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Les Sols Etonnants de l'Amazonie
Bernard Declercq
Traduction de Dominique Guillet
Le problème de la dégérescence des sols dans les Tropiques
La dégradation des sols constitue l'un des problèmes les plus sérieux de l'usage des terres agricoles dans les Tropiques. La plupart des sols tropicaux sont vieux et profondément érodés parce qu'ils ont été cultivés depuis très longtemps et sans aucun répit. Dans de tels sols, en raison du niveau élevé de température et d'humidité, il prévaut une minéralisation rapide de la matière organique. Des chutes de pluie saisonnières intenses provoquent une lixiviation de cette matière organique minéralisée et des minéraux primaires du sol.
Sous des conditions tropicales, la dégénérescence des sols est accrue par un facteur de 100 en comparaison avec celle des zones tempérées. Avec des pratiques agro-écologiques, la dégradation des sols peut être relativement moins rapide parce que la matière organique est préservée par le complexe minéral argileux. Ces pratiques, cependant, requièrent une attention constante, et des intrants conséquents de matière organique, pour conserver un certain niveau de fertilité.
A ce jour, la dégénérescence des sols reste le problème négligé et non résolu dans la gestion de la fertilité des sols tropicaux.
Terra Preta: la fertilité étonnante des sols tropicaux
Les terres anthropogéniques noires et fertiles se trouvent généralement dans les zones tempérées, par exemple les sols bien connus de la Hollande et des Flandres créés par des techniques de "plaggen". Les sols noirs anthropogéniques les plus étonnants sont, néanmoins, les sols de Terra Preta que l'on trouve dans les forêts pluviales de l'Amazonie. Cette terre noire, créée il y a des milliers d'années par les Indiens Amazoniens d'autrefois, se caractérise par une fertilité auto-génératrice et constante. Elle a évolué grâce à l'action humaine, en partant de l'un des sols les plus pauvres du monde, très enclin à la dégradation, pour se transformer en sol vivant qui n'a pas son égal en tout autre lieu de la planète. Le fait surprenant de la Terra Preta c'est que, contrairement aux sols de plaggen, dont les mottes d'horizons humifères furent apportées directement des bruyères, la Terra Preta a évolué in situ sans fertilisants ni mottes amenés de "l'extérieur". Bien que le secret de la Terra Preta n'ait pas été complètement percé, il est maintenant certain que le charbon de bois constitue l'agent principal à l'oeuvre dans cette métamorphose fascinante.
Il est également très intéressant de souligner que des très grandes parties de la Forêt Amazonienne sont d'origine anthropogénique.
Réflexions sur les principaux constituants de la Terra Preta
Ces réflexions sont fondées par l'étude de la matière disponible (films, ouvrages et internet) ainsi que par mon expérience personnelle.
Charbon de Bois.
Le charbon de bois semble définitivement constituer l'ingrédient principal de la Terra Preta. Certaines études indiquent que jusqu'à 10% de la Terra Preta en est vraisemblablement constituée. Le charbon de bois est une matière très poreuse obtenue en calcinant du bois (ou tout autre source de biomasse). Un gramme de charbon de bois peut posséder jusqu'à 500 mètres carrés de surface interne en fonction des matériaux de base, de l'efficacité et du type du processus de carbonisation.
Les effets du charbon de bois sur les sols tropicaux.
Les températures élevées et les pluies intenses de moussons provoquent une minéralisation très rapide de la matière organique dans les sols tropicaux. Simultanément, le ciel couvert coupe la lumière et réduit l'activité photosynthétique. Tout cela se traduit par un excès de nutriments disponibles qui sont par conséquent lessivés.
En raison de sa structure poreuse, le charbon de bois peut emmagasiner une quantité énorme d'ions et prévenir le lessivage de la matière organique, des sels minéraux et des oligoéléments du sol. Ce phénomène est particulièrement important dans les sols constitués d'argile avec peu de surface interne. Le charbon de bois retient l'eau aisément et est donc un facteur important pour la conservation de l'humidité des sols. Le charbon de bois possède également la capacité de neutraliser l'impact des pluies acides sur les sols agricoles. Le charbon de bois constitue ainsi une niche idéale pour les bactéries du sol.
Durant le processus de carbonisation, les nutriments contenus dans la sève de la plante sont fixés dans le charbon de bois. Les enzymes produites par les bactéries qui vivent en symbiose avec les racines des plantes peuvent mobiliser ces nutriments et les rendre disponibles pour les plantes. En échange, les plantes sécrètent des substances nutritives pour ces bactéries. De plus, le charbon de bois, en raison de sa capacité élevée d'échanges, peut absorber et fixer des ions minéraux provenant de l'eau de pluie. Les bactéries du sol, associées au velu racinaire, peuvent de nouveau libérer ces nutriments de par leur action enzymatique. C'est de cette manière que les oligoéléments présents dans l'eau de pluie deviennent un véritable agent de fertilisation, source d'une fertilité des sols à long terme, à savoir durable.
Le charbon de bois comme améliorant du sol est utilisé traditionnellement en Asie du sud-est. Des recherches récentes ont démontré que son ajout à des sols très pauvres pouvait accroître les récoltes d'un facteur de 8.
Le charbon de bois reste stable dans les sols pour une durée de temps estimée à 5000 années. On peut le considérer comme un puits permanent de carbone et il constitue donc le processus optimum de séquestration de carbone.
Brisures de poteries
Dans tous les sols de Terra Preta, on trouve également des brisures de poteries. Elles peuvent constituer dans ce cas jusqu'à 8 % de la masse totale du sol. Les brisures de poteries sont composées de silices argileuses cuites mélangées avec divers autres éléments. L'échange dynamique entre la silice et le carbone est supposé être le processus fondamental de l'émergence et de la construction de la vie sur cette planète. Des recherches effectuées par Jeanne Rousseau ont démontré que l'échange bio-magnétique entre le carbone et la silice se caractérise par la même longueur d'onde de rayonnement que pour les molécules vivantes. On peut donc en déduire qu'un échange électro-magnétique se manifeste entre le charbon de bois et l'argile de silice.
Les recherches ont mis en valeur que les débris de poteries trouvés dans la Terra Preta contiennent du sable (de la silice amorphe), du feldspar et des oxydes ferreux. Des extraits de plantes médicinales ont également été détectés dans la matrice d'argile de kaolin. L'abondance de feldspar et de roches ignées intrusives (à savoir à cristaux grossiers) tels que les granites, les rhyolites et les quartz, suggère que des roches étaient pulvérisées à proximité des rivières afin d'être incorporées dans le substrat argileux.
Ces éléments rocheux sont très vraisemblablement de nature paramagnétique. On peut donc en déduire que les débris de poterie seraient paramagnétiques.
Les effets de brisures de poteries sur les sols tropicaux.
Il a été écrit que les débris de poterie furent utilisés pour prévenir les éclaboussures, durant les pluies intenses, sur les sols de Terra Preta en évolution. Cependant, une litière de feuilles de forêt serait beaucoup plus efficace et ne nécessiterait pas autant d'efforts. Il s'avère ainsi difficile de valider une telle hypothèse.
En raison des divers ingrédients trouvés dans les poteries, on peut assumer que ces brisures remplissent réellement une fonction paramagnétique. Les sols volcaniques paramagnétiques sont réputés être très fertiles. Dans son ouvrage sur le paramagnétisme, Philip Callahan rapporte que les sols dans lesquels la croissance végétale est parfaite sont principalement de nature paramagnétique. (Philip Callahan est l'auteur US de "Paramagnetism", "Tuning into Nature" et "Exploring the Spectrum").
Les jus provenant de la cuisson ou de la friture de la viande, du poisson ou des légumes imprégnaient les parois des ustensiles de cuisine qui, une fois enfouis dans le sol, pourraient avoir eu une influence sur la microbiologie des sols. Il semble également que la suie accumulée sur le fond des poteries pourrait être considérée comme une forme de charbon actif.
Autres ingrédients potentiellement importants
Farine d'os
On estime à 1200 le nombre des espèces de poissons comestibles dans les rivières de l'Amazonie. Il est donc vraisemblable que le poisson constituait une partie importante du régime alimentaire des peuples premiers. Comme la Terra Preta ne se trouve qu'à proximité des anciennes implantations villageoises (en s'éloignant des anciens villages, on ne trouve plus de Terra Preta mais de la Terra Mulata), on peut assumer que les arrêtes de poissons et autres déchets de poissons ou d'animaux ou de cuisine entrèrent dans la composition de la Terra Preta. Des os calcinés sont utilisés par les shamans pour extraire les poisons à la suite de morsures d'insectes ou de serpents. On peut assumer que les os d'animaux et les arrêtes de poissons étaient utilisés lors du processus de carbonisation dans l'intention de garder la Terra Preta libre de polluants. Cela pourrait éventuellement expliquer le bas niveau de méthane, et autres gaz à effet de serre qui sont émis, par ces sols. L'utilisation de graisses animales, et de produits à base de poissons, pour créer des sols fertiles a été décrite dans le Vrkshayurveda et de telles pratiques prévalent encore aujourd'hui chez des paysans de l'Inde.
Litières de feuilles et bio-inoculants
Il se peut que cette conjonction de charbon de bois, de silice et de farine de poisson n'ait pas même été complètement suffisante pour générer de la Terra Pretta. La Forêt Amazonienne pouvait pourvoir une litière de feuilles débordant d'une vie biologique intense et il se peut que cette litière ait été utilisée sous forme de mulch et ait ainsi fourni un inoculant microbien.
Poussière volcanique
Il a été stipulé que la poussière volcanique pourrait avoir constitué un élément essentiel lors du processus de création de Terra Preta. Les rivières dans le Bassin Amazonien prennent leur source sur les haut-plateaux des Andes. Cette chaîne de montagnes se caractérise par une activité sismique intense. Il semble probable que la poussière de roche ou que la poussière volcanique ait été véhiculée par les rivières Amazoniennes. Durant les inondations de la saison des pluies, un limon plein de poussière de roches se déposait sur les bords des rivières ou dans les plaines. Il se peut que ce limon ait été utilisé pour la confection de poteries ou pour rehausser les monticules. C'est de cette façon que les poussières de roche et poussières volcaniques paramagnétiques auraient pu entrer dans le processus de formation de Terra Preta.
Eau Pure
L'eau, l'eau de pluie ou l'eau de rivière ne pouvaient être que très propres et biodynamisées. Cela aurait empêché le colmatage des pores du carbone de bois.
Air
La Terra Preta se trouve sur des monticules et très souvent a proximité de canaux d'eau. Les débris de poteries et le charbon de bois pourraient avoir contribué de façon conséquente à l'aération, à la percolation et à la conservation de l'humidité de la Terra Preta. Ces conditions semblent être optimum même lorsque les couches inférieures se caractérisent par un très fort pourcentage en argile.
Expérimentations avec la Terra Preta au Pebble Garden
J'ai observé que les peuples tribaux du Maharastra préparaient leurs pépinières de plants de riz en ayant recours à une pratique qu'ils appellent "raab".
Le raab est un système de carbonisation de bio-masse in situ: des planches sont constituées à cet effet de diverses couches de bio-masse de feuilles et de branches fraîches, demi-sèches et sèches, de fumier et d'argile. La planche ainsi élaborée est scellée complètement avec de l'argile et brûlée à feu de faible intensité. Les pépinières de riz sont cultivées dans les résidus résultant de cette faible combustion. Les peuples tribaux de l'Inde affirment que cela confère une croissance parfaite aux plantes de riz. Le fait que l'argile ait pu absorber des morceaux de charbons de bois, des cendres, et même du vinaigre de bois ou du soufre, pourrait peut-être expliquer les facteurs d'amplificateurs de la croissance du système du raab.
Il est vraisemblable que les Amazoniens pratiquaient un système similaire à celui du raab. A ce qu'il semblerait, un tel système est encore pratiqué de nos jours en Amazonie mais il ne résulte pas, apparemment, en la formation de Terra Preta. Malheureusement, il n'est pas possible de pratiquer le raab au Pebblegarden car notre sol est composé de 40 à 60 % de pierres et de graviers. Nous avons, néanmoins, réalisé une expérimentation à petite échelle avec de bons résultats. D'autres expérimentateurs ont également fait état de bons résultats. Le lien ci-dessous permettra de prendre connaissance de certaines recherches réalisées à la Réunion.
Il nous semble vraisemblable qu'une action synergétique de nature physique, biologique et énergétique pourrait résulter en un équivalent de la Terra Preta. En d'autres mots, il est possible que la composition ou l'arrangement des composants physiques, tels que le charbon de bois, etc, a induit un dynamisme qui a généré cette activité biologique très intense si caractéristique des sols de Terra Preta.
Pour la confection de charbon de bois, nous utilisons un four appelé le "four Iwasaki", constitué à partir d'un ancien baril de pétrole. L'avantage important de confectionner le charbon de bois dans un baril, plutôt que de la manière traditionnelle, est la possibilité de récupération de vinaigre de bois. Le vinaigre de bois est, en effet, un excellent agent probiotique soit en tant que promoteur d'harmonie végétale soit en tant qu'améliorant des sols.
A chaque fois que nous travaillons nos planches de légumes, nous ajoutons du charbon de bois. Ce charbon de bois est parfois imbibé d'une solution aqueuse à 10 % de vinaigre de bois.
Nous préparons des lamelles d'argile paramagnétique d'environ 1 cm d'épaisseur et 15 centimètres carrés de superficie. Pour ce faire, nous mélangeons de la poudre de granite avec de l'argile obtenue lors de creusements de puits. Ces lamelles d'argile sont cuites dans le four lors de la confection de charbon de bois. L'idée est ici de dupliquer l'influence des débris de poterie dans la Terra Preta.
Nous utilisons régulièrement deux fois de l'EM étendu (Efficient Micro-Organisms, méthode développée par le Japonais Teruo Higa). Une expérimentation a mis en valeur un accroissement de 40 % de la production de biomasse dans les parcelles traitées avec du charbon de bois pulvérisé inoculé avec des EM par rapport à la parcelle-témoin. Les EM sont réputés empêcher que les pores des charbons de bois se colmatent sous l'effet des polluants. Les planches de légumes sont toujours mulchées avec du foin ou des feuilles partiellement décomposées. Ces mesures devraient assurer une activité biologique optimale dans les planches du jardin.
Comme nous sommes avant tout des personnes pratiques, notre approche de la Terra Preta depuis trois ans a été principalement empirique. Comme tous les jardiniers expérimentés, nous connaissons suffisamment notre jardin pour découvrir si quelque chose fonctionne ou pas. Nous avons néanmoins établi des planches dans le jardin qui sont étudiées afin d'évaluer les expérimentations réalisées selon notre thèse sur les charbons de bois et les débris de poteries paramagnétiques.
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