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La Progression des Déserts

Edouard Le Danois

Extrait de l'ouvrage: Rythmes des Climats

La Formation des Déserts

Les roches qui forment la surface de la Terre subissent pendant des millénaires les assauts continuels et répétés des grandes forces de la nature, la mer, le vent, la pluie, les froids intenses, les chaleurs torrides et, suivant leur qualité, résistent plus ou moins longtemps à ce combat inégal. Les terrains sédimentaires récents, les calcaires, se diluent rapidement sous l'atteinte répétée des flots ou le déversement prolongé des eaux du ciel, s'effritent sous forme de poussières dans le souffle du vent; les vieilles roches éruptives opposent par contre, à la lutte contre les éléments, la puissance de leur cohésion cristalline, mais en vain, car les siècles passent et l'agression de l'air ou de l'eau se perpétue; la roche cède lentement, se désagrège et forme le sable. Il semble qu'un besoin impérieux d'un nivellement général inspire la pérennité d'action des forces naturelles. Les hauts massifs montagneux, les falaises escarpées se réduisent peu à peu, s'affaissent graduellement, se convertissent en pentes douces; avec la durée infinie des âges, l'érosion reste toujours la maîtresse du monde, et la pénéplaine étend sa monotonie sur les sites où se dressaient des pics gigantesques. De même que dans la mer, l'aboutissement définitif de toute substance minérale est la vase, sur la terre, le terme ultime est représenté par le sable, et le sable engendre le désert.

Le désert est la personnification de la sécheresse; là où l'eau existe, les débris minéraux sont cimentés par les apports organiques et forment le substratum de l'humus et des terres fertiles; quand l'eau se raréfie, les plantes xérophiles arrivent encore à les fixer contre leurs racines dont l'enchevêtrement forme la croûte légère du sol des steppes et des savanes; mais, quand elle manque totalement, le vent étend son empire, les grains de sable en nombre infini obéissent à ses caprices et leurs monceaux roulent en dunes mobiles sur l'horizon circulaire des plaines vides.

Au cours des époques géologiques, la terre a connu plusieurs périodes de grande sécheresse et nous nous bornerons à indiquer, depuis la dernière phase glaciaire, la naissance et la progression du désert.

Au moment où les accumulations des glaces débordaient largement autour du pôle en Eurasie et en Amérique, les régions tropicales ne subirent, cependant, aucune variation climatérique appréciable. La terre d'Afrique conservait dans la grande forêt cette faune spéciale qui, indifférente aux fluctuations thermiques des zones tempérées, se maintient sans se modifier dans le cours des siècles, dernier refuge d'espèces appartenant déjà au monde fossile dans d'autres contrées. Le désert n'est jamais équatorial, car l'énorme condensation hygrométrique de la saison des pluies l'exclut absolument de tout rapprochement vers la Ligne. Le désert ne peut pas non plus être circumpolaire; les régions les plus arides, desséchées par les grands vents froids, retiennent encore assez de molécules d'eau pour engendrer la toundra. Son site géographique se place donc surtout dans les zones sub-tropicales mais il peut atteindre les régions tempérées quand l'altitude, et surtout l'éloignement de la mer, peuvent s'y prêter. En effet, le vent sec des montagnes et l'absence de toute influence des souffles humides des climats maritimes sont des facteurs importants du climat désertique. C'est donc entre les 10 ème et 50 ème degrés de latitude que doivent être localisées les possibilités du développement des grandes étendues sableuses.

L'influence de la glaciation Wurmienne se fit sentir très longtemps et la fraîcheur régna en Afrique et dans le sud de l'Asie jusqu'à une période relativement récente. C'est vers le deuxième millénaire avant notre ère qu'on peut considérer que l'assèchement de certaines savanes ou steppes donna naissance aux premiers déserts. Ils furent d'abord localisés en Arabie et en Libye; ces deux régions, malgré le creusement de la Mer Rouge, gardaient du reste une certaine unité et le fossé Erythréen n'était qu'un accident de terrain dans l'énorme bloc continental africano-arabique.

Un caractère assez net de la formation désertique est qu'elle paraît toujours se développer d'est en ouest. Le Sahara tire son origine des sables d'Arabie et de Libye; ceux du Gobi commencèrent par s'accumuler en Mongolie Orientale. Là où la configuration géographique le permet, le grand agent de propagation est le vent d'est ou du sud-est; son action est particulièrement intense quand il dévale sur les plaines à partir de chaînes montagneuses qu'il effrite au passage et au pied desquelles s'entassent les débris éoliens. Leur accumulation poussée par le vent gagne peu à peu vers l'occident. Les particules minérales, par leur nombre, finissent par représenter un élément lourd qui sans doute obéit lui-aussi à la force de la rotation de la Terre. Comme le flot des eaux polaires, comme le flot humain des peuples en marche, le flot sableux va vers l'ouest, implacablement.


La Progression du Désert Arabique

Le désert Arabique paraît être un des plus anciens de la Terre; le réchauffement équatorial se fit sentir avec violence sur ce bloc rectangulaire continental de la péninsule. La steppe où erraient les Kouschites nomades avec leurs troupeaux se dessécha rapidement dans toute la région centrale; cependant, sur la côte de la Mer Rouge, le pays de Pount resta longtemps prospère. Au nord, la steppe était bordée par le "croissant fertile" qui partait des marécages de l'embouchure de l'Euphrate, suivait le cours du fleuve et atteignait la Syrie où il s'incurvait pour englober la Judée jusqu'au pays de Moab. Au sud, l'Océan Indien, par le régime des moussons, fécondait la côte du pays des Sabéens.

Vers l'an 2000 avant EC, la température monta et l'assèchement devint très prononcé, les pasteurs furent remplacés par les caravanes. Quand Abraham passe avec ses troupeaux, le désert ronge déjà les bords du croissant fertile et c'est dans le désert, d'après la tradition biblique, qu'il abandonne Agar et Ismaël, qui représentent la souche des Arabes Ismaéliens. Plus tard, au moment de l'Exode, les Hébreux errent sur les sables arabiques, nourris du pollen des palmiers. Peu à peu, le pays des Sabéens s'isole et ne connaît plus de liaisons ni avec la Chaldée, ni avec l'Egypte. Le désert gagne au nord, les Arabes ont envahi le Moyen-Euphrate, au moment de l'expédition d'Alexandre. A l'époque Romaine, la Coelesyrie constitue encore un des greniers de l'Empire avec ses terres à blé.

La progression de la steppe, puis du désert régit entièrement à travers les siècles les mouvements de la race sémitique et paraît favoriser sa prospérité; le premier assèchement de la région herbeuse conduit les Kouschites au pays d'Akkad; la néfaste grandeur de l'Assyrie prend place au moment où le sable s'approche du Soubartou. Les convois de précieuses marchandises venus de l'Orient évitent l'énorme étendue torride de l'Arabie et préfèrent faire un long détour pour traverser la Judée; et la richesse d'Israël est due en partie aux péages que le sage Salomon savait prélever sur ces hôtes de passage. Beaucoup plus tard, au VII ème siècle de notre ère commence le règne de l'Islam. On peut dire que cette religion est née du désert; l'idée monothéiste semble être un produit de l'Arabie; le culte du Baal tout-puissant des Assyriens en est une première manifestation; les Hébreux, malgré l'influence des peuples Païens qui les entourent, restent fidèles au Dieu unique, en dépit de quelques erreurs passagères auxquelles Moïse sait mettre fin radicalement; et Mahomet étend sur tout le pays la croyance en Dieu seul. L'Islam commence sa prodigieuse épopée. Pour répandre la religion nouvelle et faire connaître aux peuple incirconcis que Dieu est Dieu, qu'il ne doit y avoir de louange qu'à lui-seul et que Mahomet est son prophète, les cavaliers arabes galopent sur les sables et le désert semble les suivre partout là où ils passent. Ils envahissent l'Afrique et le croissant domine les escadrons légers et rapides qui s'élancent vers l'ouest dans un nuage de poussière sableuse. Quand emportés par leur élan, ces musulmans occuperont l'Espagne et l'Aquitaine, le climat du nord deviendra la meilleure barrière à leur invasion, leur domination sur le sud-ouest de l'Europe restera précaire et ils devront abandonner bientôt ces pays où le vent de la mer empêche la progression du sable. Au contraire, du côté de l'Asie, le Coran gagnera la Perse, puis le Turkestan, quand le désert se sera emparé de ces régions jadis fertiles. Dans le pays d'origine de l'Islam, en Arabie, le sable règne maintenant en maître absolu; la Coelesyrie n'est plus qu'une plaine caillouteuse; au sud, les Wahhabites fanatiques, dans cet enfer torride où ils nomadisent, proclament hautement qu'Allah est le Dieu unique.

La Progression du Désert Saharien

L'évolution du Sahara paraît avoir été double à l'origine. Le grand désert comprend, en effet, deux régions, l'une orientale, l'autre occidentale, séparées par une crête médiane qui, à partir de la petite Syrte, est jalonnée par les Monts Matmata, le plateau du Tassili et le massif de Hoggar, les Monts du Tibesti et ensuite le bassin du Tchad. La partie de l'est correspond au désert de Lybie, celle de l'ouest au désert Mauritanien. Il faut noter que dans les temps anciens, le Tchad n'avait pas les dimensions restreintes actuelles, mais constituait une véritable mer intérieure. D'autre part, sur la côte Tunisienne, le Chott-el-Djérid et le Chott-el-Melghir s'unissaient en un vaste lac, le lac Triton, en communication directe avec la mer. Dans les eaux calmes de la Syrte s'élevait, à bonne distance de la côte marécageuse, l'île paisible des Lotophages, l'actuelle Djerba. Entre les bassins du lac Triton et du lac Tchad, la région montagneuse jouissait d'un climat frais, des forêts s'élevaient sur ses pentes, de belles prairies et des champs cultivés s'étendaient dans la région de Tripoli et les eaux bienfaisantes du petit fleuve Cynips irriguaient les environs de la Grande Leptis. De beaux cours d'eau, comme le Ger, descendus du Tassili et du Hoggar, coulaient librement dans la plaine. Sur la côte se pressaient les peuples de race méditerranéenne, Anou, Nasamons, Gyndanes, Lotophages, Machlyes, Zygantes, Maxyes et Numides. Dans l'ouest, les Maures se reliaient aux Atlantes et se livraient à la navigation et à la pêche; au pied de l'Atlas, les Gétules vivaient dans les hautes herbes des savanes avec des buffles et des éléphants; les Garamantes nomadisaient plus au sud d'un bout à l'autre de la grande steppe. L'ancien Nil fertilisait la région actuelle du Bahr-bala-mâ et des prairies encerclaient la ligne des grandes oasis; dans ses eaux nageaient les hippopotames, consacrés à la déesse monstrueuse Thoueris. Le pays d'Agizymba, autour du Tchad, était la marche du sud de la civilisation Hamitique, qui à travers le Bornou, s'étendait jusqu'au pays Galla. Les paléolithiques Africains poursuivaient de leurs flèches les tribus de nègres, Niam-Niam, et autres, qui osaient sortir de leurs forêts pour se risquer dans la plaine.

Le changement du cours du Nil à l'époque du Déluge modifia profondément l'aspect de la steppe Lybienne; les eaux du Bahr-bala-mâ diminuèrent d'abondance. Les Anou se resserrèrent autour du nouveau fleuve où ils connurent les invasions successives des Sétiens roux venus du nord, puis des terribles Horites descendus des plateaux d'Ethiopie. Alors, dans la Lybie orientale, entre la mer et le Nil, dans le courant du deuxième millénaire, le sable fit son apparition. L'assèchement suivit une progression parallèle à celle du désert Arabique, puis les dunes commencèrent à s'accumuler de l'autre côté du fleuve. Le Bahr-bala-mâ se tarit complètement, les grandes oasis s'individualisèrent dans la ceinture odorante des palmiers; les collines mouvantes du désert roulèrent vers l'ouest et coupèrent les communications de la vallée du Nil avec l'oasis d'Ammon (Siouah) et de Taïserbo (Koufra). Les Lybiens connaissent de grandes vicissitudes du fait des envahisseurs et de la marche du désert; certains, asservis par les conquérants, les fellahs, devenus cultivateurs, pratiquent l'agriculture dans les limons du fleuve; d'autres pourchassés par les Horites, comme les Anou et les Tamehou Sétiens, vagabondent et chassent dans les sables, gardant leur culture paléolithique.

A une époque indéterminée, sans doute dans le début du premier millénaire, à l'ouest de la chaîne centrale, le désert Mauritanien prit naissance, au pied du Tassili et du Hoggar. Il ne se développa qu'assez lentement; encore à l'époque Carthaginoise, les savanes de la Gétulie sont susceptibles de nourrir les éléphants de l'armée d'Hannibal. Dans la steppe nord-africaine, le cheval, importé par les Egyptiens, devient la monture favorite des Numides et leur cavalerie légère est redoutée des légions.

Les expéditions de Suetonius Paulinius et Cornelius Balbus montrent qu'aux premiers siècles de l'ère chrétienne, le pays des Garamantes était encore garni de cités florissantes comme Garma ou Cydamus. Suetonius Paulinius s'avance jusqu'au fleuve Ger, Cornelius Balbus va jusqu'au Tibesti-tou sans qu'il semble que leurs colonnes aient particulièrement souffert au cours de ces expéditions Sahariennes.

Dans la région de la crête centrale, du lac Triton au Tchad, la nature est encore prospère et fertile. On connaît le plaisant voyage que firent trois jeunes Nasamons qui, partis de la Cyrénaïque, s'avancèrent vers le sud jusqu'au lointain Azigymba, en marchant sur des steppes émaillées de fleurs. Un peu plus tard les centurions Julius Maternus et Septimius Flaccus s'enfoncent à leur tour dans le centre de l'Afrique et atteignent le Tchad. C'est à partir du III ème siècle après EC que la progression du désert s'accrut avec une rapidité inquiétante. Les sables ont envahi toute la Lybie jusqu'au Bornou et au Fezzan; dans l'ouest, ils atteignent le Niger et la côte de la Mauritanie. Mais un événement inattendu vient au secours des indigènes éparpillés dans l'horizon sans limites des dunes. L'Empereur Septime Sévère, Africain de Leptis-magna, marié à une Syrienne, fait venir des chameaux dont il a pu apprécier l'utilité en Asie intérieure; les Garamantes s'emparent avec joie du précieux animal et les nomades chameliers, ancêtres des Touaregs, commencent leurs randonnées et leur rezzou à travers le désert. Celui-ci gagne toujours, la végétation décroît même sur la crête centrale, l'éléphant disparaît définitivement de la Gétulie, les chevaux se trouvent cantonnés en zone côtière et sur les plateaux, où l'alfa remplace les céréales. Les sables remplissent les Syrtes, bouchent le déversoir maritime du lac Triton qui se fragmente en étangs salés et l'île des Lotophages se trouve rapprochée de la terre, à tel point que l'on peut actuellement l'atteindre avec de l'eau jusqu'à la ceinture. Encombrés par les dunes, les fleuves se transforment en oueds intermittents ou s'enfoncent dans le sous-sol. Vers le VII ème siècle, le Sahara s'étend de la Mer Rouge à l'Atlantique. Et comme si le désert leur avait fait signe, les Arabes envahissent le nord de l'Afrique; malgré l'admirable résistance de la Kahenna, ils subjuguent les cultivateurs Berbères; maîtres du terrain, ils brisent les dernières canalisations construites par Carthage ou par Rome et semblent vouloir partout faciliter l'accès des sables. Le croissant règne maintenant sur la côte Méditerranéenne de l'Egypte au Maroc, mais la fertilité du sol a disparu pour douze cent ans. Et il faudra attendre les victoires Françaises pour que l'oeuvre de Bugeaud et de Lyautey fasse revivre, sous un climat devenu torride au cours des siècles, une prospérité oubliée.

La Progression du Désert de Gobi

Il est probable que le haut plateau du centre de l'Asie connut une phase glaciaire à la même époque que l'Europe du nord et que celle-ci continua pendant bien longtemps à maintenir sur le plateau Tibétain des accumulations neigeuses. Au moment du dégel, toute l'immense contrée qui s'étend du bassin de l'Amour au Pamir fut occupée par les fleuves ou les marécages. A la période du Microlithique Mongol, les lacs circulaires ou Nors étaient encore extrêmement nombreux dans toute cette zone où l'on trouve leurs emplacements desséchés. Dans le sud de la Mongolie, près de la ligne de la Grande Muraille, la culture du millet occupait les populations Microlithiques dont on retrouve les meules grossières. Au nord s'étendait la steppe Mongole et vers l'ouest le Tarim devait couler au milieu des marécages. C'est probablement au pied des monts Khingan, du côté occidental, que se manifesta la première ébauche désertique, peut-être au début du premier millénaire. Les sables s'avancèrent vers l'occident et s'accumulèrent dans la région du haut Kéroulen, mais le paysage pendant plusieurs siècles avait l'aspect d'une maigre steppe plutôt que celui d'un désert. C'est dans ce site désolé que s'élaborèrent les races Hunique et Turque, issues des Toungouses sibériens. De même que l'Arabe est un produit du désert, de même le Mongol paraît avoir été enfanté par la steppe et son histoire, admirablement exposée par René Grousset, se confond avec celle de ces grandes étendues où les herbes rares fixent suffisamment le sol pour permettre les raids de cavalerie légère. Au cours des siècles, les Hioung-nou tentent de pénétrer dans la Chine fertile, réussissent parfois et y perdent en se sinisant leurs qualités guerrières. Vers l'an 250 avant EC, la progression du désert s'accentua et les Huns affamés firent un effort plus violent et purent entrer dans l'Empire. Les Ye-tchue en furent les victimes et durent se sauver vers l'ouest. C'était une première attaque contre la civilisation Tokharienne à laquelle ils appartenaient et qui gardait la route de la soie, de Touen-Houang au Pamir. Le bassin du Tarim était alors le siège d'une culture élevée; elle prit fin au VII ème siècle après EC, quand le général Chinois Achena-cho-eul battit la cavalerie Koutchéenne. Succédant aux Huns, les Ouïgours régnaient en Mongolie; ils entrèrent au IX ème siècle dans les oasis Tokhariennes et établirent un état turc. La progression rapide du désert contribua à effacer de la carte d'Asie toute trace de cette civilisation Indo-européenne. Trois cent ans plus tard, du site ancestral Turco-Mongol, devenu complètement désertique, allait sortir le plus grand des chefs nomades, Gengis-khan. Sans interruption, le sable continua son oeuvre destructrice et le désert de Gobi, soumis à des variations thermiques extrêmes, est une des régions les plus inhospitalières et les plus déshéritées de la Terre.

La Progression du Désert du Turkestan

La dépression aralo-pontique à la fin des temps géologiques unissait en une longue zone maritime le Pont-Euxin, la dépression du Kouban, la Mer Caspienne, le lac Oxien ou mer d'Aral et une notable partie du bassin de l'Obi. Par la nature de ses eaux, elle relevait du domaine polaire et il fallut la rupture de la masse continentale de l'Egéide pour que la Mer Noire se rattachât au bassin Méditerranéen, mais encore actuellement, elle a gardé son caractère septentrional dans ses conditions hydrologiques et dans sa faune fondamentale. La grande fusion glaciaire accrut singulièrement le volume des eaux de la dépression aralo-pontique par un immense ruissellement. Le Kouban resta immergé longtemps et n'est pas encore totalement asséché. La Mer Caspienne et le lac Oxien se séparèrent peu à peu, gardant entre elles des connexions dont l'Ouzboi marque la place. Les vastes plaines de la Sogdiane et de la Bactriane étaient couvertes de marécages jusqu'au lac Balkach que dominaient le Pamir et le plateau Iranien. Le réchauffement climatérique amena le dessèchement progressif de cette région, le lac Oxien alors très vaste reçut les eaux drainées par l'Oxus et l'Iaxartes et les prairies remplacèrent les marais. Un nouveau chemin était ouvert aux mouvements des peuples; Anau et Maracanda marquent la place des premiers occupants, mais bien d'autres y passèrent ensuite. Ces vastes étendues ont été le théâtre de l'évolution des brachycéphales roux qui y chevauchèrent au plus beau moment de leur fertilité; c'est par là que s'avancèrent les chefs des Kassites, puis des Mittaniens et des Hurri; les Mèdes et les Perses les suivent mille ans plus tard. C'est là qu'il faut chercher l'inépuisable réservoir des Scythes; c'est dans la steppe de Bactriane que caracolent les Amazones; Cyrus, puis Alexandre, y combattent les insaisissables Massagètes. Et quand l'Empire des Séleucides s'écroule, d'autres cavaliers, les Parthes, arrivent encore et tiennent l'Iran pendant des siècles. Mais peu à peu, le berceau de peuples s'épuise; au pied des montagnes, le désert apparaît à l'est; les communications sont encore faciles et les caravanes cheminent lentement du Pamir à Samarcande en Perse, sur la route de la soie. Elles apportent aux oasis Tokhariennes les richesses, les modes, la culture des Sassanides. Mais la grande plaine sèche de plus en plus, les fleuves connaissent des crues irrégulières, sont presque taris à d'autres saisons, le lac Oxien se rétrécit de plus en plus, le sable de l'Oust-ourt l'isole totalement de la Mer Caspienne.

Cependant, l'Empire Sassanide disparaît au VII ème siècle sous les coups des Arabes, au moment où les Turcs envahissent le Tarim. La défaite des Chinois par les Musulmans au Talas en 751 rend ceux-ci maîtres incontesté de la Sogdiane et de la Bactriane. Le court épanouissement de la dynastie Iranienne des Samanides marque le dernier sursaut du monde Aryen. Mais les Qarakhanides soumettent au IX ème siècle la Tansoxiane et la patrie Indo-européenne devient à la fois Turque et Musulmane. Désormais, le Turkestan est associé aux destinées du monde Turco-Mongol. L'empire éphémère du Khwarezm est la proie de Gengis Khan (1220) et c'est de Samarcande que rayonnera au XIV ème siècle le génie destructeur de Timour-lenk. Le désert s'associe à son oeuvre néfaste; la Perse qui avait plus ou moins réparé les ravages de Gengis Khan ne pourra plus surmonter les catastrophes dues à Tamerlan et cette absence de réaction provient surtout de ce que le plateau Iranien est à son tour envahi par le sable. Dans cette sombre époque, ce n'est plus une même civilisation ou même culture intellectuelle qui unit l'Altaï au Maroc, mais le règne du désert dans son effroyable stérilité.

Et la marche des sables du Turkestan continue, la Mer d'Aral se comble, la Caspienne disparaîtrait si les Russes mettaient à exécution le projet de détourner au profit du Don la Volga car elle ne subsiste plus que par l'apport des eaux du grand fleuve. Déjà les dunes s'avancent dans la région d'Orenbourg et là-bas, à l'est, dans le centre Asiatique, autour du lac Balkach, la vieille patrie des Wou-Soun et des Sarmates est devenue la steppe de la Faim.