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à l'origine du phénomène religieux

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L'Affaire John Allegro

Vincent Wattiaux

Télécharger la traduction en anglais (sous Word).

«J’inviterai la critique à quelque méfiance.  C’est un jeu facile d’opposer à des vues nouvelles des objections irréfutables.  C’est que , la plupart du temps, ce qui est nouveau déconcerte et n’est pas exactement compris : les objections portent sur des aspects simplifiés, que l’auteur n’admet pas davantage qu’un soi-disant contradicteur, ou n’admet que dans les limites d’une simplification provisoire.»(1) Georges BATAILLE

ll y a une quinzaine d’années, quand j’ai commencé à m’intéresser aux rapports entre drogues et religions, j’ai évidemment lu Le Champignon Sacré et le Croix de John Allegro, un livre qui m’a d’emblée laissé très perplexe. (2)

Très récemment, par l’envoi postal d’une de ses publications, un mycologue pointa cet ouvrage dans sa propre bibliographie, en ajoutant de façon manuscrite cette petite glose : « Ou ce livre est l’œuvre d’un génie, ou c’est l’œuvre d’un fou. »(3) Cette phrase-là m’a donné envie d’écrire un article que je ruminais depuis trop longtemps. Son objet n’est ni la réhabilitation fantasque de John Allegro, ni une réfutation supplémentaire. Il s’agit d’un réexamen de son travail à l’aune de mon propre savoir – philologique entre autre – afin de faire la part du feu, tout en proposant une nouvelle hypothèse.

Je pense aujourd’hui que la disjonction grammaticale, ou , dans la phrase précitée du mycologue, devrait être remplacée par la conjonction et : « Ce livre est l’œuvre d’un fou et c’est l’œuvre d’un génie. »

L’histoire d’une polémique

John Marco Allegro (1923-1988), philologue, docteur d’Oxford, spécialisé dans le grec, l’hébreu et les études sémitiques, fut doctorant à partir de 1947 à l’université de Manchester (Grande-Bretagne).

Philologue réputé, il est recommandé par son ancien directeur de thèse, le professeur Godfrey R. Driver (expert des langues sémitiques), au Père de Vaux, chef de l’équipe internationale chargée de la traduction et de la publication des Manuscrits de la Mer Morte (Qumran). Sont confiés à Allegro des commentaires bibliques et un corpus de textes sapientiels (des hymnes, psaumes, exhortations morales, …), le très important matériel de la Grotte IV. John Allegro est à cette époque un universitaire reconnu et très apprécié. Il écrit un excellent livre de vulgarisation sur la découverte des célèbres Manuscrits, The Dead Sea Scrolls (1956), qui connaîtra 2 éditions et une vingtaine de réimpressions !

Non seulement Allegro est le seul agnostique de l’équipe internationale, mais c’est un non-conformiste aux allures de franc-tireur. (4) Dès 1955, il soutient des opinions controversées à propos des traductions dont il a la charge. Une première polémique, par le journal The Times interposé, se déclenche suite à des entretiens radiophoniques qu’Allegro a donnés à la BBC. En résumé, Allegro est accusé de répandre l’idée que les Esséniens seraient les précurseurs directs du christianisme. La presse, comme souvent dans ces cas, souffle sur les braises… Un peu plus tard un second conflit naît, concernant les fameux rouleaux de cuivre de la Grotte III, dont les traductions d’Allegro (qui seront rejetées) et du Père Milik parurent respectivement en 1960 et 1962 – soit 10 ans après leur découverte. Allegro prétendra jusqu’à la fin de sa vie que certains de ses collègues ont tout fait pour retarder la publication des textes. Il semble par contre qu’« Allegro fut le premier membre de l’équipe à publier tous les textes qu’il avait reçus, mais il reste le seul. »(5)

Allegro apparaît comme un homme d’une détermination absolue (6) , ce qui provoquera la rupture totale avec le reste de l’équipe. Deux journalistes d’investigation, Michaël Baigent et Richard Leigh, qui ont enquêté sur toute l’affaire de la publication des Manuscrits de la Mer Morte, développent un point de vue qui - s’il n’est pas exempt de critiques - s’avère néanmoins très positif pour John Allegro : « On peut ne pas sympathiser d’emblée avec la personnalité d’Allegro telle qu’elle se reflète dans ses lettres, le trouver cavalier, impudent, iconoclaste, mais il est impossible de ne pas adhérer à l’intégrité de sa position scientifique. » (7)

Déçu par le monde scientifique, Allegro se retire et se remet aux études philologiques. En 1968, il publie ses propres travaux sur les textes et fragments de la Grotte IV. (8) Deux ans plus tard, il quittera l’équipe internationale, tournera le dos aux universitaires et abandonnera son poste de professeur à l’université de Manchester. Que s’est-il passé ?

Dans les années soixante, il avait travaillé durant 5 ans à un livre qu’il voyait comme un événement capital : en 1970 paraissait The Sacred Mushroom and the Cross. (9) Le scandale fut immédiat !

On peut résumer ce livre comme suit. Le judéo-christianisme n’est qu’un avatar d’un culte primitif de la fécondité, partout présent dans l’Orient ancien, dont les adeptes ont très tôt substitué aux rites de la pluie semence divine fécondant la terre, un culte phallique, célébré par l’intermédiaire d’un champignon, l’amanite-tue-mouches (10) , à cause de ses propriétés hallucinogènes qui ouvraient les portes de l’Autre monde. Le champignon, devenu ainsi la forme visible de Dieu sur Terre, fut l’objet d’un culte aussi dissimulé que secret. Les chrétiens ne furent qu’une des sectes qui, pour échapper à la répression romaine et juive inventèrent une histoire sous la forme de criptogrammes (les Evangiles) : celle de Jésus, fils d’une vierge, etc… , afin de transmettre aux seuls initiés ce savoir millénaire. Peu à peu le secret se perdit et naquit la Grande Eglise. L’Ancien testament contenait déjà cette gnose.

Allegro prétend appuyer solidement son argumentation par un travail philologique, et plus précisément étymologique. En l’occurrence, on trouverait déjà en sumérien les traces linguistiques de ce thème codé ; qu’on pourrait déchiffrer plus tard dans les langues sémitiques et indo-européennes. L’auteur renvoie son lecteur à une montagne de notes de philologie comparée, eu égard aux nombreuses langues anciennes considérées.

Le 26 mai 1970, quatorze scientifiques anglais réputés rejettent la thèse d’Allegro et ses développements. (11) Allegro sera ensuite stigmatisé de façon unanime par ses pairs, universitaires biblistes et historiens. (12)

Les erreurs et l’énigme

Première critique : pourquoi l’universitaire qu’il était n’a-t-il pas d’abord présenté ses « découvertes » dans des revues scientifiques sous forme d’articles destinés aux experts en langues anciennes, avant d’en tirer un livre pour un plus large public ? (12)

De plus, l’ouvrage anglais paraît chez un éditeur à sensation. (14) La couverture même du livre soulève déjà toutes les suspicions du lecteur cultivé potentiel. Elle flirte avec le mauvais goût et le ridicule : on y voit une croix celtique mêlée au dessin d’un champignon ! Par contre, l’éditeur français a choisi comme illustration de couverture la fresque de Plaincourault – bonne idée ! – mais affuble la tranche du livre de son titre dans une taille typographique énorme, c’est-à-dire « immanquable »…

L’ouvrage contient des inexactitudes mycologiques (15) ; c’est peut-être le moins grave.

Le lecteur averti aurait aussi tellement apprécié des références bibliographiques plus étoffées, surtout en Histoire, pour pouvoir recouper certaines informations.

Evidemment, l’erreur majeure consiste à soutenir l’idée que Jésus est un mythe. Sur ce point, Jacques, un des critiques d’Allegro, a entièrement raison. (16) Le Nouveau testament n’est effectivement pas du tout un volume monolithique et planifié – seul un tel texte pourrait permettre l’hypothèse d’un criptogramme – mais au contraire, une collection, un recueil de textes très divers, stylistiquement, et quant à leurs origines spatio-temporelles. Il est quasi impossible que les Evangiles soient un écrit anagogique, sauf à poser l’hypothèse, insoutenable, d’un maître d’œuvre d’une intelligence surnaturelle présidant à la rédaction des récits. Le fait même que le Nouveau Testament soit composé de textes si divergents prouve que le récit de la « vie » de Jésus n’a pu être inventé de toutes pièces. Il suffit de le comparer à une biographie littéraire de l’époque, la pseudo vie d’Apollonios de Tyane, par exemple, pour se rendre compte qu’on a affaire alors à un texte lisse, « nettoyé » (sans contradictions), littérairement pur, parce qu’inventé. Une histoire inventée de Jésus n’aurait pas véhiculé toutes les incohérences des Evangiles ; il s’agit d’un des arguments les plus convaincants de l’historicité de Jésus.

Bref, l’existence historique de l’homme Jésus est d’une probabilité très élevée ; il n’y a plus de chercheurs sérieux qui à l’heure actuelle remettent cela en cause. Les arguments solides sont légion. De plus, le texte des Evangiles a été méticuleusement décortiqué ligne à ligne, mot à mot, lettre à lettre, et on sait vraiment beaucoup, beaucoup de choses sur les Ecritures aujourd'hui. (17) Toutefois, d’aucuns disent que l’existence ou non de Jésus est, somme toute, une affaire qui n’a pas tellement d’importance pour juger la thèse d’Allegro. (18) Je partage cet avis.

Toute cette histoire que défend Allegro, de textes cryptés, codés, qui auraient été produits par une secte judéo-chrétienne pour conserver ses secrets relatifs à la consommation rituelle de champignons hallucinogènes et destinés aux initiés dans le but d’échapper aux pouvoirs de l’époque, etc…, ne sont que des fariboles. Tout cela est totalement invraisemblable !

Un dernier point critique et non des moindres : les références à la langue sumérienne. Allegro utilise des « mots » sumériens, souvent non attestés : il crée des mots-valises, bâtis sur des racines sumériennes réelles ; ils sont d’ailleurs correctement marqués d’un astérisque par l’auteur. (19) Selon Jacques, 315 mots sur 869 répertoriés sont des formes non attestées.(20)


Bref, le cas Allegro soulève évidemment une question très intrigante qui est parfaitement résumée par un journaliste du grand quotidien espagnol El Païs, dans le contexte des publications qumraniennes, mais qui vaut parfaitement pour Le Champignon Sacré et la Croix : « El caso de Allegro, que acabó muy amargado al final de su vida, es, sin embargo, emblemático y difícil de digerir : cómo puede explicarse que un filólogo como Allegro, miembo de la importante comisión internacional de estudios de los rollos, haya podido equivocarse tan monumentalmente.» (21) En effet, comment un savant très réputé, qui n’a absolument rien à voir avec les milieux favorables aux drogues hallucinogènes ( Beat Generation, hippies, etc…), a-t-il pu se suicider intellectuellement en soutenant cette théorie ?

D’aucuns ont apporté des réponses. « Parce qu’il n’est qu’un (sale) athée ! » ? Sans commentaire. « Parce qu’il n’est qu’un pur provocateur ! » ? Peu convaincant ; tant de travail pour ça… « Parce qu’il recherchait la gloire et l’argent. » ? Comment espérer gagner (beaucoup) de l’argent avec un bouquin aussi difficile ? Même si on l’a prétendu destiné au grand public. Je n’adhère pas à cette explication. Il suffit d’avoir parcouru quelques pages au hasard du livre pour s’en rendre compte. Pour tout dire, sa lecture s’avère un terrible pensum, dès lors qu’il faut s’atteler aux notes philologiques… ; je soupçonne d’ailleurs que peu, même dans les milieux érudits, l’aient réellement lu (jusqu’au bout) . Quant au carriérisme, Allegro était au sommet : prof. d’Université, membre de l’équipe des Manuscrits de Qumran – qui dit mieux ?

Peut-être plus convaincant : l’hypothèse psycho-pathologique.. J’ai suivi de nombreux cours du professeur Jean Hadot - spécialiste du Judéo-christianisme à l’université de Bruxelles (ULB) et des écrits apocryphes judéo-chrétiens (22)- qui travailla avec André Dupont-Sommer (23)- et que j’ai interrogé à propos de John Allegro. Mon professeur me raconta que Dupont-Sommer, qui avait jusque-là considéré Allegro comme un excellent collègue, n’avait eu, consterné, qu’un jugement bref : « Allegro est devenu fou ! » (24). L’hypothèse de la folie a été reprise, assez récemment, dans un roman intitulé Qumran, de la française Eliette Abécassis, où Allegro est dissimulé sous le personnage de Thomas Almond, et présenté comme « consommateur » de champignons ! (25) C’est assez grotesque (mais bien sûr nous sommes dans un roman, c’est excusable) car on sait qu’Allegro fut très critique envers les drogues que jamais il n’expérimenta (26). Cette idée de la folie me laisse perplexe ; en tout cas cette folie-là, à savoir une maladie mentale. Je la trouve quelque peu « facile »…

Je trouve nettement plus plausible une tentative d’explication « contextuelle ». Celle qu’évoque Jonathan Ott : Allegro aurait surexploité la thèse d’envergure copernicienne de Robert Gordon Wasson. (27)Ce dernier étant arrivé à poser une question fondamentale : à l’aube de l’humanité, le phénomène religieux ou spirituel a-t-il pu naître de la consommation de drogues hallucinogènes naturelles, et précisément de champignons (peut-être l’amanite-tue-mouches) ? Allegro avait-il décidé de « vérifier a priori » cette hypothèse à travers le judéo-christianisme, en l’envisageant d’emblée comme un avatar du même phénomène, et de considérer la Bible entière comme un rébus fongique ? Et c’était l’époque de l’explosion des découvertes sur les drogues en général et de l’ethnomycologie en particulier. Ce serait partiellement mon opinion.

On sait que ni Wasson, ni Carl Ruck, qui furent intrigués par le travail d’Allegro, ne purent jamais entrer en contact avec lui . (28) Hélas.

La part des choses

Une série d’arguments historiques auraient dû modérer une critique trop unanimement négative.

Même si on n’en possède pas de preuves absolues, il est hautement probable que des contacts se produisirent entre les ancêtres des Indo-Européens, des Sémites et des Sumériens. (29)

Plus tard, des populations sémites, comme les Akkadiens, s’établirent en Mésopotamie à la fin du troisième millénaire et remplacèrent peu à peu les Sumériens. Quant aux Indo-Européens, ils sont allés partout pour ainsi dire. Les populations du Mitanni (Arménie, Syrie, Assyrie) n’étaient pas indo-européennes mais eurent des rois aryens (15 siècles avant J.C.). Le Mitanni établit des relations avec Babylone et l’Egypte – des pharaons épousèrent des princesses mitaniennes) (30). L’héritage de Sumer transita par les Babyloniens et les Assyriens, atteignit les Hittites, les Hurrites, les Araméens et les Hébreux. La Bible est toute pétrie de l’Orient lointain. Le grand sumérologue S.N. Kramer a bien montré que, par exemple, le mythe sumérien d’ Enki et Ninhursag est étonnamment proche du thème du Paradis de la Genèse : Enki faute en mangeant des plantes faites pour la déesse, etc… (31) La culture littéraire et religieuse sumérienne a survécu à travers toutes les cultures du Proche-Orient.

On mangeait semble-t-il beaucoup de champignons à Sumer. Le déchiffrement de 60.000 tablettes comptables (d’environ – 3000 ans) nous apprend qu’on consommait des Mashari (mousserons), des Liligi (amanites), des Agan (lycoperdons), etc… (32)

L’idée qu’il exista un tabou très puissant envers l’Amanita muscaria se défend parfaitement. Je ne vois pas la nécessité de reparcourir ici tout le travail des Wasson. (33)

Il s’avère certain qu’existèrent au sein du christianisme primitif des doctrines secrètes, que seuls des initiés connaissaient, une élite qui s’estimait les seuls « vrais chrétiens », et tenus par la loi du silence. Un exemple, parmi d’autres, se situe dans l’introduction des Livres Pseudo-clémentins du deuxième siècle. (34)

Enfin, il n’est pas impossible que des racines de la langue sumériennes aient pu influencer des mots de l’hébreu et de l’araméen, par exemples. Même Jacques, critique à charge d’Allegro, l’avoue sans détours : « It is not impossible the Sumerian roots did survive to influence Hebrew and Aramaic cult words. »(35)

Du côté des étymologies

Cependant, toute cette affaire, le quasi lynchage de John Allegro, laisse dans l’ombre un aspect pourtant fondamental : le champ linguistique et plus précisément le terrain étymologique sur lequel repose l’argumentation du philologue. Or, nous lisons souvent sous la plume des critiques l’aveu même de leur incompétence dans ce domaine. Quelques exemples. Jacques fournit toute une critique fondée (cf supra) mais il reconnaît , concernant l’argumentation philologique: « I am afraid that this is a matter I am not competent to follow up (…) »(36) Dans un compte rendu, négatif pour le livre, mais parfaitement honnête intellectuellement, Courcelle écrit : « Peu de personnes, assurément, ont une culture assez variée, allant du sumérien aux textes gréco-romains du 1er siècle après J.-C., pour suivre et apprécier l’auteur dans tous les détails de sa démonstration. »(37) Le très sérieux ethnomycologue italien, Samorini, à celui qu’il nomme « il padre fondatore della fantaetnomicologia » (38) , doit partiellement concéder : « Certo, è difficile per chi non appartiene alla cerchia degli studiosi delle culture vicino e mediorientali criticare passo per passo il lavoro di Allegro ; un lavoro basato esclusivamente su dati e supposizioni di carattere linguistico. » (39)

C’est là que le bât blesse, me semble-t-il. La critique paraît avoir mis de côté, trop souvent en tout cas, l’argumentation linguistique du livre. Remarquons d’ailleurs que très peu de temps se passe entre la parution du Champignon Sacré (…) - début 1970 – et la salve de rejet des 14 scientifiques anglais dans The Times – le 26 mai 1970. Quelques mois tout au plus me paraissent peu de temps pour VERIFIER un tel travail philologique, relatif à des langues comme le sumérien, le vieil hébreu, etc… Faut-il alors suivre Heinrich ? : « Allegro’s views elicited such a venomous response that no one has dared to entertain or reexamine them until just recently.»(40) Je me souviendrai longtemps des paroles d’un éminent universitaire, spécialiste en comparatisme indo-européen, auquel j’avais parlé du cas Allegro : « je ne connais pas ce dossier, je ne peux rien en dire, mais il ne serait pas étonnant que personne n’ait osé prendre la peine de vérifier à fond une thèse trop dérangeante… ». Ca laisse pantois ! Pourtant je refuse toute attitude paranoïaque (thèse du complot, etc…) qui me semble aussi trop « facile ». Néanmoins, j’aimerais poser une question : y a-t-il tant d’universitaires qui étaient /sont capables, aisément, de vérifier pas à pas un tel travail philologique ? De là à penser qu’Allegro aurait été victime de son savoir exceptionnel, comme un Einstein incompris des langues anciennes qu’il aurait été seul à maîtriser… ; c’est un pas que je ne veux pas franchir.

La lecture du Champignon Sacré (…) m’a fortement intrigué dans la mesure où je suis moi-même philologue. (41) Je prends la liberté ici d’introduire un réexamen de l’argumentation étymologique d’Allegro, à l’aune de mes connaissances en Linguistique Générale, afin de poser , en toute modestie, une hypothèse qui me semble pertinente. Je ne prétends aucunement démolir les critiques justifiées qu’on a faites à Allegro, dont je suis le premier à dénoncer les erreurs. Je répète ainsi que la thèse d’Allegro – la Bible comme gnose mycologique pour sectaires – n’est que billevesée.

Cependant, par quelle étrange « coïncidence » Allegro a-t-il pu mettre en relation directe le judéo-christianisme et une drogue hallucinogène ? Je pense qu’il a été saisi d’une intuition fondamentale, probablement suite aux découvertes de Wasson. En effet, si le phénomène religieux qui s’accompagne du surnaturel, inhérent et fondateur de la plupart des religions, a pu naître de la consommation d’hallucinogènes (les enthéogènes), et ce déjà à l’époque préhistorique, je pense que les langages doivent conserver peu ou prou, dans leur signifiant même (42) , des traces de ce phénomène clef de l’aventure de l’humanité. On peut également expliquer cela en faisant appel à une notion psychanalytique, à savoir le retour du refoulé (collectif). Les langages véhiculeraient des reliquats très anciens de ce rapport originel entre le surnaturel religieux et le pharmakon – ce dernier ayant engendré le premier. Comme s’il existait un inconscient du langage lui-même, tissé au cœur du logos. (43) C’est ma propre thèse.

C’est ainsi qu’à l’insu même des groupes religieux, chez les premiers chrétiens comme aujourd’hui encore, le langage religieux est tout pétri d’allusions involontaires aux drogues. Un exemple : christianisme < khristianos < Khristos = « oint » < khriein = « enduire, frotter d’huile » ; khriein est d’origine inconnue (44), mais on sait à la suite des travaux des Wasson, Ott, …, que l’onction peut être une manière efficace d’absorber certaines drogues. Mais comprenons-nous bien ! : Jésus n’a probablement jamais pris aucune drogue. Je ne parle que du LANGAGE. Un second « échantillon » parmi une pléthore (45) : qu’est-ce que le narthex ? Un terme d’architecture désignant une partie du vestibule d’une église et , étymologiquement, une férule (terme botanique) qui fut le thyrse, mais aussi une boîte à drogues (cf les titres d’anciens ouvrages médicaux).

Le sumérien est une langue agglutinante qui semble totalement unique et isolée, sans lien de parenté démontrable avec d’autres langues vivantes ou mortes. Elle survécut sous la forme d’un langage liturgique archaïque. (46) Où donc John Allegro a-t-il été quérir ses étymologies saugrenues ? Puisqu’il nous dit : « La plupart des noms secrets du champignon remontent à l’antique sumérien », et il ajoute : « il semble que cette langue ancienne jette un pont entre les langues indo-européennes (…) et le groupe sémitique qui comprend les langues de l’Ancien Testament, l’hébreu et l’araméen. »(47) Citer un seul exemple suffit à comprendre ce que fait Allegro : « (…) en sumérien ShUSh ou Sh U-A apparaît (48) dans le nom de Josué ou Jésus, attaché comme épithète à Yahvé. »(49) Allegro pratique ce qu’on appelle l’étymologie populaire. La plupart de ses exemples, sinon la totalité, sont des exercices d’étymologie populaire. De quoi s’agit-il ?

Il existe 2 types d’étymologie.

L’étymologie savante (ou scientifique) qui se base sur des règles phonétiques (l’évolution des sons d’une langue dans le temps) et sémantiques, afin de remonter de l’état actuel d’un mot jusqu’à sa forme la plus ancienne accessible.

Une autre « méthode », trop longtemps méprisée par la plupart des linguistes, a été appelée l’étymologie populaire. On rattache, consciemment ou pas, un mot à un autre/à d’autres par ressemblance formelle – le plus souvent par analogie sonore – sans qu’il y ait une relation étymologique (scientifique) justifiable. Le rapprochement naît généralement d’effets sémantiques. Je propose qu’on la rebaptise étymologie phonique, et non plus populaire qui connote trop péjorativement. Je vais tenter d’en montrer l’intérêt.

Il est d’abord important de savoir que, jusqu’au XIXme siècle environ, était pratiqué exclusivement ce type d’étymologie par les lettrés et érudits. En cela, Allegro met ses pas dans ceux , par exemples, de Platon, d’Isidore de Séville (VIme siècle), de Jacques de Voragine (auteur de La Légende dorée) et des Kabbalistes. Dans la pensée médiévale en général, « lorsque deux mots se ressemblent, les choses qu’ils désignent se ressemblent, de sorte qu’on peut toujours passer de l’un de ces mots à la signification de l’autre. » (50) C’est exactement la démarche d’Allegro : « Des mots, qui se ressemblent fortuitement croirions-nous, étaient, en fait, considérés comme connexes. Il était par conséquent très légitime, pour le commentateur ancien des écritures, de tirer une conclusion morale ou un enseignement religieux d’un seul mot du texte sacré, même si l’interprétation était totalement différente de ce texte et insoutenable philologiquement (…). »(51) Mais suite au développement des sciences modernes et expérimentales, nombre de philologues rejettent cette technique étymologique parce qu’ils la considèrent comme fausse – c’est-à-dire non justifiable par les lois phonétiques qu’ils ont mises au point. La définition du dictionnaire dit : « procédé par lequel on rattache, à tort, un mot à un autre. » (dict. Le Robert) ; et l’exemple qui accompagne est le mot choucroute, rattaché à chou et à croûte. Les linguistes ont montré, avec raison, que choucroute avait été emprunté, via le suisse romand surcrute (1699), à l’alsacien sûrkrût, correspondant à l’allemand Sauerkraut , ce mot voulant dire littéralement « herbe aigre », de l’allemand sauer (= « aigre ») et Kraut (= « herbe »). On apprend donc que sauer n’a pas du tout le sens de « chou » - c’est pourquoi l’étymologie populaire serait inexacte ! Pourtant tout le monde a toujours su que le mot désignait un plat dont l’ingrédient principal est le chou. Donc l’étymologie populaire est pleine de bon sens ! Elle exprime – aussi – une « vérité vraie » à propos du mot. Ses sonorités ne sont pas fortuites : c’est parce que le plat en question a toujours été composé de chou (blanc, râpé) que le mot emprunté, surcrute, s’est transformé en français sous la forme de ce signifiant-là : choucroute. En réalité l’étymologie phonique est un complément nécessaire à l’étymologie savante. Si on veut vraiment prendre en compte toutes les dimensions de la vie d’une langue, dans toute sa complexité, il faut être très attentif à l’étymologie phonique (populaire).

Il en va de même pour les noms propres. L’étymologie scientifique de Mycènes (la ville) ne relie pas le mot à mukês , le « champignon ». (52) Mais l’explication de Pausanias qui justifie la fondation de la célèbre cité par le fait que Persée y cueillit un champignon pour calmer sa soif (53) s’avère tout autant juste – sinon plus ! – que l’étymologie savante. En fait les 2 étymologies ne sont pas contradictoires mais complémentaires. Il est grand temps de s’intéresser à la magistrale leçon que donne l’ethnologue (folkloriste) français, Claude Gaignebet, quand il écrit : « Nous préférerions ne pas trancher (…) et proposer à un mot plusieurs étymologies et reconnaître qu’une langue n’évolue pas pour la plus grande gloire des philologues, mais bien pour le plus grand plaisir de ses usagers. Dans cette perspective, nous aimons à retrouver dans toutes ces étymologies comme les échos, sûrement idéologiques, répétés au long des siècles, d’un vocable qui trouve à chaque époque, à grand renfort de calembours et d’à-peu-près, un sens satisfaisant. »(54)

L’étymologie phonique révèle un aspect fondamental de la formation et évolution du langage. Une force incontrôlable qui se trouve chez tous les usagers d’une langue. (55) Elle agit au cœur de l’évolution des langues dans les processus psycho-linguistiques collectifs, diachroniques et synchroniques, sans que les linguistes ne puissent pratiquer une quelconque vérification expérimentale ; étant donné l’hypercomplexité de ces phénomènes dont on suppute que certains pourraient n’avoir lieu qu’une seule fois. Par exemple, pourquoi tel jeu de mots ou telle formule idiolectale (56) , créée par un seul locuteur, vont-ils (ou non) faire tache d’huile et se répandre finalement dans toute une société ?

L’analogie (sonore) est un des processus les plus importants mais les plus mal connus de la formation et du développement des langues. De quelques termes de départ, des centaines de vocables s’engendrent dans le temps et l’espace ; à l’instar d’une goutte de savon qui se met à mousser sous la douche. Ainsi les mots se sont contaminés réciproquement. Un exemple simple: le mot français girouette remonte au normand wirewite mais est devenu effectivement girouette , probablement par l’influence du latin girare (= « tourner »). (57)

Lorsqu’on comprend le « mécanisme » de l’étymologie phonique – « tout mot est hanté par ceux qui lui ressemblent » dira l’écrivain Michel Butor – on peut s’interroger sur ces analogies sonores de mots et groupes de mots, et dans certains cas les ériger en nécessité profonde, ce qui permet de découvrir des parentés sémantiques entre des mots (qui n’ont pas de rapport étymologique (scientifique) entre eux ) et les réalités qu’ils désignent.(58) Est-il toujours totalement fortuit que des mots se ressemblent ? Toutes les langues produisent à l’infini des homophonies ; par ex. en français : mère / mer, mots / maux , on est / on naît , saprophyte / ça profite , sédentaire / c’est dans terre , etc ; ou des paronomases comme ombrelle / ombelle, etc… Amusez-vous donc à repérer des relations sémantiques dans les paires choisies ci-dessus ; ça peut être étonnant. Je sais très bien que, la quantité des sons d’une langue étant limité, ces analogies verbales sont inévitables. Mais même s’il s’agit du hasard qui a produit en français, par ex. tumeur / tu meurs, il n’en demeure pas moins que ce tour de langage nous dit quelque chose. N’oublions jamais que, bambins, nous baignons d’abord dans le sonore ! Et cette dimension phonique de notre langue maternelle influence considérablement les effets de sens (le signifié). C’est ce qu’a bien montré la psychanalyse; Freud d’abord, mais surtout Lacan. Des enchaînements de signifiants forment l’inconscient du sujet, par le refoulement, puis le retour du refoulé. Il y a donc primat du signifiant. Cette sorte d’autonomie qui fait « rebondir » un signifiant sur un autre est bien illustrée, par exemple, dans le déroulement alphabétique des dictionnaires sémantiques, véritable cascade de mots, apparemment sans rapport de sens, dans beaucoup de cas, sinon par leur suite graphique et sonore. Les mots entrent en relation, se contaminent, par ressemblance phonique et/ou sémantique. Chez l’individu le langage repose – à l’instar des sédiments du fond marin – « sur » l’inconscient, qui peut se manifester en puisant dans un vaste réseau de calembours, probablement parce que les mots s’engramment dans notre cerveau par analogies sonores. Il est peut-être intéressant, de noter au passage, que le LSD provoquerait souvent chez l’utilisateur une prise des mots dans leur sens littéral, « au pied de la lettre » comme on dit.(59)

La poésie est une des manifestations de l’importance de la dimension sonore du langage. Et la littérature en général. James Joyce, qui s’est beaucoup penché sur … Isidore de Séville et Giambattista Vico, utilise le calembour verbal comme une mélodie créant des effets de sens, véritable musique d’idées.(60) L’apprentissage verbal des tout petits enfants s’avère également très instructif, relativement à la primauté du phonique. Et qui n’a pas chantonné une ritournelle puérile du genre : « J’en ai marre, marabout, bout de ficelle, selle de cheval, cheval de course, course à pied, pied de cochon, cochon de ferme, ferme ta gueule, gueule de rat, rat d’égout, dégoûtant, temps pluvieux, vieux faucon, conclusion : j’en ai marre ! »(61). Gaignebet, derechef, résume parfaitement la question : « Cet immense réseau des calembours, des à-peu-près, des mots d’esprit, en œuvre dans la psychanalyse, modèle l’évolution des croyances. Tout homme, à l’exception de la conscience du philologue, vit dans un système de proximités sonores du langage, dans le tumultueux échange des sons et des sens . » (62)

N’oublions pas l’humour, quand il joue sur les mots… Tout le monde pratique peu ou prou l’« art » du calembour : un jeu verbal qui se fonde sur une similitude de sons. Parce que tout locuteur perçoit dans les mots d’autres mots. Preuve en est que des grammairiens français du XVIIme siècle (Vaugelas et Malherbe), souhaitant épurer (sic) le vocabulaire français, allèrent jusqu’à condamner comme vulgaire des effets de signifiés qui résonnent dans des mots comme convaincu, consistoire (car on entend con !) et même des formes verbales très usitées, par exemples l’indicatif présent de vivre = je vis, ou le passé simple de voir = il vit , car on y entend (et voit) l’ancien nom pour le pénis : vi(t) !(63)

John Allegro base son argumentation sur des calembours verbaux ; comme celui de Simon devenu Pierre, dont le grec petros, petra renverrait au vieux nom sémitique du champignon pitra ; il fait de même avec cephas, etc… (64)

La culture hébraïque est, de tradition, très attentive aux jeux de langage. Le poète , et traducteur français de l’hébreu, Henri Meschonnic le souligne dans tous ses livres : les mots sont des chambres d’échos – dans le mot (hébreu) on peut toujours entendre d’autres mots. (65) Des calembours ont influencé l’interprétation des textes. Un exemple biblique : c’est un jeu de mots d’un poème sumérien qui expliquerait la création d’Eve d’une côte d’Adam (Genèse II, 21). Le dieu Enki est malade. La déesse Ninti peut le guérir. Le sumérien ti signifie « faire vivre » ou « la vie », Ninti « la dame qui fait vivre ». Or, Enki souffre d’une côte, ti aussi en sumérien. Par calembour, les Sumériens identifièrent « la dame qui fait vivre » à « la dame de la côte » ; « Et ce jeu de mots a pu passer dans la Bible où il perdit sa signification, puisqu’en hébreu, les mots côte et vie se prononcent et s’écrivent différemment.(66) » Les celtologues Alwyn et Brinley Rees eurent l’idée de mettre en rapport la Pierre de Fal de la mythologie celtique avec le linga (= « phallus ») de la tradition de l’Inde ancienne ; ils s’appuyèrent sur une analogie phonique : Fal et phallus.(67)


La thèse philologique d’Allegro repose aussi sur un fait avéré. Le savoir des autorités religieuses s’est toujours transmis d’initié à disciple, à l’écart des rites publics. Ainsi, toute religion comprendrait une partie exotérique (pour tout le monde) et une partie ésotérique (réservée aux initiés). Le « vrai » nom de Dieu est généralement dissimulé, jusqu’au tabou absolu. Il en était de même dans le monde indo-européen ; d’où les jeux de mots et énigmes, dans la poésie gnomique entre autres (Hésiode). L’utilisation de métaphores de métaphores font disparaître le nom originel. Le tout renforcé par la complexification croissante des langues, parfois provoquée par les lettrés même (le cas du sanskrit).(68) Selon les Wasson, les glissements (sonores) de métaphores, à cause de tabous, sont très anciens.(69) D’autre part, des étymons de langues non apparentées semblent identiques, par exemple dans des langues eskimo et des langues indo-européennes. Justement dans le cas du mot qui signifie « champignon », une racine linguistique semble persister à travers le temps (les millénaires) et dans des langues lointaines, appartenant à des groupes linguistiques différents (indo-européen et ouralo-altaïque par ex.). (70) Certains champs lexicaux – comme ceux qui concernent les champignons, les drogues, les dieux, …- pourraient être comparés dans un grand nombre de langues et d’idiomes de groupes divers, à l’aide de l’outil informatique et de programmes spécialisés.(71) Mais encore, le vocabulaire fongique présente des échos sémantiques communs, du nord au sud de l’Europe : dénotations et connotations concernant le gonflement, l’éponge, la mèche, la matrice, la poche, le crapaud, le lutin, le pénis, etc (72)


En résumé, le langage verbal s’est mis en place bien avant l’écriture, il y a des dizaines de milliers d’années, voire plusieurs centaines de milliers. Avant tout signe graphique, est apparue cette sécrétion sonore de l’organisme humain, qui a joué un rôle déterminant dans l’association des hommes en groupes, puis en sociétés, qui a donc « fait religion » en « reliant » les humains. (73)

Le logos « vit », c’est-à-dire qu’il ne se réduit pas aux « instantanés » des dictionnaires sémantiques, aussi complets prétendraient-ils être ! Tout dictionnaire est un cimetière de mots, le répertoire des sens consensuels principaux. D’où l’entreprise, aux relents quelque peu kafkaiens, des membres de l’Académie Française qui, lorsqu’ils concluent une nouvelle édition de leur célèbre dictionnaire, devraient aussitôt repartir au début, à la lettre A, étant donné cette satanée évolution ! Un lexique représente le sommet émergé de l’iceberg sémantique qui est potentiellement constitué de tout le passé d’une langue. Manqueront donc, à jamais, tous les sens idiolectaux, par exemple. Quant aux associations sémantiques engendrées par les sonorités – calembours, émotions, tours syntaxiques, … - c’est l’irrépertoriable !

Décidément, une langue n’est pas seulement ce que beaucoup de gens croient qu’elle est… Elle baratte ses signifiants au sein de réseaux formels et sémantiques hypercomplexes, si bien qu’il s’avère impossible de les retracer complètement. « Une langue n’est pas une réalité existant par soi, cantonnée dans un dictionnaire, bétonnée par une grammaire et descendue du ciel comme une manne sur le désert de l’intelligence fruste. A l’instar de la sphaigne des tourbières qui meurt par un bout, se régénère par l’autre et vit entre les deux, la langue est un processus instable (…) » dit avec brio le philologue Cambier.


Si les étymologies de John Allegro dans Le Champignon Sacré (…) sont « fausses », c’est qu’il pratique l’étymologie phonique, en mettant par là même le doigt sur un aspect autrement insaisissable du logos : la faculté, qu’ont les langues, de se faire l’écho les unes des autres. Gaignebet a été un des premiers à le formuler clairement : « Le folkloriste, comme le psychanalyste, se doit de pénétrer dans un tel système d’étymologie populaire. Ce qui lui est transmis est un système de croyances et de pensées en usage pendant des siècles, même s’il est « inexact » aux yeux d’une science. »(74) «Inexact » veut seulement dire ici « indémontrable ».


Ouïr un langage dans le langage… Entendre dans les mots… - n’oublions pas que entendre signifie d’abord « comprendre », du latin intendere.
Voilà à mon avis ce qu’a voulu faire John Marco Allegro dans Le champignon Sacré et la Croix.

Allégrement tabou ?

Il m’est arrivé quelquefois de me demander si l’« affaire Allegro » n’avait pas pris quelque peu, avec le temps - comme l’Amanita muscaria dont elle traite - les allures d’un « tabou ». Projections subjectives de ma part ? A voir.

J’ai discuté du cas Allegro, en tête à tête ou sous forme épistolaire, avec bien des gens : anthropologues, historiens, philologues, mycologues, psychanalytes, … - universitaires ou franc-tireurs, jeunes ou vieux, croyants ou athées, … Lors de ces « rencontres », j’ai à plusieurs reprises ressenti clairement que ce que j’appellerais de l’hostilité. J’ai dû ainsi constater à quel point des personnes qui répondaient (ou pas !) à mon courrier par exemple, prenait un ton irrité, fâché, ou condescendant, voire méprisant - tout simplement parce que je les questionnais à propos d’Allegro ?

D’abord, d’aucuns ne vous répondent pas ; rien ! S’agit-il d’un manque de politesse le plus élémentaire ?

Ensuite il y a ceux qui vous répondent – très – brièvement . Ou bien, qu’ils ont peu de temps, et qui proposent de les re-contacter plus tard ; ce qu’on refait …en vain. Le cas de la romancière Abécassis, par exemple.


Après avoir lu un article de l’ethnologue catalan J. Fericgla (où je lis : « A pesar del secretismo mantenido durant más de veinte siglos [ il parle d’Eleusis ] , hoy se sabe que tal epopteia o éxtasis sagrado, era conseguida por medio del consumo ritual de hongos enteogénicos (Wasson, 1980 (…) ), y que ello constituyó el origen del misterio central y ulterior adoptado por los primeros cristianos en su ceremonia ritual, la Misa (Allegro, 1985) ; aunque con posterioridad, tal consumo de embriogantes sagrados fuera cambiado por el de un placebo. »(75) ), je le contacte (via e-mail), espérant engager bientôt un dialogue, étant donné mon étonnement de trouver un scientifique peut-être « favorable » aux thèses d’Allegro ? Il me répond : d’accord pour dialoguer, même en français si je veux ! (76)Ce que je me suis empressé de faire en lui demandant clairement son avis sur le cas Allegro. J’attends toujours sa réponse.

Beaucoup de savants, sérieux, n’ont pas de temps… à perdre. Le cas de Samorini par exemple.(77) : « C’est vrai que je n’ai pas beaucoup de temps pour vous répondre et à toutes les personnes qui croient voir des champignons partout. » (78)

Il y a plus comique… J’écris à l’éditeur français du Champignon sacré (…), en décembre 1991, pour racheter un exemplaire du livre, qui, à ce moment-là, se trouve encore au catalogue général des livres disponibles sur le marché francophone. Les éditions Albin Michel me répondent immédiatement, en griffonnant à même ma lettre manuscrite ( !) cette « perle » : « Etes-vous sûr qu’il s’agit bien d’un livre édité chez Albin Michel ? » (sic) (79)! Je me suis re-procuré le bouquin en seconde main.


Un dernier exemple et non des moindres… J’écris, très courtoisement comme toujours, au sumérologue français Jean Bottéro. Il m’envoie sa réponse : « L’ouvrage de J. Allegro (…) ne vaut strictement rien sur le plan d’une étude sérieuse et intelligente de psychologie ou d’histoire des religions, pas plus que sur le plan sumérien ou linguistique. »(80)

C’est une opinion que je respecte ; j’en ai d’ailleurs pris bonne note. Mais pourquoi ajouter en fin de lettre : « Ce qui ne m’empêche pas de faire, pour vous et votre travail, tous mes vœux les meilleurs : comme disait Henry IV à l’amant de sa propre maîtresse : il faut que tout le monde vive ! » ? – en l’occurrence, pourquoi faut-il se montrer désagréable et pour tout dire méprisant envers quelqu’un qui n’a fait que vous poser une question et émettre son avis personnel ? Mais ce qui n’a pas plu dans ma lettre, à mon interlocuteur, c’est que j’aie osé relier « religion et drogues ».

Je pense que l’attitude de rejet - et parfois d’hostilité - avec laquelle d’aucuns, savants ou autres, ont reçu le travail d’Allegro, est un symptôme très significatif du malaise qui les envahit dès lors que quelqu’un ose remettre en question, d’une manière ou d’une autre, une grande religion contemporaine ; ce que je n’ai jamais constaté quand j’aborde le même sujet relativement aux religions animistes et/ou aux cultes du lointain passé. Et il y a d’ailleurs dans cette position un paradoxe évident : pourquoi donc faut-il « agresser » l’autre, puisqu’on est sûr, soi, d’avoir raison ? Des scientifiques y répondent.(81)

On pourrait également méditer à loisir ce que Heinrich écrit à propos dAllegro:« Allegro was attacked on every side and ridiculed mercilessly, as if his hypothesis were more ridiculous than believing, for example, that a human being created the universe, revived from a horrible death and floated bodily up to heaven. Actually his contentions are far more reasonable than the accepted versions of Christian and Jewish mythology (…). »(82) Je voudrais précisément pointer 2 mots : hypothesis et reasonable …

Conclusion

La démarche de John Allegro relève davantage de l’ordre d’un retour du refoulé. Bien que sa thèse centrale ne soit que sornettes et qu’il ait commis moult erreurs dans Le Champignon Sacré et la Croix, Allegro a fait apparaître ce que Wasson s’est évertué à montrer dans tous ses travaux : à savoir que lorsqu’il y a du religieux il est quasi toujours question de drogue(s)(83) , parfois seulement au niveau de restes résiduels dans le langage.

Somme toute, Allegro donne à voir, avec beaucoup de maladresses et d’incohérences, les synergies très complexes qui concourent à l’évolution des langues. Il applique ce que des psychanalystes, écrivains et linguistes (Freud, Lacan, Joyce, Barthes, Meschonnic,…) ont expérimenté : l’écoute du langage, l’ « entente » d’un langage dans une langue ; un travail de sondage qui suppose de faire rendre gorge aux mots.

En tout cas, c’est une HYPOTHESE que je pense défendable.

Cette « méthode » permet de comprendre (au sens étymologique : « d’emmener avec soi ») pourquoi la réplique de synthèse des drogues psychédéliques, la MDMA ou Méthylène-Dioxy-MéthAmphétamine, ou ecstasy, a été appelée, dans le milieu de ses consommateurs, Adam ,(84) et la MDEA ou 3,4 Méthylène-Dioxy-EthylAmphétamine, Eve.(85)

Enfin… peut-être devrions-nous faire nôtre le conseil de François Rabelais ? Si tu ne trouves pas la vérité chez les sages, va voir chez les fous.



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[i] ALLEGRO, 1971 ; (il s’agit de l’édition en français).

[ii] Anicet FRASELLE, com. pers. (janvier 2002).

[iii] Il faut savoir que les études bibliques en particulier, et toutes les recherches scientifiques sur les religions en général – et ce depuis toujours – sont faites quasi exclusivement par des croyants, et pendant longtemps uniquement par des ecclésiastiques.  Il y a très peu (beaucoup trop peu…) de « laïcs », au sens d’agnostiques et athées, qui s’occupent ou qui ont envie de s’occuper des études scientifiques relatives aux religions.

[iv] BAIGENT & LEIGH, 1992, p.70.

[v] Dans une lettre à John Strugnell (celui qui remplaça Allegro), non datée mais écrite nécessairement entre le 14 et le 31 décembre 1955, Allegro interpelle Strugnell, qui voulait entrer dans les ordres : « A votre place je ne penserais plus à ce boulot de théologien.  Lorsque j’en aurai terminé [ sous-entendu « avec mon travail… » ], il n’y aura plus d’Eglise pour vous accueillir. »

[vi] BAIGENT & LEIGH, 1992, p.79.  L’essentiel de ma présentation de J. Allegro vient de ce livre ; cf surtout les pp 61-85.

[vii] ALLEGRO J. M., 1968. Qumran Cave 4. Discoveries in the Judaean Desert V,  Oxford.

[viii] ALLEGRO J. M., 1970.  The Sacred Mushroom and the Cross, Hodder and Stoughton Limited, Londres.  Une traduction française est publiée en 1971 aux éditions Albin Michel (Paris) : Le Champignon Sacré et la Croix ; qui a le mérite de reproduire toutes les notes, mais sans les traduire – hélas, d’autres éditions en langues étrangères omettent ces notes.

[ix] Amanita muscaria (L. ex. Fr.) Pers. , le magnifique agaric à chapeau rouge ponctué de taches blanches qu’on retrouve par exemple sous tous les arbres de Noël.

[x] The Times, p.9.

[xi] JACOBSEN & RICHARDSON , 1971.

    COURCELLE , 1974, pp 83-84.  Une critique très honnête.

[xii] OTT, 1996, p.334.

[xiii] SAMORINI,  2001, p.177.

[xiv] HEINRICH, 1995, p.23.

[xv] JACQUES, 1970, p.88.

[xvi] Concernant l’historicité de Jésus, je renvoie à tous les livres et articles, rédigés par un athée, professeur émérite de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), spécialiste de l’Histoire du Christianisme et de la philosophie grecque, Robert Joly, que je remercie pour les nombreuses heures que nous avons passées à discuter de ces questions.

[xvii] Mark HOFFMAN, com. pers.

[xviii] « This sign (…) indicates a verbal group whose constituent parts are known to have existed in Sumerian but whose grouping or combination in that precise form do not actually appear in literature so far recovered. » ALLEGRO , 1970, p.16.

[xix] JACQUES, 1970 , p.12.

[xx] ARIAS , 1992, p.7.

« Le cas d’Allegro,qui à la fin de sa vie sombra dans l’amertume, est, malgré tout, emblématique et difficile à avaler : comment peut-on expliquer qu’un philologue comme lui, membre de la très importante commission internationale d’études des rouleaux [ de la Mer Morte ], ait pu se tromper d’une façon aussi énorme. »

[xxi] Cf l’édition  Les Ecrits Intertestamentaires, Bibliothèque de La Pléiade, Gallimard, Paris.

[xxii] A. Dupont-Sommer fut professeur de philologie et de civilisation sémitique à La Sorbonne (Paris) et a écrit un des meilleurs ouvrages sur Qumran : Les Ecrits esséniens découverts près de la mer Morte, Payot, Paris, 1959, rev. en 1980.

[xxiii] Jean HADOT, com. pers.

[xxiv]ABECASSIS, 1996 .  Par ex. p.160.  «  Il  [Thomas Almond] alluma une petite lampe découvrant dans son halo une sorte d’autel et, à côté, de petits champignons rouges à taches blanches (…)  - J’en consume chaque jour quelques-uns et respire la fumée qui s’en dégage.  C’est comme ça que j’ai découvert ce que vous cherchez encore. »

[xxv] HEINRICH, 1995.  Clark Heinrich reprocha ce manque d’expérience de l’enthéogène à John Allegro.

[xxvi] Cf entre autres : WASSON R. G. , et al, 1986. Persephone’s Quest, New Haven ; récemment réédité.  Ou un essai de synthèse du sujet dans : WATTIAUX  V., 2002 . Des drogues hallucinogènes à l’origine du phénomène religieux,  Entheos  (à paraître).

[xxvii] HOFFMAN , RUCK, STAPLES, 2001, p.47 (note 74).

[xxviii] STERCKX, 1996, p.40.

[xxix] BLAIVE, 1996, p.6.

[xxx] AMIET, 1982, p.260 .

    KRAMER , 1975.

[xxxi] LOCQUIN, 1995, p.68.  Marcel Locquin, (un mycologue), pense que « la culture indienne [d’Inde] est, comme la nôtre, issue de Sumer.  »  Il s’agit d’une opinion très audacieuse.

[xxxii] Au siècle dernier ce tabou agissait toujours en Europe occidentale.  Dans le monumental ouvrage du docteur Cazin – qui fut  un des meilleurs connaisseurs de l’utilisation thérapeutique du monde végétal – qui parut en 1868, le célèbre Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, on peut lire : «  La fausse oronge [ = l’amanite-tue-mouches ] est très vénéneuse (…). A dose élevée, l’agaric moucheté cause des empoisonnements (…). Il est fréquent de voir mourir ainsi successivement une famille tout entière. » (SIC)

[xxxiii] HADOT , 1990, p.12.

[xxxiv] JACQUES , 1970, p.20.

[xxxv] Ibid. , p.88.

[xxxvi] COURCELLE, 1974, pp.83-84.

[xxxvii] SAMORINI, 2001, p.24 ; « le père fondateur de l’ethnomycologie fantasmatique ».

[xxxviii] Ibid. , p178 ; « Bien sûr il est difficile pour qui n’appartient pas au milieu des études des cultures proche et moyenne-orientales de faire la critique pas à pas du travail d’Allegro ; un travail exclusivement basé sur des données et des suppositions de type linguistiques. »

[xxxix] HEINRICH, 1999, p.65 (note 69).

[xl] Je suis Licencié en Philologie Romane de L’Université Catholique de Louvain (UCL ; Belgique) et j’ai acquis une double formation : en Histoire des Religions (Université Libre de Bruxelles, ULB, et Faculté Ouverte des Religions , FORel , Charleroi/Belgique) et en psychanalyse.

[xli] Il faut comprendre ici le mot signifiant au sens défini par le grand linguiste Ferdinand de Saussure dans la dichotomie signifiant/signifié , qui a ouvert la voie à la sémiologie.  En résumé, le signifiant correspond au matériau sonore (et dans une moindre mesure, graphique) du langage.

[xlii] Je voudrais remercier ici les psychanalystes, Jean Morlie et Jean Delcoux, qui au cours de longs entretiens m’ont apporté la compréhension profonde de « ce que parler veut dire ».

[xliii] Ce verbe pourrait venir d’une langue indienne, en hindi on retrouve le mot KRIS  (comme dans KRISHNA ) qui est une désignation pour le soleil (NB : chrishna en irlandais = « le soleil »).

[xliv] Ce sera peut-être le sujet d’un article à venir.

[xlv] JACQUES , 1970, p.20.

[xlvi] ALLEGRO, 1971, p.16

[xlvii] C’est moi qui souligne.

[xlviii] ALLEGRO, 1971, p 54.

[xlix] GILSON, 1932, p.166.

[l] ALLEGRO, 1971, p.78.

[li] G. DONNAY, spécialiste de la Grèce antique à l’ULB ; com. pers.

[lii] WASSON & WASSON, 1957, p.154.

[liii] GAIGNEBET, 1979, p.162.  C’est moi qui souligne.

[liv] BRUCKER, 1998, p.52.

[lv] Idiolecte : désigne les formulations particulières de la langue par une personne.

[lvi] BRUCKER, 1998, p.56.

[lvii] ECO, 1965, p.282.

    ABEHSERA, 1999.

[lviii] BAILLY, 1969, p.133.

[lix] ECO, 1965, p.282.

[lx] Cette rengaine, réelle,  était connue de tous les enfants en Belgique francophone.

[lxi] GAIGNEBET, 1979, p.163. ; c’est moi qui souligne.

[lxii] MOLINIE, 2001, pp.74-75.

[lxiii] ALLEGRO,1971, p.76.

[lxiv] MESCHONNIC ,  1980.           

    Ce traducteur de textes bibliques écrit : « L’expérience de la Bible met en évidence un problème auquel nous sommes confrontés chaque fois que nous lisons un poème : qu’est-ce que nous entendons et que nous ne savons pas que nous entendons ? »  Cf  MESCHONNIC H., 2002. Au commencement. Traduction de la Genèse, Desclée de Brouwer, Paris.

[lxv] AMIET, 1982, p.260.

[lxvi] LE ROUX,  GUYONVARC’H, 1986, p.222 (en note).

[lxvii] SERGENT, 1995, p.390.

[lxviii] WASSON & WASSON, 1957, p.99.

[lxix] Ibid., pp. 143-144

    Cf Tableau comparatif de langues dans : WASSON, 1968, p.167.

[lxx] Il faut évoquer ici les travaux de paléolinguistique – très controversés – d’un… mycologue, le Français Marcel V. Locquin, qui rappelle, très pertinemment, que le langage est bien antérieur à son écriture.  « - 700.000 ans : l’Homo erectus (…) est probablement le premier  homme parlant véritablement un langage articulé grossier d’une trentaine de phonèmes isolés. »  LOCQUIN, 1995, p.45.

Le postulat audacieux de Locquin est basé sur l’idée d’une permanence des sons durant 40.000 ans : « En créant un mot, et ceci de tout temps, les hommes projettent dans ce mot, grâce aux phonèmes  [Locquin prédéfinit une série de phonèmes préhistoriques et panlinguistiques ! ]  , la signification archétypale de chacun des phonèmes ; et le mot ne vit bien, que si cette signification archétypale est en accord avec le sens trivial. » LOCQUIN, 1980, pp.52-63.  Sa thèse remet sur le tapis la théorie onomatopéique, ainsi que l’hypothèse – intéressante – d’un tronc commun d’où seraient parties toutes les langues.  Cf aussi : LOCQUIN M., 2002. Quelle langue parlaient nos ancêtres préhistoriques ?, Albin Michel, Paris.

[lxxi] WASSON & WASSON, 1957, pp.111-117

[lxxii] Ibid. p.375

    ASSOUN, 1997, p.680.

[lxxiii] GAIGNEBET, 1979, p.162.

[lxxiv] FERICGLA , 1999, p.2. ; «  Malgré le secret maintenu durant plus de 20 siècles [ il parle d’Eleusis ] , aujourd’hui on sait que telle époptie ou extase sacrée, était obtenue grâce à la consommation rituelle de champignons enthéogéniques (Wasson 1980 (…) ), et que ceci constituera l’origine du mystère central et ultérieur adopté par les premiers chrétiens dans leur cérémonie rituelle, la Messe (Allegro, 1985) ; bien qu’ultérieurement, une telle consommation d’enivrants sacrés sera changée par celle d’un placebo. »  L’ethnologue fait référence ici à un autre livre d’Allegro, The End of the Road (Cf  bibliographie).

[lxxv] E-mail de J. Fericgla du 14/03/2000 : « If you like , still, you can write me to this e-mail with your questions. Also you can write me in your language, in French ( ?). »

[lxxvi] Giorgio Samorini, dont j’apprécie beaucoup le travail, et qui m’a toujours très aimablement envoyé ses articles et ses livres.

[lxxvii] E-mail  de G. Samorini du 03/04/2000.

[lxxviii] Les éditions ALBIN MICHEL, com. pers. (lettre du 12/12/1991).

[lxxix] Jean Bottéro, com.pers. (lettre du 25/08/1996).

[lxxx] Cf le dernier numéro de la revue Science et Vie : Pourquoi on croit en Dieu ? Les étonnantes réponses des neuro-sciences,  n° 1019, août 2002.

[lxxxi] HEINRICH , 1995, p.3. ; c’est moi qui souligne.

[lxxxii] On devrait ajouter et de sexe , mais c’est un point que j’ai choisi d’écarter ici pour ne pas alourdir l’argumentation.

[lxxxiii] Amusant qu’ ADAM soit d’ailleurs une anagramme de MDMA.

[lxxxiv] ROSENZWEIG, 1998, pp.172-175.

32. CAMILLA , 1995, op cit.