Une Hérésie Enluminée

Images du Psautier de Paris Eadwine

John Lash

Traduction de Dominique Guillet.

Un récent voyage à Paris pour notre rencontre annuelle, avec nos généreux sponsors de l'Institut Marion, m'a donné la chance de visiter la Bibliothèque Nationale de Paris et d'acquérir des reproductions en couleur du Psautier de Paris Eadwine. A l'exception de deux illustrations, ce matériau est présenté en exclusivité sur le site de Metahistory.org. Je vous invite à le découvrir et à le contempler!

L'image ci-dessous provient du même folio mais avec une perspective plus élargie et avec des nuances de couleurs ajustées à ce qu'elles apparaissent sur le microfilm - à savoir relativement ternes. Je n'ai jamais encore manipulé ou vu le manuscrit originel et je ne sais pas si les couleurs correspondent à celles de l'autre version, qui ont été magnifiquement conservées, ou bien si cela provient d'un effet avec photoshop.

Les érudits considèrent le Sermon sur la Montagne comme une illustration de Psaume 2, avec peut-être une allusion au verset 6 “Voici que j'ai sacré mon roi sur la montagne sacrée de Sion”. Dans la littérature très rare que j'ai pu trouver concernant le Psautier de Paris Eadwine, il est stipulé que les images très colorées du Manuscrit sont textuellement corrélées aux livres de l'Ancien Testament qui décrivent des événements anciens de l'histoire ecclésiastique de l'humanité, principalement la Genèse et les Psaumes.

Il y a eu, récemment, beaucoup de communications concernant les enthéogènes de l'Ancien Testament, qui suggèrent que Moïse “planait” sur le Mont Sinaï selon des modes qui n'avaient pas été pris en considération jusqu'alors. Il semble que Benny Shannon ait lancé le sujet qui implique une variante du culte ecclésiastique des champignons proposé par Carl Ruck, un dérivé de la thèse d'Allegro (Le Champignon Sacré et la Croix), elle même un dérivé de la thèse de Wasson. L'article par Shannon “Biblical Entheogens”, récemment publié en mars 2008, ne va pas tarder à déclencher d'amples controverses, sans mentionner des protestations véhémentes émanant de l'Eglise Catholique et autres défenseurs de la bonne vieille foi d'antan à la sauce rédemptrice. Paul Krassner vient de se jeter dans la mêlée et il sera sûrement très rapidement suivi de bien d'autres.

Je me demande bien comment les révélations concernant le Psautier de Paris Eadwine vont influer sur ce débat. Comme ce manuscrit ne montre pas d'amanites, la première possibilité est que ces révélations consolident la tendance prévalente (dérivée d'Allegro et ensuite adoptée par Ruck et d'autres) d'identifier l'amanite tue-mouches comme le sacrement enthéogénique de choix dans le parc à moutons Chrétiens. La seconde possibilité est qu'une analyse précise du MS 8846 puisse suggérer la survivance de pratiques rituelles non-Chrétiennes en Europe, des reliquats tardifs des Mystères. Dans ce cas, il nous faudra prendre en considération comment les révélations des cultes des Mystères offertes par les champignons magiques différaient des états visionnaires expérimentés par l'élite ecclésiastique qui, selon Ruck, conserva le secret pour elle-même. J'ai des suggestions à ce sujet que je proposerai lorsque j'évoquerai “l'expérimentation du vendredi saint” (NDT, une expérimentation avec LSD réalisée par un groupe de religieux) dans mon essai sur la seconde génération de l'Aventure Psychonautique.

De façon caractéristique, le Manuscrit présente des champignons dépeints botaniquement de différentes espèces ou de genres différents en même temps qu'une version stylisée, le bourgeon d'omphalos, comme je l'appelle. En dessous du Sauveur se trouvent deux illustrations botaniques, une blanche à gauche et une brune à droite. Le champignon brun fructifie du même stipe qu'un bourgeon d'omphalos bleu. En haut à droite, sous le doigt angélique, deux spécimens botaniques avec leurs chapeaux qui se désagrègent fructifient du même stipe qu'un bourgeon d'omphalos bleu. Juste à gauche, un bourgeon d'omphalos de couleur ocre partage le même stipe avec un champignon brun. Les artistes visionnaires, qui conçurent et suivirent l'élaboration du psautier, souhaitèrent-ils mettre en exergue que les deux sortes de champignons, qui sont littéralement représentées et stylisées, émanent de la même source? Elles fructifient toutes les deux du corps du mycélium. Les propriétés cyanescentes du genre Psilocybe, indicatrices de tryptamines, sont continuellement mises en valeur par la couleur distinctement bleue des stipes des organes de fructification. Les spécimens représentés botaniquement révèlent la même couleur dans d'autres parties du manuscrit.

Lorsque l'image est grossie, (voir ci-contre), la montagne de champignons dévoile des détails intrigants. Les boutons d'omphalos sont représentés de trois manières différentes (de gauche à droite): un ensemble de nodules en forme de bouche (rappelant la Dionée attrape-mouche), des mini-champignons blancs en treillis et des triangles obliques en forme arborée. Le chapeau du mini-champignon est juxtaposé, de façon frappante, au globe planétaire à l'extrémité de la longue croix inversée tenue par le Sauveur. Dans la symbolique Chrétienne, la fusion de la croix et du globe signifie le règne de la religion dominatrice sur toute la planète. Dans ce cas, de par la croix étant pointée vers le bas, le message est peut-être différent. Le bâton ecclésiastique touche, ou se mélange presque, avec la grappe de mini-champignons - comme pour dire “le vrai pouvoir de ce monde émane d'ici”.

Les deux champignons du bas sont clairement représentés comme des spécimens botaniques bien que celui de droite puisse intégrer une autre imagerie végétale. Sinon, la montagne de champignons est constituée de boucles sombres regroupées, avec une sorte de plantes à fleurs blanches qui en émergent. Ces plantes délicates possèdent des boutons floraux de couleur ocre ou des fleurs en forme de flamme dans leur partie supérieure. Quelles sont-elles botaniquement? Je ne pourrais pas dire. Cependant, d'un point de vue psychonautique, ces boucles ressemblent à une image que je retrouve souvent lors de mes transes visionnaires: des conduits souples qui s'enfoncent perpétuellement dans l'hyperespace. J'estime que ces conduits sont des micro-canaux tubulaires dans le corps atmosphérique de Gaïa. Paracelse les appelait des iliastri, des fils de “matière d'étoile”. Microcosmiquement, ils sont intimement associés avec l'ADN qui est structurellement organisé en microtubules. Les plantes non identifiées possèdent trois tiges, ce qui suggère les trois bases de l'ADN. Se pourrait-il que les feuilles sur les plantes constituent une façon de représenter les lettres dans le code génétique?

John Lash. Avril 2008

Traduction de Dominique Guillet