RechercAccueil - Contact
Chercher sur Liberterre
GaiaSophia Agriculture
Métahistoire Enthéogènes

Agriculture


Pesticides

•> Le non-labour dans les sillons de l’agro-chimie

ActualiTerres ReporTerres
LiberTerres Gaïagnostic
LivreTerres Boutique


Le non-labour dans les sillons de l’agro-chimie

Dominique Guillet

Article à télécharger en PDF (1,5 Mo)

Les “mauvaises” herbes récidivent

L’agriculture toxique sombre dans l’insécurité la plus totale: les mauvaises herbes prennent le maquis, font de la résistance et ont recours à une stratégie aussi vieille que la planète: la guérilla génétique!

Les adventices modifient leur génome en fonction de l’environnement mais à ce jeu-là, elles sont beaucoup plus fortes que Monsanto, Syngenta, Dow AgroSciences et toute la mafia de l’agro-chimie.

Les plantes adventices s’adaptent pour résister aux herbicides les plus toxiques. En toute simplicité.

Quelques exemples:

- Une Amaranthe “Amaranthus palmeri” résiste dans les champs de soja transgénique (“Roundup Ready”) ou de coton transgénique (“Roundup Ready”) à des doses de glyphosate quatre fois supérieures à la dose létale.

- La Vergerette du Canada “Conysa canadensis” est devenue résistante dans une douzaine d’états des USA mais elle est reportée devenir résistante à de nombreux herbicides sur toute la planète: aux triazines, au paraquat, au glyphosate, aux inhibiteurs de l’acétolactate synthase.

- Une autre Amaranthe “Amaranthus rudis” survit, dans les champs de soja transgénique du Missouri, à des doses de 12 litres de glyphosate à l’hectare, à savoir des doses quatre à six fois supérieures à la dose létale reconnue.

Nous pouvions lire récemment dans un article du Monde qu’en 1996, une seule adventice résistait au Roundup alors qu’en 2005, il y en avait une douzaine d’espèces différentes.

Mais la réalité est tout autre et bien pire pour les agriculteurs (mais pas pour les marchands de poisons qui engrangent d’autant plus de dividendes). L’agriculture occidentale peine à occire la couverture végétale, verte et naturelle des sols. Le Front de Résistance des Adventices fait un gigantesque pied de nez aux biocidaires en tous genres.

En effet, selon le très officiel Ministère de l’Agriculture de l’Etat de l’Ontario:“On a recensé dans 47 pays du monde plus de 249 biotypes de mauvaises herbes résistantes à des herbicides. Ce chiffre gonfle d’année en année, à mesure que de nouveaux cas de résistance sont signalés.”

Qui plus est, selon les officiels Comités d’Action de Résistance aux Herbicides aux USA, ce sont en fait 183 espèces et 314 biotopes qui sont devenus résistants aux herbicides de par le monde.

C’est une course “à la vie à la mort” entre, d’une part, les plantes qui sont sur la planète Terre depuis des centaines de millions d’années et, d’autre part, les Monsanto et Syngenta qui ne sont là que depuis quelques dizaines d’années!


Petit précis de résistance herbologique

Le même Ministère de l’Ontario nous offre une définition toute simple de la résistance des adventices:

“La résistance à un herbicide traduit la capacité qu’a un peuplement de mauvaises herbes de survivre à un traitement herbicide qui, sous des conditions d’utilisation normales, réussirait à le maîtriser efficacement. La résistance aux herbicides est un exemple d’évolution à un rythme accéléré et illustre le principe de la « loi du plus fort ». Un herbicide peut détruire toutes les mauvaises herbes d’un peuplement d’une espèce en particulier, à l’exception de quelques spécimens ayant le potentiel génétique de survivre à l’herbicide.”

On voit difficilement comment le potentiel génétique différent des adventices puisse illustrer le principe de la loi du plus fort. Certains agronomes, semble-t-il, n’ont pas encore compris que ce qui caractérise la vie, c’est la diversité, c’est la complexité, c’est la résistance horizontale ou polygénique. Le message est cependant clair: les herbes s’adaptent et ce, “à un rythme accéléré”. Doit-on en déduire que cette accélération puisse être exponentielle? Sans doute, si l’on en juge la description suivante des résistances, des double-résistances, des multi-résistances, des résistances croisées...:

“Les mauvaises herbes résistantes peuvent l’être à seulement un groupe d’herbicides, mais aussi à deux groupes et même davantage. Elles peuvent aussi être résistantes à une catégorie d’herbicides au sein d’un groupe ou à toutes les catégories d’herbicides au sein du même groupe. L’exemple qui suit illustre cette situation.

Un peuplement d’une certaine espèce de mauvaises herbes résistant aux herbicides du groupe 2 (inhibiteurs de l’acétolactate synthase [ALS]) peut être résistant à un, à plusieurs ou à la totalité des herbicides qui inhibent l’ALS; on parle dans ce cas de résistance croisée. On parle de multirésistance lorsque le peuplement de mauvaises herbes est résistant non seulement aux herbicides du groupe 2, mais aussi aux herbicides du groupe 5 (triazines). Pour maîtriser ce peuplement, il faudrait choisir des herbicides qui n’appartiennent ni au groupe 2, ni au groupe 5.

Un peuplement d’amarantes résistant à l’atrazine peut également être résistant à la métribuzine (Sencor ou Lexone) ainsi qu’à la simazine (Princep ou Simadex) (résistance croisée). Si le même peuplement d’amarantes est résistant à l’imazéthapyr (Pursuit du groupe 2), il affiche une multirésistance. (Ce peuplement de mauvaises herbes peut aussi être résistant au thifensulfuron-méthyl [Pinnacle], au nicosulfuron ou au rimsulfuron [Accent, Ultim, Elim] ou à d’autres herbicides du groupe 2 [résistance croisée]). Toutefois, les herbicides d’autres groupes que les groupes 5 et 2, tel le dicamba (Banvel, du groupe 4) ou le bromoxynil (Pardner du groupe 6) permettront de maîtriser ce peuplement de mauvaise herbe tout aussi efficacement que s’il s’agissait d’un peuplement sensible de la même espèce de mauvaise herbe. Certains produits herbicides combinent plus d’un ingrédient actif (de différents groupes) et offrent la possibilité de retarder l’apparition d’une souche résistante et d’assurer la maîtrise des mauvaises herbes résistantes (Broadstrike, Dual Magnum, Fieldstar, Peakplus et Summit en sont des exemples).

En Ontario, on a identifié des amarantes qui sont résistantes à la fois aux triazines (herbicides du groupe 5, comme l’atrazine et la métribuzine) et aux inhibiteurs de l’ALS (herbicides du groupe 2, comme Pursuit, Classic et Pinnacle). En Australie, on compte jusqu’à 10 le nombre de groupes chimiques auxquels certains peuplements de ray-grass sont résistants. La multirésistance réduit considérablement les choix qui s’offrent aux agriculteurs pour combattre ces mauvaises herbes”.

Bien, un grand merci au ministère pour toutes ces précisions. L’agriculture devient un véritable casse-tête et ce d’autant plus qu’une seule adventice non maîtrisée peut entraîner jusqu’à 70 % de pertes de la récolte.


Le non-labour: une nouvelle révolution verte par la couleur du dollar

Le non-labour est qualifié par certains de nouvelle révolution verte. Ils ont sûrement raison s’ils le comparent à la première révolution verte qui a généré beaucoup de dollars pour les multinationales, une perte effroyable de la biodiversité alimentaire, la destruction du tissu social, la pollution du sol, de l’air et des eaux, une insécurité alimentaire totale, etc, etc.

Certaines organisations promeuvent le non-labour comme une technique de “l’agriculture durable”. Par exemple, aux USA, l’Association de Pennsylvanie pour l’Agriculture Durable.

En Amérique Latine, la CAAPAS, Confederación de Asociaciones Americanas para la Producción de la Agricultura Sustentable, à savoir une association pour la promotion de l’agriculture durable, fut créée par les diverses fédérations promouvant le non-labour:
- Au Brésil, la Fédération Brésilienne du Semis Direct est associée, Federação Brasileira de Plantio Direto na Palha.
- En Argentine, la Asociación Argentina de Productores en Siembra Directa, Aapresid.
- Au Paraguay, ASIDINAR, la Asociación Siembra Directa Del Naranjal - ainsi que la Federación Paraguaya De Siembra Directa Para Una Agricultura Sustentable, FEPASIDIAS.
- etc.
- La branche Mexicaine des Amis de la Terre est également présentée comme membre de cette association, ce qui semble étonnant.

Nous sommes quelque peu stupéfaits de découvrir dans la page “agro-écologie” du CIRAD la présentation du non-labour qui omet tout simplement de préciser l’importance extrême de l’utilisation des pesticides chez la grande majorité des agriculteurs qui pratiquent cette méthode.

Dans la page intitulée “Le semis direct sur couverture végétale”, fort bien présentée et illustrée au demeurant, nous pouvons lire que “la gestion agrobiologique (à ne pas confondre avec l’agriculture biologique, nous parlons maintenant d’agroécologie pour éviter cette confusion courante) concerne l’ensemble des techniques protectrices du sol et améliorantes de sa fertilité, mais en même temps productives et économes en intrants chimiques.”

C’est tout simplement le première fois que nous voyons une mention de l’agro-écologie en lien avec l’utilisation d’intrants chimiques.

La page internet évoque par ailleurs la “pellétisation des semences” avec de la gomme arabique, des oligo-éléments, du phosphate tricalcique et puis un insecticide systémique, l’imidaclopride, et une combinaison de deux fongicides, le thiabendazole et le thiram.

Rappelons que l’imidaclopride est l’un des principaux coupables de la destruction de l’apiculture. Nous renvoyons, à ce sujet, les lecteurs à l’article que nous avons publié récemment “Requiem pour nos Abeilles”.

Il nous paraît inacceptable de parler d’agro-écologie dans ces conditions. C’est une supercherie.


Le non-labour, les petites fleurs, les petits paysans, les chevaux et les boeufs...

et pourquoi pas le petit Jésus dans la crêche!

Quant à l’article récent rédigé par Bernardo Esteves, publié par Science and Development Network et traduit en Français, voici quelques commentaires et questions:

- le non-labour est présenté comme plus vert et même plus “écologique”, dans la traduction espagnole du texte. Plus écologique que quoi?

- cette pratique permettrait “de fixer le carbone dans le sol” et donc de limiter le réchauffement climatique. Il faut préciser tout d’abord que si l’on détruit des millions d’hectares de forêts amazonienne pour semer du soja en non-labour et fixer le carbone, on ferait mieux déjà de laisser les forêts tropicales intactes car leur destruction accélère grandement le réchauffement climatique. Secondement, selon l’agro-écologiste (et professeur d’Université en Californie) Miguel Altieri, si la biologie des sols est à ce point détraquée et que les résidus végétaux ne peuvent plus se décomposer, le carbone n’est plus fixé.

- “les petits agriculteurs prêchent la bonne parole” depuis que le prix des semoirs a baissé. Cela fait trente ans que des millions de petits paysans ont été chassés de leur terre en Amérique Latine suite à l’emprise de la République du soja. De qui parle-t-on réellement?

- “La méthode permet aussi de réduire l’érosion des sols jusqu’à 90%”. Notons, cependant, toujours selon Miguel Altieri, que “grâce à l’introduction de variétés de soja résistant à l’herbicide Roundup de Monsanto, les paysans en Amérique Latine pratiquent la technique du non-labour sur des sols hautement érosifs. L’expérience a amplement démontré que, dans ce cas, l’érosion reste substantielle ainsi que la perte de structure du sol en raison du fait que la couverture végétale naturelle a disparu.”

- “cette méthode permet de garder la surface des eaux plus propre”. La situation de l’eau doit être pire qu’en France vu que le non-labour requiert encore plus d’herbicides et de pesticides. Et en France, rappelons-le, selon les enquêtes publiées par l’IFEN, 96 % de nos cours d’eaux et 61 % de nos nappes phréatiques sont pollués par 230 pesticides différents: la molécule la plus présente étant l’atrazine qui génère cancers (du sein et des ovaires), maladies cardio-vasculaires, dégénérescences musculaires, lésions des poumons et des reins, etc.

- “Selon Landers, les herbicides employés dans le cadre du semi-direct (principalement le glyphosate) figurent parmi les herbicides les moins nocifs pour l’environnement.” Le glyphosate est, en fait, un des herbicides les plus dangereux et comme il devient inefficace, les agriculteurs en non-labour ont recours à des cocktails d’insecticides dont personne ne connaît les effets synergiques. Au vu de telles assertions, nous serions enclins à penser que cet article sur le non-labour est de l’intoxication pure et que Mr Landers n’est peut-être pas totalement indépendant des “entreprises du secteur”.

- “machines à plantation et pulvérisateurs permettant d’appliquer les fertilisants sur les cultures de protection”. Les pulvérisateurs pulvérisent des fertilisants de synthèse comme dans l’agriculture chimique. Mr Landers omet de préciser que ces mêmes pulvérisateurs pulvérisent une quantité incroyable de pesticides.

- “Les agriculteurs acceptent cette technologie conduite par l’animal car ils possèdent tous des chevaux ou des boeufs,...”. On se demande bien quels bénéfices de tout petits paysans, avec cheval ou boeuf de trait, peuvent tirer de la culture en non-labour chimique. Même la FAO concède actuellement que la seule solution pour sauver les petits paysans des pays pauvres, c’est l’agriculture biologique. Alors, du non-labour pourquoi pas, mais en bio!

Quelles solutions?

En effet, le non-labour bio est très efficace. Il suffit de consulter les ouvrages du grand maître de l’agriculture, Masanobu Fukuoka: “La révolution d’un seul brin de paille”, “L’agriculture naturelle” et “La voie du retour à la nature”.

L’agriculture naturelle de Fukuoka repose sur quatre principes très clairs et très simples:
- pas de labour
- pas de pesticides
- pas de désherbage
- pas de fertilisant

Annadana 25, l’antenne de Kokopelli en Inde, a pu expérimenter depuis 7 années une synergie de pratiques agro-écologiques qui porte ses fruits: le compost, le vermi-compost, les techniques de Fukuoka, les Effective Micro-Organisms, la biodynamie, les engrais verts, le jardinage bio-intensif de John Jeavons, les “terra preta” de l’Amazonie, etc.

Nous cultivons en planches surélevées de 30 cm de hauteur et d’1m20 de largeur. La bio-masse cultivée durant la mousson de l’automne (sorghum, crotalaria, etc.) est hachée à la machette en fin de mousson et laissée à décomposer en surface recouverte d’une fine couche de terre et aspergée d’EM (Effective Micro-organisms du Professeur Teruo Higa).

Les semences sont directement semées à la main (ou les plants repiqués) dans le mulch. En 60 jours, à partir du semis, nous produisons des semences de concombres. En 60 jours, à partir du semis, nous produisons des courges musquées (de type Pleine de Naples ou Longue de Nice) qui partent sur le marché local.

En 60 jours à partir du semis et avec très peu d’eau.

L’Inde possède (encore, mais cela ne va pas durer) 150 millions d’hectares de terres arables. Tous les grands maîtres de l’agro-écologie en Inde s’entendent sur le fait que l’on puisse nourrir de 20 à 25 personnes par hectare en agriculture “bio-intensive”, à condition d’avoir de l’eau bien sûr, et en régime végétarien.

Ce qui veut dire que l’on pourrait nourrir 3 milliards de personnes en Inde en agro-écologie et, répétons-le, en régime végétarien.

En effet, le problème du non-labour chimique doit être resitué en ne perdant pas de vue ses objectifs qui sont avant tout de produire du végétal pour nourrir les animaux à viande pour les nantis de cette planète.

Et le problème se complique d’autant que les objectifs sont également de produire des agro-carburants pour faire rouler les voitures des nantis de cette planète. Ou les avions car l’Argentine vient juste de faire voler son premier avion au diesel végétal de soja.

Quant à la lutte contre l’érosion supposée être le fondement premier de la pratique du non-labour chimique, la question semble simple.

Quelle différence entre, d’une part, un sol érodé par l’eau et le vent et, d’autre part, un sol non labouré et non érodé mais biologiquement défunt parce que matraqué par la chimie lourde? Aucune différence et le second est appelé à s’éroder à court terme.

Et au rythme de désertification actuel, il ne restera plus un gramme de terre arable sur la planète en 2050.

La seule solution: la libération de l’humus de l’emprise de la chimie.

Dominique Guillet. Le 27 mai 2007.