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Une Initiative Communautaire
pour une Bonne Alimentation
Hannes Lorenzen
En novembre de l'année passé, la Commission européenne a rendu deux décisions publiques: l’abrogation de la disposition selon laquelle seuls les concombres de catégorie «Extra» étaient autorisés sur le marché et la distribution de fruits et légumes dans les écoles européennes. Le concombre courbe a fait les gros titres. Il a été célébré comme le vainqueur sur la frénésie bruxelloise de réglementer. Pourtant, cela ne changera probablement presque rien. En effet, pour des raisons techniques liées au transport, le marché exige toujours les mêmes normes.
En revanche, le programme en faveur de la consommation de fruits à l’école est passé presque inaperçu. À partir de la mi-2009, l’UE souhaite inciter les écoles à proposer davantage de fruits et légumes dans leur cantine et à lutter ainsi contre l’obésité des enfants, de plus en plus répandue. Le surpoids concerne de nos jours bien plus de la moitié de la population adulte et près de 30 millions d’enfants. Chaque année, les maladies cardio- vasculaires et les cancers coûtent environ 200 milliards d’euros au système de santé. Même si les quelque 90 millions d’euros destinés chaque année à l’achat de fruits bon marché sont une goutte d’eau dans la mer, cette initiative va dans la bonne direction.
Le problème provient du financement. Désormais, le prix des aliments plus sains baisse et celui des moins bons n’augmentera pas. Si la «malbouffe» entraîne des maladies, elle devrait être plus chère, car elle impose aux citoyens et à la société des coûts inutiles. Jusqu’à présent, la politique agricole européenne a diminué le prix du sucre et des graisses animales grâce à des subventions. Cela a surtout fait grossir les Européens les plus pauvres. Les personnes qui ne peuvent se permettre que des produits alimentaires transformés industriellement et bon marché absorbent beaucoup de sucres et de graisses. À quoi s’ajoutent des masses d’additifs et de conservateurs. La liste des ingrédients contenus dans les denrées alimentaires transformées industriellement ressemble souvent à une notice de médicaments.
Toutefois, si la nourriture n’est pas bonne pour la santé, ce n’est pas systématiquement dû qu’à l’offre des discounteurs, mais également aux habitudes alimentaires et d’achat. Ceux qui se laissent attirer par les offres spéciales achètent des produits au rabais ou en grande quantité. Cela devient rapidement trop. Friends of the Earth Europe a monté que les consommateurs qui réfléchissent avant de faire les courses à ce qu’ils veulent manger achètent jusqu’à 20 % moins. L’avantage est que cela devient moins mauvais par la suite à la maison.
Même le grignotage, c’est-à-dire le fait de manger entre les repas à un kiosque, devant le réfrigérateur ou encore devant la télévision, phénomène très répandu aux États-Unis et de plus en plus en Europe, donne des ulcères aux nutritionnistes. Acheter et manger ne sont souvent plus des décisions conscientes, mais des habitudes. Cependant, sur le long terme, les régimes et les systèmes sophistiqués d’étiquetage sur les quantités potentielles de graisses et d’agents pathogènes ne sont d’aucun secours. Souvent, les produits de substitution aux graisses et aux sucres sont même plus problématiques pour la santé.
Dans son livre «The Omnivore’ Dilemma» (Le dilemme de l’omnivore), l’auteur à succès américain Michael Pollan a résumé la décision d’une meilleure alimentation en une formule pratique: 1. Manger des aliments. 2. Ne pas manger trop. 3. Manger beaucoup de végétaux. Par aliments, il entend des produits qui ne sont pas composés de plus d’une poignée d’ingrédients différents et que notre grand-mère reconnaîtrait encore comme un aliment. Ne pas trop manger signifie pour lui manger généralement moins que ce l’on pense devoir manger. Les végétaux doivent constituer si possible plus de la moitié de la nourriture journalière.
Pollan est remonté à l’origine de différents repas et habitudes alimentaires, qui ont des conséquences sur le chemin entre le champ et l’assiette, c’est-à-dire sur les sols, les nappes phréatiques, la protection des animaux, le transport, la transformation, la consommation d’énergie et la santé. Il révèle des faits choquants et étonnants. Choquante, sa conclusion selon laquelle notre système alimentaire va s’effondrer, car il détruit nos ressources. Mais, et c’est là le fait étonnant, il serait tout à fait possible d’y remédier rapidement.
Il existe aux États-Unis, mais aussi en Europe, une série d’initiatives et de mouvements qui travaillent à un nouveau système d’alimentation durable. Parmi ceux-ci figure le mouvement slow food, qui a recréé des liens entre la manière de cultiver les végétaux et d’élever les animaux, la manière de transformer et de préparer les aliments et le rapport entre la conservation de la biodiversité dans les fermes et la variété de nos goûts alimentaires. La découverte de l’importance d’une bonne nourriture ayant du goût naît dans des groupes de bons vivants (convives) et à l’école, et des dégustations publiques font revivre les raffinements de la table.
Les nouvelles coopératives et nouveaux réseaux d’agriculteurs, comme EUROCOOP, COFAMI et AMAP en Europe, qui transforment leurs produits en commun et les vendent directement aux consommateurs, ont créé des solutions alternatives à la puissance de marché des chaînes de distribution. L’intérêt pour les jardins urbains ou proches des villes afin d’avoir des légumes frais a fortement augmenté dans de nombreuses régions d’Europe, notamment en Angleterre où le prix des aliments est particulièrement élevé. De même, des grandes villes comme Copenhague et Amsterdam travaillent également à de nouveaux systèmes de ravitaillement direct à partir de leurs environs proches.
En octobre 2008, la Commission européenne a publié un Livre vert sur la cohésion territoriale dans l’Union européenne. Toutes les villes et communes rurales ainsi que tous les groupes d’intérêt y sont invités à présenter leurs propositions pour améliorer l’intégration de la politique commune de développement structurel, rural et régional. Dans le contexte du changement climatique et de la protection de la biodiversité, de la nécessité de réduire les frais de transport et de réaliser des économies d’énergie drastiques, l’ouverture d’un vaste débat sur l’organisation future des relations entre ville et campagne est l’occasion de réfléchir à une nouvelle initiative communautaire centrée sur une alimentation saine et une culture alimentaire durable.
Il a quelques années, l’UE a abandonné l’instrument des initiatives communautaires. C’était une erreur. Ces initiatives donnaient la possibilité d’organiser l’Europe à partir de la base et d’établir des liens directs avec les institutions européennes, perçues comme lointaines. C’est plus que jamais nécessaire.
Janvier 2009
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