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Dialogue du Dauveur

John Lash

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Traduction par Dominique Guillet

Codex de Nag Hammadi. III, 5. 9,5 pages. Dialogues. Thème principal: sur la menace Archontique pour le potentiel humain. Très fragmentaire.

Maintenant, après avoir déjà étudié deux textes, le lecteur ne s'attend plus à ce que le sauveur de ce dialogue soit le Jésus familier du Nouveau Testament. C'est déjà une énorme étape dans le processus de compréhension des Codex de Nag Hammadi. L'introduction par Koester et Pagels au Dialogue du Sauveur confirme cette précaution: “les noms Jésus ou Christ ne se trouvent jamais” dans ce texte. “La désignation 'sauveur' est presque complètement restreinte à des passages composés par l'auteur final, alors que les sections de dialogue utilisent le terme 'Seigneur'”.

Bien qu'il soit long et largement fragmentaire, c'est un texte magnifiquement évocateur et très riche en perles de sagesse Gnostique. La langage haché est hautement suggestif:

“Tant que ce qui est en toi est ordonné , c'est... Vos corps sont lumineux. Tant que vos coeurs sont sombres, la luminosité que tu attends.. J'ai... J'irai... Mes paroles.. J'envoie” (126).

Certaines lignes se détachent en offrant des envolées évocatrices telles que: “Quiconque cherche, révèle” (126:10) et “Quiconque reste dans les ténèbres ne sera pas capable de percevoir la lumière” (133:34). Marie Madeleine (Mariam), “la femme comprise intégralement” (139:10) est également présente dans les sections de dialogues. Dans le passage 140, elle demande: “Dis-moi Seigneur, suis-je venue en cet endroit pour gagner ou pour perdre?” Réponse: “Tu mets en clarté l'abondance du révélateur”. La formule conventionnelle “Seigneur” est DZOEIS, qui a recours à la lettre démotique djandja, DZ ou DJ. Il est extrêmement difficile d'être confortables avec de tels termes. OEI est parfois prononcé OY, de telle sorte que ce mot pourrait rimer avec Joyce.

Dans tout le Dialogue du Sauveur, la maître Gnostique clarifie le problème des Archontes, à savoir, le problème du mal. Il y a un échange frappant (138) avec Judas: “Les Archontes au-dessus de nous, mais vont-ils nous gouverner?” demande Judas. La réponse est: “non, c'est toi qui les gouverneras”. Le passage 142 présente une clarification cruciale:

Judas dit “Dis-moi Seigneur, quel est le commencement du chemin?” Il dit “L'amour et la bonté. Car si l'un seul de ces deux existait chez les Archontes, le mal ne serait pas advenu à l'existence”.

Les Archontes ne sont pas dits être mauvais mais leur manque de bonté et d'amour permet au mal d'émerger. C'est une nuance Gnostique fondamentale. Les Archontes (traduits comme “gouverneurs” par Stephen Emmel) sont toujours associés avec l'erreur et non pas avec le mal. La question est maintenant de savoir comment nous passons de l'erreur au mal. Les enseignements Gnostiques semblent valider l'assertion de Socrate selon laquelle personne ne fait le mal intentionnellement. La théorie Gnostique de l'erreur (ce qui est la même chose que la théorie sur les Archontes) assume que les humains sont intrinsèquement bons et aimants. Nous ne possédons pas un potentiel inné pour le mal mais nous avons une tendance pour le mal. En tant que créatures d'innovation, il nous est donné une large latitude pour l'erreur, car c'est en faisant et en corrigeant nos erreurs que nous pouvons apprendre, ou si vous préférez, évoluer. Notre potentiel pour l'apprentissage procède de la mesure d'intelligence, le noos, que nous a conférée le Plérome et nous nous engageons dans des processus d'apprentissage à un degré qui n'est pas atteint par les autres espèces, en raison de notre statut de singularité (Autogène, explicité plus longuement dans les textes cosmologiques). Mais lorsque les êtres humains permettent que leurs erreurs ne soient pas détectées, elles tendent à produire des comportements inconscients et déviants qui peuvent dégénérer en MAL, qui oeuvre contre la faculté de VIVRE.

Comment les Archontes entrent-ils dans le tableau? Ils ne nous poussent pas à commettre des erreurs mais ils confèrent une intensité non-humaine à la force des erreurs non corrigées ce qui résulte en leur développement au-delà de leur possibilité de correction. Comme je l'ai dit par ailleurs, la théorie Gnostique de l'erreur est une des réalisations suprêmes de l'expérience humaine. Elle affirme que le potentiel humain est intrinsèquement bon mais que nous pouvons sombrer dans l'erreur, non pas intentionnellement, mais en partie en raison de notre incapacité à nous corriger, et en partie en raison de la force d'insinuation d'une autre espèce.

“Et pour quelqu'un qui ne connaît pas le fondement des choses, la nature réelle de ces choses restera cachée. Quelqu'un qui ne connaît pas la racine du mal n'y est pas étranger” (134:15). Curieusement, la racine du mal dans la nature humaine n'est pas entièrement humaine. Quiconque ne comprend pas que, même si l'erreur est complètement humaine, la réalisation du mal est une collusion aveugle avec des êtres non-humains, sera le complice dans cette réalisation du mal. Pour ainsi dire, complice des Archontes.

Si cette théorie est véridique, elle présente une vision occulte unique qui véhicule un avertissement extraordinaire: nous ne pouvons pas expliquer comment les humains dévient et agissent à l'encontre de la vie, même au détriment de leur propre survie, si l'explication se restreint à l'humanité seule.

Le potentiel humain est à l'image d'un jeu de cartes dont certaines sont dans la manche du Tricheur.

Il se peut que la voie au-delà de notre isolement apparent dans le cosmos dépende du solutionnement de l'énigme Archontes-Arnaqueurs - à l'image d'un jeu informatique dans lequel il faille vaincre un démon adversaire avant d'avoir accès au niveau suivant du jeu.

Le Dialogue du Sauveur est tellement fragmentaire que l'on peut le lire en sautant d'un passage à un autre. Il n'existe pas de signification séquentielle possible. Dans l'ensemble, ce texte paraît être concerné par trois problématiques: la pratique spirituelle, les Archontes, et la question de la “féminité”. Le dernier point n'apparaît que brièvement mais avec des exclamations frappantes: “Détruis les oeuvres de la féminité” (114:15), prononcée par Matthieu qui vraisemblablement cite quelque chose que l'instructeur a dit. Pagel et Koester commentent de la sorte: “Il faut souligner qu'une telle polémique contre les oeuvres de la féminité' va main dans la main avec une très haute estime de Marie en tant que “femme qui possède la compréhension totale'”.

Pour “féminité”, il faut lire “féminité biologique”. Il est connu que la plupart des Gnostiques étaient opposés à la procréation dans l'espèce humaine. C'est un sujet immense et rarement pris en considération. Il suffit de préciser que les Gnostiques considéraient que ceux qui réalisent la vérité ultime du potentiel humain appartiennent à une lignée spéciale, la voie “des solitaires et des élus”, évoquée dans les lignes d'ouverture du texte. “Le passage que les élus et les solitaires traverseront” (variation de traduction) est en direction du futur mais pas un futur que les individus qui vivent maintenant puissent réaliser au travers d'une progéniture biologique qui leur survivra. La réalisation du futur dans le Maintenant est sans doute la voie qui est indiquée ici.

A plusieurs reprises, l'instructeur fait référence à des événements désastreux et catastrophiques. Ceux qui pratiquent la Gnose, et qui créent le futur dans le présent, doivent être conscients qu'ils sont tout aussi vulnérables qui quiconque à ces événements (122:15) mais ils ont cependant un avantage spécial parce qu'ils “ont maîtrisé toute parole sur terre” (122:20). Cette ligne étonnante utilise SHAJE “mot, dessein, langage intentionnels”, un concept-clé rencontré dans le commentaire sur le texte précédent. La Terre en Copte est KAH, une transcription du Grec GE, Gaïa. L'instructeur dit que des désastres telluriques vont advenir, des transformations de la planète d'envergure apocalyptique vont arriver mais que ceux qui “maîtrisent les desseins vivants de la terre” seront capables de garantir un futur humain. Afin de comprendre les pouvoirs qui font et défont la terre et le ciel, l'instructeur conseille de “rechercher ce qui est à l'intérieur de toi... la puissance et le mystère... car là où l'ordre du monde est établi, c'est là que l'esprit véritable réside” (128:5).

Dans un passage dramatique marqué par une gestuelle saisissante, le maître répond à une question cosmologique avec un enseignement Zen sur le mental originel:

“Judas répondit en disant, 'Dis moi Seigneur, comment cela fait-il que... le tremblement qui fait bouger la terre?' Le Seigneur prit une pierre et la tint en ses mains disant 'Que tiens-je à la main?'? Il dit 'une pierre'. Il leur dit: 'Ce qui soutient la terre est ce qui soutient le ciel. Lorsqu'un Dessein procède de la Vastitude, il viendra sur ce qui soutient la terre et le ciel. Car la terre ne se meut pas. Si elle se mouvait, elle tomberait. Mais elle ne se meut ni ne tombe afin que le Dessein Originel, le Mot Primordial, ne faillisse pas. Car ce fut ce qui établit le cosmos et y résida et en exsuda du parfum... Vous venez tous de cet espace originel. Dans le coeur de ceux qui parlent avec joie et vérité, vous existez vraiment. Même si l'humanité originelle arrive, pleinement incarnée, et qu'elle n'est pas reçue, elle retournera intacte vers son propre lieu. Quiconque ne connaît pas l'oeuvre de perfection ne connaît rien. Si l'on ne se tient pas dans les ténèbres, on ne sera pas capable de voir la lumière” (132:20).

Il y a encore plus loin du discours dans cette veine, mais en moins clair (passages 135 à 137) et ensuite une autre déclaration Zen: “Lorsque vous contemplez l'Existant Eternel, c'est la grande vision” (137:10). Ce qui plus est, vous pouvez le voir dans une vision transitoire ou dans la grande vision. Et “lorsque vous parlez de dedans cette vision... tout sera en harmonie avec vous” (37:15). S'ensuivent des lignes difficiles mais hautement suggestives, toujours dans le même style Zen saisissant. Le principal discoureur dans le Dialogue du Sauveur est plus à l'image d'un maître Zen que de l'instructeur de l'Evangile de Thomas, un texte qui est souvent estimé pour ses caractéristiques Zen. Lorsque son étudiant demande “que devrions-nous faire pour nous assurer que notre travail sera complété”, le maître répond, “Sois préparé à faire face à tout ce qui se présente. Béni soit celui qui a découvert la vérité dans la confrontation, avec ses propres yeux” (141:15).

Malgré sa condition fragmentaire, ce texte offre des envolées exceptionnelles. Le Dialogue du Sauveur est particulièrement précieux en raison de sa condition déplorable. Il contient l'assertion magnifique de Mariam: “il n'est qu'une parole que je donne au maître concernant ce qui est accompli dans les Mystères: c'est dans cette vérité que nous nous situons et nous sommes transparents au monde” (143:5).

John Lash

Traduction de Dominique Guillet