l'individu au travers d'une quête de vérité mais qui sont aveuglément adoptées et jamais remises en question - est essentielle à la durabilité du monde humain. Plutôt que de remplacer la théopathie, à savoir le sentiment du Divin, par un système de croyance, pouvons nous pénétrer plus profondément au coeur de la dimension intensive de la Divinité, en facilitant la réceptivité de notre mental et de nos émotions à sa réponse?

De cette manière, nous pourrions découvrir quelque chose à croire, sachant que cela a été authentiquement imaginé par nous-mêmes.

John Lash, 1er septembre 2005

Traduction de Dominique Guillet.