Plan, Plante, Planète

"Notre choix en tant que culture planétaire est simple: le vert ou la mort!"

Terence McKenna

Traduction de Dominique Guillet

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Notre crise globale actuelle est la plus profonde de toutes les crises historiquement répertoriées; nos solutions doivent donc s'avérer à la hauteur de cette crise. Je propose que nous adoptions la plante en tant que modèle organisationnel pour la vie au 21 ème siècle, tout comme l'ordinateur semble être le modèle mental-social dominant de la fin du 20 ème siècle et tout comme le moteur à vapeur fut l'image icone du 19 ème siècle.

Cela signifie qu'il nous faut projeter notre regard vers des modèles passés, qui furent couronnés de succès, il y a 15 ou 20 000 années de cela. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons percevoir les plantes comme nourriture, comme abri, comme vêtement et comme source d'éducation et de religion.

Ce processus commence en affirmant la légitimité de ce dont nous avons été privés depuis si longtemps. Affirmons que la nature est légitime. Toutes les plantes devraient être déclarées légales et, par la même occasion, tous les animaux. La notion de plantes et d'animaux illégaux est ridicule et odieuse.

Le rétablissement de voies de communication directe avec l'Altérité Planétaire, l'intelligence derrière la nature, grâce à l'usage de plantes psychotropes, constitue notre meilleur espoir de faire s'effondrer les murs abruptes de l'inflexibilité culturelle qui nous emmènent tout droit vers la ruine. Il nous faut développer une nouvelle vision afin de percevoir notre chemin dans le monde. Lorsque le monde médiéval changea de paradigme, la société séculaire Européenne chercha son salut dans un renouveau des approches classiques, Romaine et Grecque, à la loi, à la philosophie, à l'esthétique, à la planification urbaine et à l'agriculture. Notre dilemme va nous inciter à regarder vers le passé en quête de nouveaux modèles et de nouvelles réponses.

La solution à une grande partie du malaise moderne, incluant les dépendances chimiques et les névroses et psychoses réprimées, consiste en une exposition directe aux dimensions authentiques du risque représenté par l'expérience des plantes psychédéliques. La position en faveur des plantes psychotropes est clairement une position anti-drogues. Les dépendances aux drogues sont le résultat de comportements obsessionnels, routiniers et non réfléchis; ce sont, en fait, exactement les tendances de notre complexe psychologique que les psychédéliques soulagent. Les psychotropes végétaux dissolvent les habitudes et permettent d'examiner les motivations à la lumière d'un positionnement individuel plus holistique, moins égocentrique et plus enraciné. Il est erroné de prétendre qu'il n'existe pas de risques mais il est tout aussi erroné de prétendre que le risque n'en vaille pas la peine. Il nous faut valider expérimentale ment une nouvelle image qui nous puisse guider, une métaphore holistique capable de nous servir de base pour un nouveau modèle individuel et sociétal.

La relation entre les humains et les plantes a toujours constitué le fondement de notre existence individuelle et de groupe dans le monde. Ce que j'appelle le Renouveau Archaïque est le processus de régénération de la prise de conscience des attitudes traditionnelles envers la nature, ce qui inclue les plantes et nos relations avec elles. Le Renouveau Archaïque signifie l'effondrement éventuel du schéma de domination mâle et de la hiérarchie fondée sur une organisation animale, quelque chose qui ne peut pas être transformé en un rien de temps par une métamorphose soudaine de la conscience collective. Cette métamorphose sera plutôt organique de par la reconnaissance progressive que le thème universel qui guide le Renouveau Archaïque est l'idée/idéal d'une Déesse de la Végétation, la Terre elle-même en tant que cette Gaïa dont on parle tant - un phénomène amplement documenté par les anthropologues du 19 ème siècle, en particulier Frazer, mais qui a acquis récemment une nouvelle aura de respectabilité avec Riane Eisler, Marija Gimbutas, James Mellaart et bien d'autres.

Plus un groupe humain est proche de la gnose de l'intelligence végétale - la collectivité Gaïenne de la vie organique - plus sa connexion est intime avec l'archétype de la Déesse et donc avec la voie mutualiste de l'organisation sociale. La dernière fois que la pensée Occidentale conventionnelle fut régénérée par la gnose de l'intelligence végétale, ce fut à la fin de l'époque Helléniste avant que les religions des Mystères ne fussent finalement éradiquées par le prosélytisme des barbares Chrétiens.

J'en conclus que la prochaine phase évolutive sur le chemin du Renouveau Archaïque, de la renaissance de la Déesse, et de la fin de l'histoire profane, va requérir un programme intégrant la notion d'émergence de l'intelligence végétale et de notre réimplication avec cette intelligence. Ce même mental qui nous a poussé vers un langage d'auto-réflexion nous offre maintenant les paysages illimités de l'imagination. Sans une telle relation aux éxophéromones psychédéliques, qui régulent notre relation symbiotique avec le royaume végétal, la compréhension d'une finalité planétaire nous échappera totalement. Et il se peut que la compréhension du dessein planétaire soit la contribution majeure que nous puissions apporter au processus évolutif. Le retour au sein de la co-évolution planétaire signifie d'abandonner le point de vue de l'ego, créé par l'histoire, afin d'adopter un style beaucoup plus intuitif et féminin.

L'intuition amplement ressentie de la présence de l'Autre en tant que compagnon femelle dans la navigation humaine de l'histoire peut, je le crois, être retracée à l'immersion dans l'intelligence végétale qui a fourni le contexte rituel en lequel la conscience humaine a émergé à la lumière de l'auto-réflexion, de l'auto-articulation, de la conscience d'être conscient: la lumière de la Grande Déesse.

Que cela signifie-t-il d'accepter les solutions des formes de vie végétale comme métaphores pour la conduite des affaires du monde humain? L'adoption de cette proposition induirait deux métamorphoses fondamentales:

La féminisation de la culture. La culture serait féminisée à un degré qu'il reste à explorer pleinement. La Conscience Verte signifie de reconnaître que la division réelle entre le masculin et le féminin n'est pas une division entre les hommes et les femmes mais plutôt une division entre nous-mêmes en tant qu'animaux conscients - omnivores, défricheurs de terres, faiseurs de guerres, expression suprême du yang - et le manteau planétaire de la végétation - l'antique élément yin métastable qui constitue de loin la majeure portion de la biomasse de la terre vivante.

Une quête intérieure de valeurs. L'intériorité est la principale caractéristique de l'approche végétale à l'existence beaucoup plus que de l'approche animale. Les animaux se meuvent, migrent et essaiment tandis que les plantes demeurent. Les plantes vivent dans une dimension caractérisée par l'état solide, par ce qui est fixé et ce qui perdure. S'il existe un mouvement dans la conscience des plantes, ce doit être alors le mouvement de l'esprit et de l'attention dans le domaine de l'imagination végétale. C'est peut-être ce vers quoi oriente le Renouveau Archaïque, la reconnexion à la Déesse Végétale par le biais des plantes psychédéliques: la vie de l'esprit est la vie qui pénètre dans les sphères visionnaires à l'oeuvre dans les plantes magiques instructrices. C'est la vérité que les shamans ont toujours connue et pratiquée. La conscience de l'aspect vert du mental était appelé Veriditas par la visionnaire du 12 ème siècle, Hildegarde de Bingen.

Un nouveau paradigme capable d'offrir l'espoir d'un chemin au-delà des sables mouvants culturels doit fournir un programme concret de propositions concernant l'escalade de problèmes auxquels est confrontée la planète. Il existe plusieurs domaines dans lesquels l'émergence de la connaissance de Veriditas pourrait aider à repousser l'armageddon.


Détoxification de l'environnement naturel. Le processus de détoxification est naturellement assuré par l'action combinée de l'atmosphère, de la matrice biologique et des océans. Ce processus planétaire était encore capable de gérer les déchets urbains industriels jusqu'au moment où la technologie industrielle moderne a pris une ampleur réellement globale. La culture d'espèces de datura, plantes qui faisaient partie autrefois des rites religieux des Indiens du sud de la Californie, et d'autres plantes qui lessivent les métaux lourds de la terre en les séquestrant dans leurs tissus cellulaires, constitue un exemple d'un processus naturel qui pourrait aider à nettoyer notre environnement. La prise de conscience des nombreuses voies par lesquelles la matrice biologique de la terre fonctionne pour repousser la toxification, ainsi que la prise de conscience que la nature est à l'oeuvre pour soutenir la vie, peuvent apporter une contribution essentielle à l'élaboration d'un consensus politique de participation active pour sauver cette vie-même.


Connexion et symbiose. Tout comme les plantes, nous avons besoin d'optimiser la qualité de connexion et de symbiose. Les approches, fondées sur la plante, pour modeler le monde incluent la prise de conscience de la nature fractale et ramifiée de l'action communautaire. Un réseau arboré de relations symbiotiques peut maintenant remplacer le modèle de l'évolution que nous avons hérité du 19 ème siècle. Le modèle précédent, celui de la lutte, bec et ongles, pour l'existence, celui de la survie des plus forts, est un modèle fondé sur l'observation naïve du comportement animal. Et, cependant, il fut joyeusement étendu au royaume végétal afin d'expliquer les interactions évolutives supposées provoquer la spéciation dans le monde botanique. Plus tard, des observateurs plus sophistiqués (C.H. Waddington et Erich Jantsch) ne découvrirent pas la Guerre dans la Nature que les Darwiniens supposaient mais plutôt une situation par laquelle ce n'était pas la faculté de compétition mais la faculté d'optimiser la coopération avec les autres espèces qui contribuait le plus directement à la capacité d'un organisme de fonctionner et de perdurer en tant que membre d'un biotope. Les plantes interagissent entre elles par le biais du matelas de racines emmêlées qui les relie toutes à la source de leur nutrition et les unes aux autres. Le tapis de sol d'une forêt tropicale humide est un environnement d'une grande diversité chimique; la topologie s'approche de celle des tissus cérébraux quant à sa complexité. Au sein du réseau de racines interconnectées, des signaux chimiques complexes sont sans cesse transmis et reçus. L'évolution co-adaptative et les relations symbiotiques régulent l'entièreté de ce système avec une omniprésence qui en dit long sur la primauté évolutive de ces stratégies de coopération. Ainsi les champignons mycorhiziens vivent en symbiose à la surface des racines des plantes en équilibrant harmonieusement et en régulant l'eau chargée de minéraux qui se meut au travers d'eux vers les racines de leur hôte.


Ajustement de systèmes complexes. Si l'on pouvait comprendre les phénomènes associés avec la résonnance et l'harmonie biologiques, alors des systèmes globaux, tels que le système banquier mondial et la production globale de nourriture, pourraient être gérés de manière adéquate. Les biologistes Gaïens James Lovelock et Lynn Margullis, ainsi que d'autres, ont argumenté avec brio que la planète entière a été auto-organisée par la vie microbienne et planctonique en un régime métastable favorable à la biologie et maintenu ainsi pendant plus de deux milliards d'années. Gaïa, grâce à son fondement végétal, a conservé un équilibre au travers de l'espace et du temps - et ce en dépit du bombardement répété de la terre par des astéroïdes assez conséquents pour perturber l'harmonie planétaire. Nous ne pouvons que faire preuve d'admiration - et nous devrions tenter d'imiter ce sens du Tao de l'équilibre homéostatique multidimensionnel de la planète. Mais comment? Je suggère que nous observions les plantes - contemplons-les plus profondément, plus intimement et avec un esprit beaucoup plus ouvert qu'auparavant.


Recyclage. Tout comme les plantes, il nous faut recycler. A l'échelle cosmique, nous ne sommes pas plus mobiles que les plantes. Jusqu'à cette période de l'histoire, nous avons modelé nos systèmes économiques les plus performants sur la prédation animale. Les animaux sont potentiellement capables de se mouvoir vers un autre espace de ressources lorsqu'ils ont épuisé celui dans lequel ils sont. Puisqu'ils peuvent se déplacer vers de nouvelles sources de nourriture, ils bénéficient potentiellement de ressources illimitées. Les plantes, quant à elles, sont fixées. Elles ne peuvent pas aisément se mouvoir vers des nutriments plus riches ou quitter un espace qu'elles auraient épuisé ou perturbé. Elles doivent donc recycler correctement. La condition sine qua non de la survie planétaire requiert que l'on promeuve une éthique fondée sur les plantes qui mette en exergue la manière dont le monde botanique utilise et recycle les ressources. Tous les modèles capitalistes présupposent des ressources et des réservoirs de forces de travail illimités. On ne peut plus présumer de ces deux aspects. Je ne peux pas proposer de méthodes précises mais je suggère que l'on commence à se tourner vers le monde végétal afin de découvrir la vrai question qu'il faille poser.


Pouvoir photovoltaïque. L'appréciation du pouvoir photovoltaïque fait partie de l'orientation vers l'appréciation de l'élégance de la qualité de solidité que les plantes possèdent. Les plantes ont recours à des solutions photosynthétiques pour gérer les problèmes d'acquisition d'énergie. En comparaison aux roues de moulins entraînés par l'eau ou par les animaux, qui sont des métaphores archaïques de production d'énergie dans le monde humain, le miracle moléculaire de quantum d'état solide qui implique de plonger un photon de lumière solaire dans un système moléculaire qui va impulser un électron capable de participer, sur le plan de l'énergie, à la vie d'une cellule semble être une prouesse de science fiction extravagante. C'est, cependant, le principe sur lequel opère la photosynthèse. Alors que les premiers instruments basés sur la physique des états solides apparurent aux frontières humaines culturelles à la fin des années 1940, l'ingénierie d'état solide avait constitué l'approche technique préférée des plantes depuis quelque 2000 millions d'années. Des systèmes photovoltaïques de très grande performance pourraient satisfaire les besoins quotidiens en électricité de la plupart des humains. C'est en fait le fonctionnement des industries de base qui s'est avéré problématique avec l'énergie solaire. C'est peut-être la façon que la nature a de nous dire que nous aspirons à trop de “manufacture”.


Une économie fondée sur une atmosphère globale. L'approche de la vie végétale quant à la production d'énergie est appelée photosynthèse. Ce processus pourrait être imité par la création d'une économie globale fondée sur l'utilisation de l'énergie solaire pour obtenir de l'hydrogène à partir de l'eau de mer. L'électricité de nature solaire pourrait satisfaire la plupart des besoins en électricité alors qu'elle ne pourra pas satisfaire aux contingences imposées par la fonte de l'aluminium, de l'acier et par d'autres processus industriels très demandeurs en énergie. Il existe, néanmoins une solution; les plantes décomposent le dioxyde de carbone atmosphérique pour libérer de l'énergie et produire de l'oxygène. Un processus similaire, tout en étant différent, pourrait être utilisé pour décomposer l'eau afin d'obtenir de l'hydrogène. Cet hydrogène pourrait être emmagasiné et concentré pour des usages ultérieurs. Les plantes ont réussi merveilleusement à trouver des solutions élégantes fondées sur des ressources disponibles; une économie fondée sur l'hydrogène pourrait impulser des processus similaires de recours à des ressources recyclables et inépuisables.

C'est réellement une notion simple; cela fait longtemps que les planificateurs ont pris conscience que l'hydrogène constitue la ressource idéale pour propulser une économie globale. L'hydrogène est propre: lorsqu'il brûle, il se recombine avec l'eau dont il est dérivé. L'hydrogène est abondant: un tiers de l'eau est de l'hydrogène. Et toutes les technologies existantes - moteur à combustion, charbon, pétrole et générateurs nucléaires - pourraient être réaménagées pour fonctionner à l'hydrogène. Nous ne sommes donc pas en train d'évoquer de mettre fin à la production existante d'énergie et à ses systèmes de distribution. L'hydrogène pourrait être “extrait” de l'eau de mer près des îles lointaines et ensuite expédié par les technologies déjà existantes qui sont utilisées, dans transport océanique, pour déplacer le gaz liquide de son lieu de production vers les marchés. L'objection selon laquelle l'hydrogène est hautement explosif et qu'il n'existe pas encore de technologies avérées pour le processer a été amplement contrecarrée par l'industrie. Des explosions à l'hydrogène seraient extrêmement destructives mais ce serait des explosions ordinaires - localisées, non-toxiques et ne libérant pas de radioactivité. A l'image de la plante, l'économie à l'hydrogène serait non-polluante et durable; l'hydrogène brûlé se recombine à l'oxygène pour former de l'eau.

Un effort sociétal d'envergure extraordinaire serait nécessaire pour commencer à s'orienter vers une démonstration expérimentale de la faisabilité d'une économie fonctionnant à l'hydrogène. Il est clair que de nombreux problèmes peuvent se manifester avec une telle technologie. Mais il n'existe pas de planification de production d'énergie qui puisse satisfaire les demandes pour le 21 ème siècle qui n'aille pas au-devant de réelles difficultés.


Nanotechnologies. Le domaine des mécanismes moléculaires promet la plus radicale des visions vertes puisqu'il propose que des organelles et des cellules quasibiologiques prennent en charge la fabrication de produits et de culture. Les nanotechnologies prennent très au sérieux la notion selon laquelle les techniques de fabrication et les méthodes de manipulation de la matière à l'échelle microphysique peuvent influencer le processus d'élaboration du monde à l'échelle de l'homme. Dans le monde des nanotech, les demeures et les machines peuvent être “cultivées” et tout ce qui est manufacturé est plus proche de la chair que de la pierre. La distinction entre le vivant et le non-vivant et entre l'organique et l'artificiel s'estompe dans la barrière de corail électronique de la “symbiose humain-machine” contemplée par les scientifiques des nanotechnologies.

Note du traducteur. Il ne faut pas oublier que Terence a rédigé ce texte il y a près de vingt ans alors que ce concept de nanotechnologies venait juste de poindre. De nombreux mouvements de la société civile mettent en avant les dangers des nanotechnologies. ETC, une organisation écologiste Canadienne a pris la tête d’un véritable mouvement mondial opposé aux nanotechnologies. En France, la contestation se concentre particulièrement autour du site Internet baptisé Piecesetmaindœuvre.com.


Préservation de la diversité biologique. La vie sur cette planète, et la diversité chimique qu'elle représente, sera probablement la seule source de matériaux biologiquement évolués jusqu'au jour où nous découvrirons une autre planète sur laquelle la vie soit tout aussi exubérante que sur la nôtre. Malgré cela, nous sommes en train de détruire la diversité vivante de notre monde à une vitesse désastreuse. Ce processus doit être arrêté non seulement au travers de la préservation des écosystèmes mais aussi au travers de la préservation des informations concernant ces écosystèmes qui ont été accumulées depuis des milliers d'années par les peuples qui y vivent. Il est impossible de surestimer l'importance pour la santé humaine de la préservation des connaissances traditionnelles concernant les plantes médicinales. Tous les médicaments principaux, qui ont changé le cours de l'histoire, proviennent de champignons et de plantes vivantes. La quinine permit la conquête des Tropiques tandis que la pénicilline et la pilule contraceptive remodelèrent le tissu social du 20 ème siècle. Ces trois produits pharmaceutiques sont issus de plantes. Avec Kat ma partenaire, nous oeuvrons dans ce domaine avec Botanical Dimensions, un jardin botanique à Hawaï qui se consacre à la préservation des plantes utilisées dans le shamanisme Amazonien, un des très nombreux systèmes de connaissance qui sont en train de disparaître une vitesse alarmante.

Les mesures évoquées ci-dessus pourraient favoriser l'émergence de ce qu'on peut appeler un sens holistique Gaïen, à savoir un sens de l'unité et de l'harmonie dans la nature et de notre propre positionnement humain au sein de l'équilibre dynamique et en évolution. C'est une vision fondée sur la plante. Ce retour à une perspective qui place le soi et l'ego au sein d'un plus large contexte de vie et d'évolution planétaires est l'essence du Renouveau Archaïque. Marshall McLuhan avait raison de percevoir que la culture humaine planétaire, le village global, serait tribale quant à sa nature. La grande étape suivante vers une vision planétaire holistique est la fusion partielle du monde humain, transformé par la technologie, avec la matrice archaïque de l'intelligence végétale qui est le Supramental de la planète.

J'hésite à appeler cette émergence une prise de conscience religieuse mais cela en est sûrement une. Et elle va impliquer une exploration intégrale des dimensions révélées par les plantes psychotropes, et plus particulièrement celles qui sont corrélées à des neurotransmetteurs déjà présents et fonctionnant dans le cerveau humain. Une exploration prudente des plantes psychotropes va permettre de sonder le niveau le plus sensitif et le plus archaïque du drame de l'émergence de la conscience; c'est dans la relation symbiotique entre la plante et l'humain, qui caractérisait les religions et les sociétés archaïques, que ce mystère numineux fut originellement vécu. Et ce vécu n'est pas moins mystérieux pour nous aujourd'hui en dépit de la croyance commune que nous avons remplacé le sentiment originel de révérence de nos ancêtres par des outils philosophiques et épistémologiques de la plus grande sophistication faisant appel à la capacité analytique.

Notre choix en tant que culture planétaire est simple: le vert ou la mort!

Texte extrait de l'ouvrage “The Archaic Revival” par Terence McKenna.

Traduction de Dominique Guillet.