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Métahistoire

La Passion de la Terre

Seconde Partie

•> 07. La cache Egyptienne

•> 08. Au Sein des Mystères

•> 09. Ecoles de Co-Evolution

•> 10. La Déesse Déchue

•> 11. Physique du temps de Rêve

•> 12. Le Dieu Dément

•> 13. La Passion de Sophia

•> 14. L'Intercession Christique

•> 15. Le Chemin des Révélateurs

•> 16. Une Gerbe de Blé Coupé

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Chapitre 16

Une Gerbe de Blé Coupé

John Lash

Traduction de Dominique Guillet.

L'orateur Latin Cicéron, qui est réputé avoir été initié à Eleusis, écrivit: “Dans les Mystères, on apprend plus au sujet de la nature que des Dieux” (Sur la Nature des Dieux, 1.42). Ayant placé le mythe de la Sophia Déchue au coeur de leur vision du monde, les initiés Païens se consacraient à la dimension surnaturelle de la nature. Afin de maintenir leur état de communion vivante et réceptive avec la Déesse et afin d'harmoniser leur mental avec les finalités transhumaines de Gaïa, ils se plongaient très souvent dans une immersion profonde et sensorielle avec la nature. La méthode qu'ils utilisaient pour faire l'expérience de l'instruction suprême était conférée par la Déesse elle-même, tel qu'il est écrit dans l'hymne Homérique à Déméter:

“Elle leur enseigna le ministère de ses rites
Et leur révéla ses mystères magnifiques
Qu'il est impossible de transgresser, de sonder et de dévoiler
Car le grand respect des Dieux réprime la voix”.

L'hymne également évoque le sacrement partagé dans les rites de la Déesse: “et dérobant l’orge blanche par la volonté de Déméter aux jolis pieds”.

Le Bas-Relief d'Eleusis

Le chasseur d'hérésies Hippolyte (170-236 EC) rapporta le témoignage d'un épisode saisissant qui a déconcerté les érudits de toutes les époques: au moment où les initiés émergeaient de leur rencontre avec la Lumière des Mystères, le hiérophante, qui conduisait la cérémonie, leur montrait “une gerbe de blé coupé”. Cet acte était considéré comme “le grand et merveilleux mystère de la révélation suprême” (Réfutations de toutes les hérésies 5. 28-31). Les vestiges des ruines d'Eleusis présentent trois gravures qui illustrent l'organisation, la méthodologie et la source surnaturelle de l'illumination Gnostique et qui permettent de comprendre cette allusion ésotérique. La frise de l'architrave du petit propylée d'Eleusis montre la gerbe de blé coupé “l'orge blanc”, la source biologique de l'illumination mystique. Elle montre ensuite une rosette à seize pétales intérieurs et extérieurs et puis la représentation d'une urne dressée ou d'un pilier à anneaux.

La rosette était le symbole de l'organisation des cellules des Mystères constituées de seize adeptes, huit hommes et huit femmes tels qu'ils sont dépeints sur le bol Orphique du serpent ailé et sur le bol de Pietroasa, deux rares artéfacts qui sont des vestiges des rituels des Mystères. Sur le bol Orphique sculpté à partir d'albâtre, de couleur vert-blanc, seize initiés nus, en alternance d'hommes et de femmes, sont allongés sur le dos avec les pieds qui se touchent. Au centre du bol se trouve le serpent ailé de la Kundalini, la source occulte de la super-vitalité, de la régénération et des facultés paranormales.

Huit et le double de huit sont les signatures universelles des cellules de Mystères. Le temple de Dendera présente au sommet de sa façade extérieure une grande rosette à huit pétales tout à côté de la tête d'un taureau. Ce code graphique informe ceux qui peuvent le lire que la cellule des Mystères opérant à partir de ce temple fit remonter son origine à l'Age du Taureau qui commença en 4480 avant EC. Bien que le Temple de Dendera soit une construction tardive de la Période Ptolémaïque (332-30 avant EC) son zodiaque témoigne de la connaissance intime du synchronisme cosmique fondée sur le cycle précessionnel intégral de 25 920 années. Les axes inscrits sur le zodiaque de Dendera désignent des dates spécifiques de l'époque de l'Age du Taureau et même plus tôt, dates qui sont connues pour avoir été corrélées avec des moments-clés de l'histoire dynastique. Les membres de la cellule des Mystères de Dendera - une source possible des Codex de Nag Hammadi, ainsi que nous l'avons suggéré ci-dessus - auraient été pleinement conscients de l'importance de la préservation des connaissances sacrées remontant à des milliers d'années. La méthode télestique reposait sur des initiés possédant une très vaste vue d'ensemble de l'évolution planétaire et humaine afin qu'ils pussent déterminer les leçons appropriées à l'humanité durant chaque Age Zodiacal. Dans le code des Mystères, le huit ou l'Ogdoade indiquait la sphère du zodiaque tout autant que le cercles des adeptes qui lisaient, dans les structures zodiacales, les motifs directeurs de l'évolution Gaïenne.

Dans le rituel de méditation Tibétaine, l'invocation de la Tara Blanche implique la visualisation d'une “roue blanche à huit rayons au centre du chakra du coeur”. La roue émerge d'un déluge de lumière blanche perçue par l'adepte lorsqu'il fusionne avec la représentation de la Bouddha femelle. La divinité spécifique à cette visualisation est appelée Chintachakra Tara, “La Tara à la roue qui exauce les voeux”. Il est probable que la Roue Octuple du Dharma, symbole du Dharma du Bouddha, soit une variante Asiatique de la rosette des Mystères. La fertilisation croisée entre les mouvements Bouddhiste et Gnostique eut lieu dans la région de Gandhara dans l'Hindu Kush qui est la région la plus lointaine de l'Asie intérieure dans laquelle Alexandre le Grand pénétra.

Les pétales intérieurs de la double rosette à Eleusis représentent les initiés qui se consacraient à maintenir et à développer les instructions reçues lors des rencontres récurrentes avec la Lumière des Mystères, tandis que les huit pétales extérieurs représentent les huit initiés qui se dédiaient à l'interprétation, à la traduction et à la transmission extérieure de ces instructions. Les adeptes permutaient de rôle périodiquement, ce qui leur permettait de se concentrer sur différentes tâches. Ils prodiguaient également de nombreux efforts dans le maintien des opérations secrètes (orgia “oeuvres”) de la cellule et dans la continuation des activités extérieures d'apprentissage et d'instruction réalisées par les membres de la cellule. Les rôles changeaient au fil des saisons et reflétaient les techniques d'initiation très antiques d'accompagnement de la société par des rites, centrés sur la déesse, de mort et de régénération. Les temples étaient orientés vers les points cardinaux afin que ces rites pussent être mis en oeuvre in situ.

Avant la construction des temples, tous ces rites se déroulaient dans la pleine nature, dans l'environnement majestueux des cercles mégalithiques, des dolmens et des menhirs, sous les étoiles en mouvement.

Tous les anciens témoignages des Mystères témoignent de la rencontre sublime avec la Lumière Divine. C'est une forme de luminosité qui n'apparaît pas à la conscience ordinaire, en raison des filtres de la perception humaine, dont le filtre égoïque. Le lustre mental du reflet de soi est à l'image de la lumière qui se réverbère sur la vitre d'une fenêtre empêchant de voir au travers. Une fois que l'ego se dissout, les paramètres de la perception sont modifiés et la Lumière apparaît, une présence substantielle dans le monde, douce, blanche et ne générant pas d'ombre. Elle est également sensible, animée et animante, consciente d'elle-même et de qui vient en contact avec elle. Le mystique illuminé dans la Sophia de Jésus Christ fait l'éloge de la beauté de “la Lumière qui brille sans projeter d'ombre, empreinte de joie et d'exubérance indescriptibles” (Codex de Berlin, 115). La Lumière Organique est partout et imprègne toute chose. Elle ne brille pas sur ce qui est vu mais de ce qui est vu, en émettant une luminosité douce et blanche, de la consistance de la guimauve, en laquelle la matière est en état d'apesanteur.

Les initiés rencontraient la Lumière vivante lorsque leur perception était altérée par la mort temporaire de l'ego induite par l'ingestion du breuvage sacré, le kykeon. Une fois dans sa présence, ils étaient instruits par la Lumière elle-même. Une des leçons les plus importantes émanant de cette expérience concernait la nature de la perception. Nous présupposons, normalement, que notre perception de l'univers émane de nous, les observateurs. Ce point semble tellement évident qu'il est à peine besoin d'en débattre ou de le valider. Mais, cependant, ce que les anciens initiés des Mystères apprenaient au sujet de leur perception du monde était aux antipodes de cette supposition.

Un Mental Différent

L'urne cylindrique ornant le bas-relief du fronton d'Eleusis représente le courant de la Lumière Organique conçu comme une transmission massive qui se forme en colonnes rondes et érigées. Le telesterion, ou sanctuaire intérieur, dans lequel les initiés rencontraient la Lumière, était composé de nombreuses colonnes. Les mystes, dans un état altéré de conscience, se déplaçaient parmi elles comme s'ils dansaient dans un lent Niagara de marbre en fusion. Au coeur des chutes immobiles siégeait le calme immaculé, aussi profond et dense que le puits sans fond du tonnerre qui roule, le son du silence, AUM. Lorsque les adeptes se concentraient sur certains signaux et certaines signatures, le silence roulant éclatait en un silence sonnant d'une orchestration riche de tonalités. Pratiquant la clairaudience, les telestai écoutaient avec une oreille aiguisée et étaient capable de suivre la cadence de tonalités spécifiques comme s'ils remontaient à la source d'une veine de métal précieux. Le bas-relief du fronton représente à la fois une urne (le son creux du silence roulant) et un cylindre poli agrémenté d'anneaux (cadences élevées du silence sonnant). Les jaillissements massifs de la Lumière Organique étaient des courants de sons tout autant que des vagues visibles de luminosité pale et lustrée.

Certains textes des Mystères des Codex de Nag Hammadi comparent la Lumière Blanche à une fontaine débordant d'un doux jaillissement de torrents massifs. Dans le Discours sur le Huitième et le Neuvième, l'initié s'exclame:

“Je suis un Intellect mais, cependant, je perçois un autre Intellect, celui qui anime mon âme. Je vois celui qui me pousse à l'oubli total de moi-même... J'ai trouvé l'origine de la puissance qui est au-dessus de toutes les puissances, celle qui n'a pas de commencement. Je vois une fontaine qui déborde de vie” (58).

Ceux qui peuvent maintenir leur attention sur la Lumière Organique pénètrent dans “l'assemblée du Huitième”, un terme codé des Mystères pour indiquer les membres de la cellule réceptrice (pétales intérieurs). L'Apocryphe de Jean et la Sophia de Jésus Christ décrivent aussi des torrents d'illumination mystique. Cette transmission de la Lumière des Mystères était illustrée par le pilier stylisé sur le fronton d'Eleusis. La Lumière Organique sans ombres est blanche et visible, elle se manifeste partout bien qu'elle ne puisse pas s'observer en tout lieu en un seul regard englobant car elle submerge littéralement la capacité humaine de vision.

Afin de protéger le caractère sacro-saint des Mystères, les telestai mirent en place des lignes de conduite précises pour l'initiation. Ils réalisèrent que la porosité douce et sans masse de la Lumière Organique ne peut pas être détectée dans un état de conscience ordinaire et égoïque. Ils comprirent, cependant, également l'inclination de l'ego à se détourner de la dissolution ainsi que sa tendance tenace à se réaffirmer sans cesse. La plus grande partie du temps consacré au processus d'initiation impliquait des conseils et une instruction préliminaires dont la finalité était d'amener le postulant à un niveau de transparence impersonnelle tel que lorsque l'ego était dissous, ses tendances coriaces à la réification seraient minimales. Bien avant le moment de leur initiation, les participants auraient déjà accompli une réduction extraordinaire de la fixation de l'ego. La préparation préliminaire pouvait prendre jusqu'à 21 années, tandis que le processus réel d'initiation pouvait être réalisée en l'espace de quelques jours.

Les anciens rites célébrés à Eleusis, et ailleurs, requéraient un sacrement pour dissoudre l'ego et pour induire un état de perception non-ordinaire: la potion concoctée à partir de l'orge blanche. Cette pratique explique la présence de la troisième image sur le fronton d'Eleusis: la gerbe de blé coupé. La vision sacramentelle de la nature doit être induite par le sacrement donné par la nature parce que l'abandon de l'ego requis ne peut être réalisé de façon volontaire, ainsi que pour d'autres raisons. Les telestai utilisaient un breuvage de plantes psychoactives pour affaiblir et ôter les filtres cognitifs qui bloquent la perception directe de la Lumière Organique. Ce faisant, ils suivaient la sagesse antique des peuples indigènes de toute la planète. Andy Fisher observe dans Radical Ecopsychology:

“Notre vie parmi les autres est 'un échange spirituel constant' par lequel les pouvoirs signifiants de la nature sont transmis par diverses sortes de prises de contacts. Ainsi, une personne peut acquérir les pouvoirs d'une plante ou d'un animal en en mangeant... Selon une croyance Amérindienne commune, 'notre humanité reste incomplète et déséquilibrée' tant que nous n'avons pas reçu un tel pouvoir des entités non humaines”.

Les initiés des Mystères découvrirent que la Déesse requiert de ceux auxquels elle se révèle, l'humilité de concéder qu'ils ne peuvent pas pleinement appréhender ce que cela signifie d'être humain sans l'accompagnement inspiré des êtres non-humains, incluant les plantes.

Très concernés par les effets collatéraux schizophréniques et les jeux de contrôle égocentriques caractéristiques des Illuminatis et de leurs sujets, les telestai des Mystères Païens se reposaient sur le monde des plantes pour la guidance lors des processus d'initiation. Par opposition, le programme des Illuminati interdisait l'expérimentation avec les fleurs, les champignons et autres êtres végétaux naturels et psychoactifs. Dans la narration biblique, Yahvé (le souverain des Archontes ou le Démiurge) interdit à Adam et à Eve de consommer de l'Arbre de Connaissance mais le mythe Gnostique inverse le scénario: il fait du Serpent un allié et du fruit défendu la source de l'illumination. La finalité du tabou patriarcal est de dénier l'expérience religieuse originelle qui s'épanouit chez les êtres humains grâce à la communion avec la nature par l'intermédiaire de plantes-instructrices sacrées. Selon la thèse proposée par G. Gordon Wasson, l'ingestion rituelle de plantes sacrées était non seulement au coeur des pratiques shamaniques, lorsque l'on remonte aux époques Paléolithiques, mais c'est en fait la source de toute expérience religieuse authentique pour l'espèce humaine.


Les initiés à Eleusis ingéraient une potion enthéogénique, le kykeon, afin de susciter une réceptivité, dégagée des filtres de l'ego, à la communication interspécifique. Dans les anciens Mystères, tout comme dans les rites de psychopharmacologie shamanique tout autour de la planète, les plantes sacrées jouaient le rôle d'intermédiaire entre le témoin humain et la Lumière Organique, le corps de substance primordiale de Sophia. La conscience qui anime le monde non-humain des plantes maintient l'humanité dans l'humilité et nous encourage à observer et à préserver la frontière appropriée entre la nature et la culture.

La Perception de Gaïa

“Les implications perceptuelles de Gaïa”, un article de David Abram écrit pour la revue The Ecologist (1985), est un exposé exceptionnel de la théorie de Gaïa en termes de science cognitive et de noétiques. Bien qu'il ne fasse aucune allusion aux Mystères, cet essai lucide évoque le secret ultime de l'initiation. Abram affirme que la perception est “un phénomène réciproque organisé tout autant par le monde environnant que par soi-même”. Il suggère une dynamique à deux voies de la perception, en contraste avec le processus unidirectionnel du processus de perception qui n'influence pas l'observateur mais qui présente tout simplement un monde à l'observation. Abram, qui écrivait une bonne décade avant l'émergence de l'écopsychologie, dit que “la psyché est une faculté de l'écosystème en tant qu'ensemble” et conseille implicitement que nous allions au-delà de “la conviction selon laquelle notre mental est tout autre chose que le corps lui-même.”

Les trois points d'Abram sont intimement corrélés à l'instruction par la Lumière, l'expérience d'initiation suprême qui culmina à Eleusis avec ce geste mystérieux du hiérophante. La signification de la gerbe de blé coupé, sur le fronton d'Eleusis, est plus clairement perçue dans un bas-relief gravé de Cécrops à la queue de serpent, le gardien du sanctuaire d'Eleusis. Cécrops tient la gerbe sur sa poitrine et fait un geste de ses doigts sur les lèvres.

Hippolyte, qui ne fut pas initié, rapporta que le hiérophante montrait aux initiés une “gerbe de blé moissonné en silence”. Ce geste révélait “le secret profond, merveilleux et le plus parfait pour celui qui était initié aux vérités mystiques les plus élevées” (Réfutations de toutes les hérésies. 5. 3). Ce secret, qui ne pouvait être transmis directement que par la Lumière Divine, révèle comment notre perception du monde est donnée de l'extérieur mais cependant donnée de telle façon que nous ayons la possibilité d'en faire l'expérience comme si elle procédait de l'intérieur de nous-mêmes.

Les initiés qui contemplaient le geste du hiérophante avaient été soigneusement préparés pour accomplir plusieurs choses en même temps. La tige de blé contenant en son panicule la semence pour se reproduire reflétait leur expérience lorsqu'ils en ressentaient l'effet biochimique. Se tenant en groupe, ils prenaient conscience que leur mental était maintenant fertilisé par les semences de sagesse à transmettre aux générations futures. Le grain dans le panicule de blé posséde le pouvoir de se reproduire mais aussi, en raison du champignon d'ergot, un pouvoir de révélation. Les mystai concevaient les deux pouvoirs, biologique et mystique, comme une unité. Ils participaient, physiquement et mentalement, à un niveau supérieur de génération, la transmission épigénétique de la sagesse initiée.

La gerbe de blé coupé révélait aux mystai la nature réelle de leur activité cognitive: le mental humain est en dehors de la nature, coupé de son enracinement, de sa source naturelle. Le mental semble être indépendant, comme si notre perception du monde procédait de nous-mêmes. La leçon du geste final du hiérophante était amplifiée par le spectacle des champs tout autour d'Eleusis, pleins de grain ondoyant aux premières lueurs du jour lorsque les initiés émergeaient du sanctuaire. (Les Grands Mystères étaient célébrés à l'automne, juste avant les récoltes). Ils voyaient la gerbe de blé coupé dans la main du hiérophante et tout autour, les champs ondulants de blé mûr jaillissant de la terre. C'est à ce moment que se révélait la faculté d'illumination fondamentale, ce qu'ils avaient appris à connaître au travers de l'instruction par la Lumière: de même que le blé nous est donné par Déméter, il en est ainsi de notre cognition du monde naturel, l'endroit où il croît. Au moment où les initiés émergeaient de leur état d'absorption dans la Lumière Organique, la révélation qui leur était donnée intentionnellement était la certitude que notre cognition du monde extérieur nous est donnée de l'extérieur de par le pouvoir de la déesse de la terre, Gaïa, plutôt qu'intérieurement comme nous avons l'habitude de le croire.

Maintenant qu'ils possédaient Son Mental, ils pouvaient découvrir la source de l'enracinement de leur cognition.

La certitude que notre processus cérébral de perception du monde nous est donné de l'extérieur, et soutenu à tout moment par le champ environnant de la biosphère, est une expérience sublime et extatique: la signature de la conscience initiée. Cette certitude informe l'essai de signature d'Abram sur les implications perceptuelles de Gaïa. Le fait que la perception soit “un phénomène réciproque organisé tout autant par le monde environnant que par soi-même” était une connaissance acquise directement au cours de l'initiation. Les mystai prirent conscience que la perception est réciproque, il est vrai, mais plutôt dans le sens d'une réciprocité par laquelle je donne une partie de ma fortune à quelqu'un qui n'a rien et nous la dépensons libéralement ensemble. Ils découvrirent que le champ cognitif intégral des êtres humains, et de toute la biosphère, est organisé et soutenu par le monde extérieur, une projection de l'intelligence vivante de la planète - dans les mots d'Abram “une propriété de l'écosystème en tant qu'ensemble”.

Lorsqu'ils recevaient Son Mental, les mystai devenaient des instruments de la Nature tout autant dépourvus d'ego que les blés dorés ondulant dans les champs autour d'eux. Pour eux “la conviction selon laquelle le mental n'est rien d'autre que le corps lui-même” n'aurait pas même été une conviction mais une réalité vivante, directe et irréfutable. La Gnose est une illumination de tout le corps physique et, qui plus est, psychosomatique. Vous ne percevez pas la Lumière Organique dans votre mental ou dans votre tête ou même dans votre coeur: vous la rencontrez avec tout votre corps, en position érigée. Les voyants des Mystères contemplaient la Lumière Organique en se tenant devant elle sans hallucinations ou distractions introspectives. Ce faisant, ils recevaient une transmission d'intelligence Gaïenne, un flux direct procédant de l'Esprit Planétaire.

La perception de Gaïa, telle que la pratiquaient les initiés, était également un acte d'amour parce que la prise de conscience que notre mental n'est pas le nôtre inspire une immense affection pour l'Autre. L'humanité ne peut pas survivre sans observer le lien interspécifique. Ce qui nous rend humains, c'est d'aimer tout ce qui n'est pas humain, les animaux et les plantes, les insectes, l'atmosphère. L'amour pour Gaïa est la vocation la pus élevée de l'humanité. C'est également le chemin de l'illumination qui peut nous conduire à la co-évolution de la manière la plus directe, la plus harmonieuse et la plus sûre.

Lorsque les initiés émergeaient de la chambre intérieure d'Eleusis dans la lumière claire de l'automne et lorsqu'ils contemplaient les blés dorés de la plaine Rharienne et, sur les collines environnantes, la silhouette effilée des peupliers et des cyprès, ils percevaient la nature grâce à la faculté de perception donnée par la nature, une faculté sacrée et inviolable.