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La Danse de Lydia:
Un Rite Shamanique de Transmission
Lydia
Traduction de Dominique Guillet
Dédié à C. G., pour la Guérison et l'Harmonie
La cellule d'Antioche, comme toutes les cellules des Mystères du Levant, de l'Egypte et de l'Europe entière, recevait de fréquents visiteurs en provenance de l'Asie. Le réseau des Mystères couvrait de vastes territoires, des îles au large de l'Hibernie (l'Ecosse) à l'Afrique en passant par le Levant et la Terre aux Deux Fleuves jusqu'au coeur de l'Asie. Les visiteurs amenaient des techniques issues de leurs propres traditions et repartaient avec des connaissances sur nos propres traditions et pratiques. Le langage ne représentait pas une barrière car le Grec était la langue universelle à partir de l'époque d'Alexandre, à la fin du quatrième siècle avant EC. De plus, certains membres des cellules étaient des polyglottes qui se spécialisaient dans les langues étrangères et servaient d'interprètes. Durant des années, la cellule d'Antioche accueillit un vénérable druide aux cheveux blancs qui pouvait parler dix langues Indigènes à l'Europe dont le langage perdu des Etrusques! Nos alliés Asiatiques pratiquaient souvent cinq ou six idiomes dont les formes antiques du Sanskrit et du Prâkrit, en sus du koine, le Grec parlé.
Le Yoga de la Survie
Svubindra était un shaman Dravidien d'une tribu qui préservait la tradition shamanique remontant à une époque qui se perd dans la nuit des temps. Sa peau était de la couleur du bouchon brûlé avec des traits raffinés au charme Mélanésien. Son corps tatoué était de petite taille mais robuste et extrêmement souple. C'était un maître-chasseur et dompteur d'animaux qui considérait le cobra comme la plus sacrée de toutes les créatures. C'était un “yogi sauvage” qui ne pratiquait pas les rituels du hatha yoga, les asanas rigides et tout le reste. En plus de sa maîtrise des pouvoirs animaux, il était versé dans les sciences antiques du son et de la danse. Nous l'appelions affectueusement le “sauvage savant”. Sa langue native était le Tamil. Il s'exprimait avec nous dans un Grec simple mais précis et généreusement accompagné de termes Sanskrits.
Au cours de plusieurs sessions, Svubindra nous offrit une vision unique de la spiritualité Hindoue. Il nous apprit que les enseignements Védiques et Védantiques relatifs à la source suprême de la conscience étaient des formulations tardives de techniques de survie utilisées par les Peuples du Nord lors du dernier Age Glaciaire. Afin de survivre durant des périodes de temps étendues, en attendant que le climat devînt plus hospitalier à la vie, les membres des shishti (les tribus de la Transition, ceux qui survivraient au processus d'extinction) se plongeaient délibérément dans un état d'hibernation. Ou d'animation suspendue. Ils pratiquaient une sorte de yoga de la survie.
“Prêtez attention aux mémoires traditionnelles des tribus du Nord”, dit Svubindra. “Les légendes les plus anciennes évoquent des sages Himalayens qui méditaient dans les grottes des contreforts des sommets Himalayens. Les rishis. Ils sont réputés avoir atteint des états élevés de conscience cosmique au travers d'un détachement total du monde. Ils vivaient dans des grottes de haute altitude sans rien manger pendant de nombreuses années. Ils pratiquaient des formes de yoga appelées tapas, consistant en une rétention du prana et de la chaleur corporelle, ce qui leur permettait de faire fondre la neige pour boire de l'eau. Ils vivaient d'eau pure et de lumière solaire pendant de très nombreuses années. Ces pratiques étaient tout autant le fait d'hommes que de femmes qui se rassemblaient en petites enclaves. Les rishis avaient assurément des épouses, ou consorts”, ajouta-t-il en souriant “mais je ne pourrais pas dire de combien de maithuna ils avaient besoin pour rester chauds en cette longue saison d'hiver”. Maithuna est le terme Sanskrit pour le yoga sexuel.
Nous connaissions tous ces histoires. Dans ma jeunesse, les Mardeena entreprirent plusieurs voyages à Gandhara dans l'Hindou Kush. A l'âge de dix ans, j'étais profondément émue et fascinée par les Bouddhas des toges Grecques et les premières représentations de la forme humaine du Bodhisattva. Alexandre le Grand avait atteint Gandhara dans sa tentative de conquérir le monde. A partir du 4 ème siècle, cinq siècles avant mon époque, de nombreux échanges s'étaient effectués entre l'Inde et la Méditerranée. Les moines Bouddhistes passaient par Hécatompylos et Harran, sur leur chemin vers Luxor et Dendera, pour étudier dans les écoles de Mystères Egyptiens. J'avais rencontré certains de ces bhiksus errants, et j'en avais même aimé un, lorsque je demeurais à Dendera et que je m'initiais à la danse des étoiles sur la terrasse du Temple d'Hathor.
“Il est fantastique de voir comment ces tribus de la transition purent survivre à ces conditions et c'est une preuve de l'adaptation humaine” continua le Dravidien. Pour ce que j'appelle “l'adaptation”, il utilisait le terme Grec “palengenesia”: “naissance répétée”, devenir cyclique, qui peut être assimilé, dans la vie individuelle, à la réincarnation. “La palingenèse est notre génie. Aucune autre espèce ne peut s'adapter de la manière dont nous le faisons... mais le pasu, l'animal humain s'adapte selon des voies étranges et parfois extrêmes”, réfléchit Svubindra. “Lorsque les sages Himalayens n'eurent plus besoin de pratiquer l'animation suspendue afin de survivre, les générations suivantes continuèrent de l'utiliser en tant qu'exercice spirituel, dans le but de retourner vers la source suprême. C'est ainsi qu'une méthode de survie en vint à être promulguée dans les rituels et les enseignements du Vedanta de la non-dualité”.
La Danse du Lien
Svubindra décrivit ses années de pèlerinage parmi les sunyassins des Ganges et de l'Himalaya. A l'âge de vingt ans, il partit vers le nord croyant (comme beaucoup de cette époque et encore maintenant) que la tradition des rishis, formulée dans le Vedanta de la non-dualité, recelait une voie supérieure vers le Divin. Il passa cinq années de sa vie à apprendre les méthodes yoguiques traditionnelles pour finalement prendre conscience que ses propres voies Dravidiennes étaient préférables parce qu'elles étaient plus intimement connectées à la trame vivante du Divin. Svubindra rejeta la voie du vide lumineux de l'éveil suprême et retourna vers la sagesse de nature extatique de ses racines tribales. Il devint un dualiste, consacré au mystère de Maya, l'expression auto-voilante de Devi la Déesse, la source de tous les pouvoirs régénérateurs sur cette terre. Sa dévotion était authentique et fertile. Lorsqu'il vint vers nous à Antioche, il avait peut-être quarante ou quarante-cinq ans, mais il avait l'apparence d'un vigoureux jeune homme dans sa prime vingtaine.
Au cours d'une séquence de sessions d'apprentissage par la transe, nous présentèrent à deux, avec Svubindra, une série de questions spécifiques à la Lumière Organique. Nous nous enquîmes quant à la cordelette sacrée des Brahmanes, (un lien) une tradition qui avait troublé le Dravidien lorsqu'il la rencontra pour la première fois à Lucknow. Les Brahmanes portent la cordelette sacrée comme un symbole de leur statut religieux dans le système social fermé de l'Inde dont ils constituent la caste supérieure. Nous voulions connaître l'origine de cette revendication élitiste. La réponse que nous obtînmes était assez évidente: la cordelette brahmanique symbolisait une descendance génétique directe des shishti Himalayens, les tribus de la transition du dernier Age Glaciaire. La caste des Brahmanes se considérait comme les descendants des survivants originels qui émergèrent de cet événement d'extinction mineure, aux alentours de 10 000 avant EC.
Les membres des Mystères n'accordent pas beaucoup de valeurs aux lignages génétiques, à la parenté, aux liens de sang et à tout le reste. Les Mystères étaient éclectiques, ses membres étaient totalement imperméables aux revendications d'ascendance supérieure. Notre finalité était éducative: elle était d'instruire et de substanter le génie humain sans des privilèges quelconques liées aux origines raciales ou familiales, qui n'étaient considérées que sous leurs aspects de facteurs contextuels. Au fil de notre investigation de la cordelette sacrée, Svubindra et moi-même acquîmes une vision intégrale toute nouvelle de la génétique et de l'hérédité. Il nous fut montré que la palingenèse de l'espèce humaine dépend d'un “lien” sacré ou d'un réseau de “liens” sacrés enraciné dans le coeur plasmique de notre galaxie. Au cours d'un moment de découverte fantastique, lors de l'instruction par la Lumière, Svubindra recouvra, de ses mémoires de vies passées, le secret Dravidien de la danse du lien.
Il existe, à ce jour, une école de danse classique appelée Kathak près de Chennai dans le Tamil Nadu, au sud de l'Inde. Bien que l'origine du Kathak soit considérée être du nord, l'école Madrasienne préserve en une sorte de forme fossilisée certains mouvements de la danse sacrée du lien qui ne sont connus que des peuples Dravidiens, des peuples du sud de l'Inde. Dans le Kathak, les postures, ou mudras, sont stylisées dans une interprétation théâtrale mais certains gestes sont retenus, et plus particulièrement le pincement spécifique de doigts pour tenir le lien.
Mélodie Mystique
Nous trouvâmes, à Antioche, des musiciens experts dans les divers styles de raga, les japas et les talas, à savoir les modes rythmiques de la musique Hindoue; il y avait même un joueur de luth accompli. Le luthiste était aveugle, ce qui servait fort bien nos desseins. Il occupait la salle de pratique et les percussionnistes étaient assis derrière un rideau - ainsi, personne ne pouvait voir ce que nous faisions. Svubindra et moi-même passâmes six mois à recouvrer la méthode originelle de la danse du lien. Oeuvrant en tant que membres de la Compagnie de Huit, le groupe interne, le coeur d'une cellule, nous développâmes cette méthode dans l'isolement; ensuite, nous passâmes six autres mois pour l'enseigner aux huit membres du groupe externe. Normalement, la transmission aurait du continuer à partir de ce point avec le groupe externe des huit présentant une technique ou un enseignement au monde extérieur. Cependant, nous décidâmes de réserver la méthode de la danse du lien à une transmission strictement orale et de la conserver “sous couvert”. Faisant face à une hostilité exacerbée vis à vis des pratiques Païennes, allant jusqu'à leur condamnation par la peine de mort, et à la qualification de magie noire attribuée à nos pratiques sacrées, nous estimâmes que l'époque n'était pas favorable au dévoilement d'un tel rituel puissant de transmission au monde extérieur.
De par la destruction des Mystères, très peu de temps après l'époque de ma vie, la danse du lien sombra dans la sphère des choses oubliées et réprimées: elle souffrit du destin qui échoit à l'ésotérique. Mais ensuite, au début du 16 ème siècle, quelque chose de bon augure se manifesta en Inde du nord. Un érudit musicien découvrit un texte Sanskrit, le Natya Shastra, attribué à un ancien sage du nom de Bharat Muni. Ce texte décrit, dans les détails les plus minutieux, des aspects de musique, de danse et de gestes magiques qui permirent à l'érudit d'inventer un nouvel instrument, le sarod. Les musiciens des cours de l'Inde et de la Perse participèrent à l'élaboration de cet instrument dont le nom en Perse signifie “mélodie mystique ou sublime”.
Le sarod est un instrument formidable, sculpté à la main à partir de tek massif avec la touche recouverte par une plaque de métal lisse sans frettes. La caisse de résonnance est recouverte par une peau de chèvre et les 25 cordes métalliques reposent sur des chevalets en os. Il y a quatre cordes principales pour le jeu mélodique et quatre pour le jeu rythmique. Il y a aussi deux cordes de chikari, pour la rythmique rapide. Enfin il a quinze cordes sympathiques qui sont accordées à l'échelle du raga. Le sarod se joue avec un petit plectre taillé dans une noix de coco, le javâ, et tenu entre le pouce et l'index droits.
La musique du sarod utilise l'accompagnement des tabla, la paire traditionnelle de percussions de l'Inde. Ensemble, les tablas et le sarod pourvoient le support musical pour les mudras de la danse du lien, en coordonnant la main droite pour pincer durement les cordes métalliques et la main gauche pour les tablas. Le plus grand maître vivant du sarod est Ali Akbar Khan.
La danse du lien accompagnée de la musique du sarod existe de nos jours mais ce n'est pas un art de spectacle. Tout comme la danse de Flamenco, la danse du lien peut être regardée mais elle n'est jamais uniquement réalisée pour le spectacle. Elle est effectuée intentionnellement pour des desseins magiques, y compris pour guérir, jeter des charmes ou les chasser.
Moi, Lydia de Damascus, j'offre cette histoire véridique d'un rituel mystérieux qui connecte les transmigrations de l'humanité à la source galactique, le Plérome. C'est un acte de beauté et un portail kinétique vers une perception d'ordre supérieur. Dans ce cas, j'observerai le voeu de ma cellule stipulant que la danse du lien soit restreinte à une transmission strictement orale. Bienvenu aux échanges qui permettront cette transmission dans l'époque et le contexte présentés par la vie.
lydia@metahistory.org
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