RechercAccueil - Contact
Chercher sur Liberterre
GaiaSophia Agriculture
Métahistoire Enthéogènes

Metahistoire

Lotus d'Emeraude et Cygne Noir

•> Le Tantra de la Tendresse

•> Amour Sacré, Lumière Sacrée

•> Foi Incarnée

•> La Kundalini et la Force Extraterrestre

•> La Connexion Madeleine 01. L'Histoire Alternative

•> La Connexion Madeleine 02. Le Prélude

•> La Connexion Madeleine 03. Le Mythe du Choix

•> La Vengeresse Gnostique

•> Celle qui Oint

ActualiTerres ReporTerres
LiberTerres Gaïagnostic
LivreTerres Boutique


La Connexion Madeleine

03. Le Mythe du Choix: une Histoire d’Amour

John Lash

Télécharger l'essai avec les illustrations.

Traduction par Dominique Guillet

Le Christianisme est une religion embrassée par des millions mais rarement choisie par quiconque. Il semble qu'il ait échappé à beaucoup que le terme “hérésie” procède du verbe Grec haireisthai qui signifie “être capable de choisir”. Lorsqu'il s'agit de croyances, l'être humain ne fonctionne généralement pas en termes de consentement informé. Très peu d'individus, dans ce monde, ont l'opportunité soit de s'informer quant aux croyances qui leur sont imposées, soit d'envisager des alternatives à ces croyances. (Il se peut également qu'ils n'aient ni l'intelligence ni le désir de s'engager dans de telles considérations mais c'est un autre problème). Cela n'est pas recevable dans de nombreux domaines de la vie quotidienne mais c'est parfaitement acceptable en ce qui concerne les problématiques religieuses et spirituelles. A notre époque moderne, il est plus essentiel d'avoir la capacité de choisir entre huit papiers hygiéniques que de choisir ses croyances relativement à Dieu, à l'amour et à l'immortalité.

Le Message de Marie-Madeleine

Les Hérétiques sont par définition capables de choisir. Que choisit donc Madeleine? En tant qu'hérétique, elle n'aurait pas choisi d'être la porte-parole des enseignements de Jésus tels qu'ils sont conventionnellement appréhendés car les Gnostiques s'opposaient à ces enseignements sur la base du fait que leur éthique était corrompue et que leur idéologie était perverse. Les Chrétiens présentent Jésus comme un idéal surhumain, le modèle suprême de la morale humaine mais les Gnostiques affirmaient que la croyance en un sauveur surhumain ruine notre sens de l'humanité. Ils mirent en garde contre le fait que les rituels et les règles ne nous rendent pas spirituels. Ils affirmèrent, avec force, que cette foi dans le nom d'un homme mort (c'est à dire la fausse doctrine de la résurrection) allait conduire le monde entier à succomber sous des influences perverses. (Pour les arguments Gnostiques sur ces points, voir mes commentaires sur le Second Traité du Grand Seth et d'autres textes des Codex de Nag Hammadi). Un érudit, K. W. Troger, souligne qu'au moins un tiers des textes des Codex de Nag Hammadi sont farouchement anti-Chrétiens. J'estime, quant à moi, que ce sont une bonne moitié, sinon plus, qui le sont.



Le passage du thème de la crucifixion à la passion des âmes-soeurs devient visuellement explicite dans l'art Symboliste. L'Amour de l'Ame de Jean Delville (1900) pourrait être ravalé au rang de kitsch mystique mais il illustre une image archétypique qui vit éternellement dans la psyché humaine. Lorsque Madeleine est dépeinte sur la croix avec Jésus, cette image est restaurée et la croix, le symbole opérationnel de l'archétype de la victime, perd de sa puissance.

Des érudits, tels que Karen King, affirment que Madeleine épousa les enseignements de Jésus mais une telle affirmation n'est rendue possible que par une sélection intentionnelle de certains textes Gnostiques. Les textes de Nag Hammadi sont déconcertants parce qu'ils présentent certains aspects du Jésus orthodoxe et d'autres aspects du Jésus hérétique qui, alors qu'il est pendu sur la croix, regarde dédaigneusement les foules et se moque de leur manque de perception car il sait qu'elles sont nées aveugles. (CNH VII, 3:83). Ce Jésus est un maître Gnostique qui ridiculise les patriarches Bibliques car ce sont des clowns dupés par les Archontes. (Selon les Gnostiques, les Archontes sont des entités extra-terrestres qui perturbent le mental humain par intrusion télépathique). Plutôt que de cautionner le scénario conventionnel de histoire, le maître Gnostique le condamne en répudiant les autres personnages: “D'Adam à Moïse, et Jean-Baptiste, nul ne m'a connu, ni mes frères de la lumière” (VII, 2.62). Il condamne ceux qui se nomment eux-mêmes des évêques et des diacres, comme s'ils avaient reçu leur autorité de Dieu comme des canaux secs (ibidem, 79:20-5). Plutôt que de plaider son propre cas en tant que médiateur entre l'humanité et le dieu paternel, il met en garde: “Peut-être pensez-vous que le Père aime l'humanité ou qu'il peut être amadoué par la prière ou qu'il accorde son pardon à l'un par l'entremise d'un autre ou qu'il s'inquiète de quelqu'un qui demande. C'est par de telles croyances que l'âme se suicide” (CNH, I, 2:11-12). Au travers de nombreux passages, la critique Gnostique contre les doctrines Chrétiennes est vigoureuse et impitoyable. Après 1600 ans, elle n'a rien perdu de son mordant.

Il peut sembler étrange d'imaginer Madeleine épousant des conceptions anti-Chrétiennes mais c'est le changement de scénario qui émerge au second niveau d'impact, ainsi que nous l'avons vu. Au vu de l'arrière-scène, l'environnement Païen de la vie de Jésus, les personnages acquièrent une autre dimension. Au troisième niveau d'impact, la métamorphose des principaux antagonistes devient encore plus marquée. Si on les imagine comme un couple d'instructeurs spirituels qui tentent de convier un message Gnostique aux masses durant ce passage tumultueux vers l'Age des Poissons, Jésus et Madeleine commencent à se métamorphoser devant nos yeux. Quelque chose de totalement inattendu émerge maintenant. Leurs rôles n'étant plus limités aux épisodes familiers des histoires des Evangiles, ils deviennent cernables en termes d'un autre mythe, un mythe qui véhicule un message entièrement différent de la “bonne nouvelle” du Nouveau Testament.

Quel est le message que l'on pourrait attribuer à Madeleine une fois qu'elle est libérée du scénario conventionnel? Parmi ceux qui écrivent sur Madeleine de nos jours, même les plus audacieux ont à peine commencé à explorer cette question. Dans son ouvrage Mary Magdalene: Christianity's Hidden Goddess, Lynn Picknett souligne: “Bien qu'il soit généralement assumé que le message de Madeleine était indiscernable de celui du Nouveau Testament, il existe, comme nous le verrons, de bonnes raisons de croire qu'il n'en était pas ainsi” (page 95). Malgré l'anticipation qu'elle suscite, Picknett ne présente pas même un bref aperçu de ce que le message de Madeleine pourrait avoir été. Typiquement, Picknett énonce la kyrielle habituelle de pistes incluant les Cathares, les Templiers, l'énigme de Jean Baptiste, les Mandéens, le Prieuré de Sion avant de dévier vers le sujet chaud, la sexualité sacrée dans la religion Païenne.

On reste avec la supposition que Marie Madeleine enseignait les rites du sexe sacramental, quoi que cela puisse signifier.

Le Mental de l'Amour

Tous les érudits s'accordent sur l'orientation sexuelle de la spiritualité Gnostique mais le message concomitant, à savoir la finalité et l'éthos du sexe sacramental, si vous préférez, reste encore à clarifier. Il est tentant d'identifier les rites Gnostiques de culte du serpent avec le yoga de la Kundalini et d'imaginer Jésus et Madeleine comme des amants Tantriques adeptes des pratiques du mysticisme sexuel connu en Asie depuis des millénaires. De tels parallèles sont bénéfiques et ils peuvent être validés par des évidences écrites mais à moins que nous n'assumions que Madeleine n'avait rien à dire qui ne soit déjà connu des écoles Asiatiques d'érotisme mystique, on se demande bien si elle avait quelque chose à dire.

Cependant, quelque chose d'irrésistible est en train de faire éruption au troisième niveau d'impact: si Jésus et Madeleine peuvent être imaginés comme des instructeurs Gnostiques, qui formaient également un couple pratiquant le sexe sacramental, les origines du Christianisme deviennent alors érotisées. Nous sommes alors confrontés à la possibilité qu'une mystique Païenne de l'amour soit en compétition avec l'idéal Chrétien de l'amour et qu'il pourrait même le supplanter. Quelles sont les implications de cette perspective audacieuse?

La Madeleine Païenne ne peut pas être entièrement définie par ce à quoi elle s'opposait, à savoir par des éléments anti-Chrétiens émanant du corpus Gnostique. Les textes Coptes qui ont survécu, complémentés par d'autres écrits, présentent une pléthore de certitudes quant à ce que les Gnostiques pensaient, au-delà de ce qu'ils pensaient du Christianisme. S'ils affirmaient que l'idéal de l'homme-dieu nous déshumanise, ils ne s'arrêtaient pas là car ils possédaient des bases solides pour rejeter la croyance en un modèle surhumain d'humanité. Ils avaient une alternative. Ils enseignaient qu'il existe en nous la semence d'une capacité divine, une potentialité qu'il faille éveiller, comparable au Bodhi, la semence de la Nature de Bouddha. Mais si la croyance dans le modèle surhumain n'est pas la voie d'accomplissement de ce potentiel divin, quelle est cette voie?

Les Gnostiques proposèrent que les humains sont dotés de noos, la semence de l'intelligence divine dont le Plérome, à savoir les divinités du coeur galactique, a fait le don à l'humanité. Nous accomplissons la divinité qui demeure en nous en cultivant cette intelligence innée et en lui permettant de s'épanouir en gnosis, la connaissance intuitive du coeur. La Gnose engendre “le mental de l'amour”, ainsi que Thich Nhat Hanh l'appelle: “Lorsque nous prenons conscience de la dotation, les semences de la compréhension et de l'amour qui sont enfouies en nous, nous devenons emplis de bodhicitta, le mental de l'illumination, le mental de l'amour” (Cultivating the Mind of Love, page 3). L'amour ainsi réalisé est une connaissance supérieure qui s'épanouit du coeur humain dans deux directions, vers Gaïa (incluant toutes les espèces non-humaines) et vers les autres de notre race, nos compagnons humains.

Ainsi deux mythes sont impliqués dans l'expérience de l'amour en tant que force cognitive, la semence de l'illumination. L'un est le mythe de la co-évolution de l'humanité avec Gaïa, préfiguré dans le scénario Gnostique de la Déesse Déchue. Ce mythe a été élaboré dans la culture Européenne au travers du Mythos de la Quête du Graal. (Le Mythos de Gaïa sur ce site est une reconstruction et une extension du scénario de la Déesse Déchue).

L'autre est mythe des Amants, qui a été élaboré dans la culture Européenne au travers du Culte de l'Amour, historiquement défini dans le sud de la France au 12 ème siècle. Ces deux mythes sont intentionnels dans le sens où nous ne pouvons les accomplir qu'en y participant, en les explorant et en les incarnant de façon délibérée, plutôt qu'en étant simplement les vecteurs inconscients des forces émotionnelles et imaginales qui les imprègnent. Les mythes sont de puissants alliés pour la vie mais ils peuvent aussi constituer des champs aveugles de compulsion qui nous piègent dans les illusions et dans des comportements destructeurs.

Dans le mythe des Amants, l'amour pour l'humanité en tant que telle ne joue aucun rôle et l'idéal d'un hybride humain-divin, que représente une humanité parfaite, est non seulement hors de propos mais qui plus est, une déviance. Dans le Culte de l'Amour, il n'existe pas d'être surhumain qui apporte l'amour sur terre ou qui confère l'amour aux hommes. Au contraire, l'amour personnel et passionné entre l'homme et la femme est considéré comme la force divine à l'oeuvre parmi nous et à travers nous. Le mythe romantique attribue la valeur transcendante de la foi religieuse à la puissance de l'amour personnel. C'est le thème émergent qui plane au-dessus du personnage de Marie Madeleine et qui a été focalisé dans l'imagination populaire par le roman de Dan Brown.

Il existe d'énormes dangers dans ce nouveau complexe mythique - des dangers que j'ai l'intention de souligner dans un essai séparé “Le Culte de l'Amour” - mais néanmoins la puissance de l'amour romantique est si vaste qu'elle peut surpasser et éclipser l'idéal Chrétien de l'amour, particulièrement de nos jours alors que la foi doctrinale se trouve dans les affres de l'agonie.

Les Gnostiques contestèrent la croyance stipulant que l'humanité parfaite pourrait être incarnée en une seule personne, homme ou femme. Ils affirmèrent que le développement supérieur de l'humanité dépend d'une connexion co-évolutive avec Sophia, dont le nom signifie Sagesse. Au niveau cosmique, Sophia est un Eon, une Déesse, dont l'intelligence dépasse de loin les limites humaines mais sur le plan humain, on trouve son reflet chez une femme, Madeleine. Il n'est pas aisé de comprendre la connexion entre la vision Sophianique des Mystères et le Culte de l'Amour mais elle existe et elle est profonde et intime. Après avoir contemplé cette connexion pendant de nombreuses années, je suis convaincu que la vision qui nous guide vers la co-évolution avec la nature non-humaine ne peut pas être réalisée sans une guérison profonde de la faille dans la nature humaine, la rupture des genres. Au moins un des textes Gnostiques, l'Evangile de Philippe, associe intimement la cosmologie à la réconciliation des sexes.

Les Gnostiques étaient farouchement critiques de toute croyance ou influence qui puisse faire diverger ou aliéner l'humanité de sa connexion Sophianique. Ils révéraient Madeleine comme celle qui connaît le Tout parce qu'elle représente le fondement de la connexion de la sagesse cosmique dans le coeur humain. Le nexus total, émanant de la source cosmique vers le coeur humain, peut être appelé la vision Sophianique de l'humanité.

Sexe et Spiritualité

Le Da Vinci Code incite de nombreuses personnes à repenser la connexion entre l'amour personnel et la spiritualité. L'ouvrage suggère que le message de Madeleine concerne, après tout, l'amour. Non pas l'amour tel que nous l'envisageons encore dans le contexte de la religion Chrétienne mais tel que nous puissions le comprendre au travers de la vision Sophianique. Madeleine est unique dans la manière dont elle connecte les deux structures mythiques, la Quête du Graal et le Culte de l'Amour. Dans ces deux mythologies, des femmes charismatiques diversement dépeintes comme des guides spirituelles, des sorcières, et des déesses du sexe, jouent un rôle crucial dans la quête du héros pour guérir l'humanité. La blessure d'Amfortas, le Roi-Pêcheur de la légende du Graal, est de nature sexuelle. Bien que le Culte de l'Amour ne soit pas concerné par l'amour de l'humanité en tant que telle, comme nous l'avons déjà souligné, la guérison de l'esprit blessé de l'humanité est dépendante de la vision illuminée de l'expérience sexuelle - de la guérison sexuelle ainsi que Marvin Gaye nous l'a dit.

Le message du Christianisme concerne aussi l'amour, du moins c'est ce qu'on nous demande de croire. Alors que le débat au sujet du Da Vinci Code bat son plein, une question brûlante se pose à nous:

Existe-t-il un autre message d'amour, connecté cosmiquement à Sophia mais à l'oeuvre au coeur de l'humanité, qui pourrait présenter une alternative au message Chrétien focalisé sur le personnage surhumain de Jésus-Christ?

L'influence la plus profonde de la Connexion Madeleine est également potentiellement celle de la plus grande portée. C'est l'impact au sein de l'imagination populaire, mais au niveau des archétypes, des structures mythiques. Le mental de masse réagit au mythe même de façon inconsciente. Le message de l'amour convié par le personnage de Marie Madeleine diffère du message de l'amour conventionnellement associé à Jésus parce que ces deux personnages participent de structures mythiques conflictuelles. Nous pouvons aujourd'hui comprendre cette différence de par ce que la psychologie des profondeurs nous a enseigné au sujet des complexes mythologiques et de leur mode de fonctionnement.

La Victime Divine

Les protestations hérétiques des Gnostiques n'ont que peu de poids de nos jours. Après tout, le débat s'est clos il y a longtemps et les Gnostiques ont perdu. Aucun citoyen de la planète ne souhaite s'enferrer, à notre époque, dans de telles problématiques ésotériques. Il existe, néanmoins, un facteur d'hérésie dans la connexion Madeleine qui ne peut pas être écarté au moyen des débats théologiques du 4 ème siècle. Il présente l'ultime défi au Christianisme et à ses religions rédemptrices soeurs, le Judaïsme et l'Islam. Ce défi réside dans la différence entre un mythe authentique de l'amour et un message au sujet de l'amour qui repose sur un complexe mythique contrastant, le bouc émissaire ou la victime divine.

Madeleine est un personnage de numinosité élevée, d'une puissance spirituelle indéniable, parce qu'elle représente l'archétype de l'Amante. L'histoire de Jésus racontée avec Madeleine comme son koinonos, sa compagne intime, se métamorphose en une histoire d'amour aux dimensions mythiques. L'hérésie, rappelons-nous, c'est la capacité de choisir, de bénéficier de la liberté de choisir ses propres croyances. Si Madeleine choisit de croire en son amour pour Jésus, plutôt que dans la rédemption qu'il pourrait apporter, alors la signification entière de l'histoire de Jésus, le drame de la victime divine, est tout autre. Madeleine elle-même n'est pas une victime. Pour les Gnostiques, elle était clairement le reflet humain de la Sophia Divine. Mais le syndrome du bouc-émissaire, le complexe mythique à la base de la religion de la rédemption, dépend de la glorification de la victime divine, et fait barrage à Sophia dans son aspect humain. Cependant, au travers de Madeleine, il devient possible de croire que l'amour humain, la passion de coeur d'une personne pour une autre, constitue un chemin authentique vers le salut sans la victimisation et la glorification de la souffrance.

Si on la visualise avec Jésus selon l'archétype des Amants, Marie Madeleine élève la valeur spirituelle de l'amour au-delà de la valeur rédemptrice que la foi Chrétienne attribue à la souffrance, une valeur intrinsèque au syndrome de la victime.

Le changement d'orientation qui se manifeste, au troisième niveau d'impact, est celui de la rédemption par une puissance transcendantale, l'instrument de l'amour divin, à la rédemption au travers de la puissance de l'amour humain, qui nous permet de nous transcender nous-mêmes. Nous sommes témoins ici de la collision entre deux complexes mythiques. Dans le mythe Chrétien, l'amour de Dieu utilise le syndrome de la victime comme son cadre de référence mythique mais l'archétype de la victime est fondamentalement, et même violemment, en conflit avec les dynamiques des Amants.

Le Da Vinci Code possède un impact extraordinaire parce qu'il nous positionne à l'endroit dangereux où deux plaques tectoniques de mythologie entrent en collision. Les plaques ne peuvent pas fusionner. L'une est destinée à glisser par-dessus l'autre. La plaque qui va prendre le dessus va définir le paysage futur de l'imagination religieuse Occidentale.

De par ces considérations, il peut ainsi être possible de percevoir comment la fracture ouverte par le débat entourant le Da Vinci Code s'élargit à la dimension mythique, à la sphère des archétypes, comme C. G. Jung la qualifiait. Sur ce niveau, Jésus et Madeleine incarnent le mythe des Amants, une image à la sensualité puissante. Dans l'histoire conventionnelle, Jésus conseille aux gens d'aimer leurs ennemis et de s'aimer les uns les autres alors que dans l'épisode Gnostique de l'Evangile de Philippe, il le met lui-même en pratique. Il y est dépeint dans un acte d'amour personnel, d'engagement romantique, de communion charnelle. Le message fondamental de Marie Madeleine, et l'impact archétypique de son histoire, est convié par son rôle: elle est la femme que Jésus aima, personnellement, et qui retourna cet amour à Jésus. Madeleine n'est la victime de rien ni de personne et de par son association avec elle, il en est de même pour Jésus. La présence de Madeleine dans l'histoire de Jésus lui enlève son rôle archétypique de victime divine, l'agneau de Dieu, le bouc émissaire, innocent de tout péché, dont la mort vicieuse, injuste et non méritée, libère une puissance rédemptrice magique dans le monde. L'archétype de la Victime suscite un énorme prestige, bien sûr, mais s'il est resitué vis à vis de l'archétype des Amants, son attrait peut paraître passablement moins impressionnant.

Ceux qui conservent leur foi dans les principes Chrétiens, peuvent être désagréablement surpris par le fait que Jésus Christ, considéré en termes archétypiques, soit la victime divine. Le sauveur est le terme privilégié mais le sauveur ne sauve que parce qu'il est une victime. L'essence de la religion Judéo-Chrétienne est la glorification de la victime. Quiconque s'identifie avec la victime reçoit les effets du sacrifice de la victime. C'est la plus antique formulation de compensation morale connue de notre espèce. Le Christianisme n'a pas inventé le mécanisme de bouc émissaire. Mary Daly souligne que dans le “sadosymbolisme” du Christianisme, nous percevons “le style et l'essence des structures du patriarcat incluant ceux qui lui sont antécédents ou extérieurs. Le Christianisme, avec son symbolisme de la torture par la croix, a été une expression de ce schéma fondamental” (Gyn/Ecology, page 96). J'ajouterai même que ce n'est pas une expression, mais l'expression suprême. La glorification de la victime divine génère une complicité émotionnelle par laquelle “à la fois les victimes et les perpétrateurs accomplissent, en toute inconscience, leur rôles prédéterminés.” (ibidem, page 109). Cela constitue un contrat puissant et potentiellement létal.

Le syndrome de la victime fait partie intégrante des trois composants de l'histoire de Jésus: l'emballage narratif, l'éthique et l'idéologie. Dans la narration, Jésus est dépeint comme la victime impuissante (et peut-être même consentante) des Juifs et des Romains. Dans son éthique, Jésus nous exhorte à résister au mal et assure les victimes du mal que “bénis soient ceux qui sont persécutés en mon nom” - une formulation parfaite de double contrainte qui donne “carte blanche” au perpétrateur et qui confère un statut moral élevé à la victime. Dans l'idéologie de la rédemption, l'homme Jésus est élevé au rang de surhomme, renforçant la croyance selon laquelle le processus de bouc émissaire est un principe divin, son efficacité étant validée par le Dieu Paternel, plutôt que ce qu'il est réellement, une simple mesure humaine de désespoir. L'acte d'amour cosmique est accompli dans un drame sado-masochiste. Cette tournure est consistante avec ce que Mary Daly appelle la double-pensée Chrétienne, typique de la double contrainte schizoïde définie par Gregory Bateson et élucidée par R. D. Laing. Lorsque la double contrainte opère, des contradictions criantes sont avalisées sans commentaires. Ainsi, la religion qui prétend apporter un message d'amour divin prend pour emblème un homme torturé sur la croix.

Et personne ne réagit pour protester.

L'image par Rodin du Christ et de Madeleine présente l'option de ce qu'on pourrait appeler le Christianisme Erotique. Cette image nous incite à ré-imaginer l'histoire de Jésus comme une histoire d'amoureux sans les garanties transcendantes provenant d'au-delà de la sphère humaine, une histoire qui témoigne de la puissance transcendantale de l'amour même. Nous avons à peine commencé à imaginer comment l'amour humain et personnel pourrait véhiculer un pouvoir transcendantal, comment il pourrait incorporer des éléments surnaturels. L'histoire d'amour de Jésus et de Madeleine présente une image mythique qui pourrait générer une nouvelle vision de l'amour - c'est à dire de l'amour qui possède le pouvoir attribué auparavant par la foi au Dieu Tout-Puissant.

Amour Transcendant

Les éléments authentiquement Gnostiques dans les textes Coptes abîmés, qui ont survécu, indiquent que le plaisir sensuel est un aspect de l'amour humain et qu'il convie une valeur transcendante. “L'amour spirituel n'est que parfums et vins” dit l'Evangile de Philippe. En termes Païens, l'amour possède un élément érotique. Il est chargé de plaisir. Cela illustre, de nouveau, le contraste frappant entre les deux cadres de références mythiques: l'archétype de la Victime avec sa glorification de la souffrance et l'archétype des Amants pour lesquels l'amour est un plaisir et possède une valeur sacramentale. Dans le mythe des Amants, l'élément sacré est le plaisir et non pas la souffrance.

Dans Sacred Pleasure, Riane Eisler affirme que dans la légitimisation de la souffrance et dans la glorification de la douleur comme preuve de l'élection par Dieu, les marques de la foi Chrétienne, “la fracture entre le corps et l'esprit et entre l'homme et la femme atteint son apogée” (page 154). Cela représente “une vision réellement aberrante de la spiritualité”. Eisler cite “les sociétés vénérant la déesse préhistorique” afin d'indiquer comment nous pourrions “percevoir le corps de la femme comme symbole à la fois immanent et transcendant de la puissance de donner la vie, l'amour et le plaisir - un symbole qui doit être revendiqué si les hommes, tout autant que les femmes, désirent réellement accomplir cette guérison spirituelle” (page 285). C'est assurément la sorte de symbole que Madeleine représente.

Les problématiques soulevées dans l'ouvrage d'Eisler résonnent intimement avec les sujets débattus dans le forum sur ce site.

En tant qu'amants charnels, Jésus et Madeleine célèbrent une liaison sacramentale qui fleure bon les “parfums et les vins”, le plaisir et la passion. Au troisième, et plus profond, niveau d'impact, nous passons de la magie rédemptrice de la souffrance, la carte joker de la religion du Salut, à une autres sorte de magie: une chimie sexuelle et émotionnelle, le mélange et le frémissement de la fusion Erotique. Le Christianisme a diabolisé Eros et a transformé Pan, le dieu orgiastique de la nature, en Diable. Il pourrait sembler que s'ils avaient le choix entre un mythe qui glorifie la douleur et la souffrance et un mythe qui célèbre le plaisir, les humains choisiraient ce dernier. Mais en fait non, en grande partie parce que l'alternative n'est pas offerte mais aussi parce que la pathologie de la souffrance exige que les gens justifient et glorifient toute peine qu'ils ne peuvent ni accepter ni transcender. Le sens authentique et fondé sur le corps de la spiritualité Erotique fut supprimé et éradiqué au fil de nombreux siècles.

Le mythe de la victime divine possède un puissant attrait, ainsi que nous l'avons juste souligné. Une grande partie de la souffrance que nous endurons dans la vie, et que nous voyons autrui endurer, est considérée comme insupportable et nous avons donc besoin d'une croyance qui nous aide à l'accepter et à garder la foi dans les choses positives de la vie. Nous sommes à ce point subjugués, sur le plan personnel, par la souffrance et les pertes, que nous sommes en quête d'une puissance au-delà de nos vies personnelles pour nous soulager dans notre douleur et nous soutenir pour la supporter. L'histoire de Jésus répond à ce besoin mais pas d'une manière saine. Elle fournit simplement une solution à ce qui semble être une situation impossible. De nombreuses personnes, de nos jours, admettent que leur foi Chrétienne n'est ni forte ni bien définie (dans le sens d'avoir une idée claire quant à ce qu'ils croient) mais la promesse et l'exemple de la résurrection incarnés en Jésus peuvent encore convaincre et ils s'y accrochent (c'est ce que beaucoup de gens m'ont confié) de par la garantie qu'elle confère d'être réunis avec ceux qu'ils aiment après la mort.

Et si l'union avec ceux que l'on aime, au-delà de la mort, pouvait être garantie d'une autre manière? Grâce au mythe des Amants, il existe une autre voie pour faire face à l'angoisse de la séparation par la mort. Mais pour que cette autre voie soit accessible, la foi doit passer de l'amour pour Dieu et de l'amour de Dieu à notre égard à la foi en l'amour humain, de personne à personne.

Le pouvoir de l'amour personnel pourrait-il être assez fort pour nous aider à intégrer l'impact de la souffrance et de la perte, de la séparation et de la mort? On pourrait argumenter que nous nous tournons vers le mythe de la souffrance et que nous cherchons le soulagement dans l'image de la victime divine parce que le puissance de l'amour humain nous fait défaut. Mais si elle ne nous faisait pas défaut? Et si elle pouvait croître en une force transcendante afin de se transformer en une puissance en nos coeurs aussi intense que la force que nous retirons (ou pensons retirer) de la foi religieuse?
C'est peut-être une idée téméraire mais qui n'est en aucun cas propre à l'auteur. L'histoire d'amour de Jésus et de Madeleine n'est qu'une des nombreuses variations du mythe des Amants. Je ne prétendrais pas que l'amour personnel et charnel offre une alternative à la foi religieuse s'il n'y avait pas quelque certitude pour valider cette conception. Madeleine participe de cette certitude. En tant qu'amants réunis par une fusion charnelle et spirituelle telle qu'elle métamorphose la souffrance et survit à la mort, Jésus et Madeleine incarnent une image mythique qui perdure éternellement dans la psyché humaine.

Et de par le renouveau d'intérêt pour Madeleine, cette image puissante est de nouveau sur la scène.

Le Culte de l'Amour

Les amants divins apparaissent dans de nombreux scénarios, dans de nombreuses cultures et à de nombreuses époques: Enkidu et la prostituée dans Gilgamesh, Tammuz et Ishtar, Adonis et Aphrodite, Amour et Psyché, et de nombreuses, très nombreuses autres variations issues de l'héritage culturel Païen. Ces personnages mythiques incarnent, en un couple historique exemplaire, les amants Gnostiques, Simon et Hélène, les contreparties identiques de Jésus et de Madeleine. De par l'émergence de la doctrine Judéo-Chrétienne de la rédemption fondée sur la victime divine, l'image des amants divins fut brisée et anéantie. Seul l'archétype de la Victime accrut son emprise dans la psyché collective tandis que les Amants étaient souillés, calomniés et promus aux oubliettes lorsqu'ils n'étaient pas voués à l'enfer. De par la réémergence de Marie Madeleine et le retour des Amants, cet archétype éternel est régénéré et réincarné. L'impact de ce renouveau, imprimé dans la dimension mythique mais vécu en termes personnels et culturels, va vraisemblablement générer les répercussions les plus durables et les plus conséquentes du débat entourant le Da Vinci Code.

Le mythe des amants possède une très grande antiquité et remonte à des millénaires avant le temps de Jésus. Dans l'histoire Européenne, environ un millénaire après la vie de Jésus, il y eut une résurgence de l'archétype des Amants. Elle engendra le phénomène étonnant de l'amour courtois - à ne pas confondre avec Courtney Love qui, béni soit son coeur blessé, pourrait représenter en termes adolescents un reflet tourmenté et de pacotille de Madeleine - un phénomène qui explosa dans le Languedoc au 12 ème siècle. J'ai suggéré plus avant que deux mythes sont générés par l'expérience humaine de l'amour en tant que force cognitive: la Quête du Graal et le Culte de l'Amour. Ces deux mythes contiennent des personnages féminins numineux qui jouent un rôle essentiel et tous deux content de très nombreuses sortes d'histoires d'amour. Mais celle qui les surpasse toutes, c'est l'histoire d'amour fondamentale de la culture Européenne, le récit de Tristan et d'Yseult, qui est le plus connu au travers de la version de Gottfried de Strasbourg (aux environs de 1210).

Le prologue au Tristan de Gottfried contient une affirmation remarquable de ce que l'on pourrait appeler la théologie de l'amour romantique. En plusieurs lignes de vers, l'auteur exprime sa certitude selon laquelle la narration de l'amour de Tristan et d'Yseult est l'équivalent d'une expérience religieuse:

“C’est du pain pour les coeurs nobles
Par cela, leur mort vit en nous
Nous lisons leur vie, nous lisons leur mort
Et cela a pour nous la douceur du pain
Leur vie, leur mort, c’est notre pain.
Leurs vies vivent ainsi, ils vivent même morts
Et leur mort est le pain des vivants”.

Dans une transformation visuelle qui suggère la transition d'un mythe vertical à un mythe horizontal, le Symboliste Jean Delville amène les “ames-soeurs” sur terre. Dans son “Tristan et Isolde”, Delville fait tomber les amants en pamoison après avoir ingéré la potion d'amour (lire la chimie sexuelle) qui les attire irrésistiblement l'un vers l'autre. Une partie de cette histoire implique ce qu'ils font de l'amour une fois que les effets de la potion s'estompent. La communion Erotique se métamorphose en une connexion spirituelle qui unit les amants immortellement dans la liebestod, l'amour-mort.

Les allusions poétiques sont claires comme de l'eau de roche: Gottfried compare la passion de Tristan et d'Yseult à un sacrement Chrétien. Il affirme que pour ceux qui chérissent l'histoire de ces amants, la passion devient un sacrement. Le pain et le vin de l'amour romantique remplacent la chair et le sang du Rédempteur. Le mythe des Amants supplante le mythe de la Victime.

Les versions médiévales des deux grandes structures mythiques, la Quête du Graal et le Culte de l'Amour, sont appelées des Romances parce qu'elles sont écrites en dialectes issus du Latin qui éventuellement donnèrent naissance à la famille des langues Romanes. Les Romances Européennes concernent toujours des individus exceptionnels, des chevaliers et des dames, des aristocrates et des nobles. Le terme noblesse vient de la même racine que gnose, d'où “gnoblesse”. La noblesse authentique, la marque de l'aristocratie spirituelle, était perçue, au sein de la société de Gottfried, dans le désir d'apprendre au travers de l'amour et de pratiquer les arts de l'amour. L'euphémisme pour cet engagement profond était “manières courtoises”, une éthique romantique impliquant un code de comportement élégant. La noblesse conférée par l'Amour n'était pas une option pour les masses parce que les conditions requises pour la poursuite de l'amour et du plaisir n'étaient pas accessibles et que, de toutes façons, de telles poursuites étaient prohibées par l'Eglise.

La noblesse croît là où l'intelligence du coeur se développe. Tous les grands amants sont nobles. Ils représentent et incarnent le pouvoir cognitif de l'amour - cognitif étant aussi dérivé de gno-, de gnose. Dans Tristan, les Amants incarnent une passion qui est authentiquement transcendante, une passion qui s'exalte dans la mort mais qui ne se finit pas avec la mort. Dans la vision Romantique de la vie, la puissance de l'amour humain pour transcender la mort est capturée dans un seul mot de l'Ancien Haut Allemand de Gottfried: liebestod “amour-mort”. Tristan et Yseult sont unis, non dans la mort ou après la mort, mais dans l'amour-mort. “Leurs vies vivent ainsi, ils vivent même morts” affirme le poète. Cela signifie que quelque chose d'identique à la résurrection après la mort résulte de la passion des Amants alors qu'ils sont encore en vie. Ils ne meurent pas pour être réunis plus tard. Dans le liebestod, ils vivent et sont morts en même temps.

Dans la dynamique de l'archétype des Amants, l'amour entre la femme et l'homme convie des forces égales dans la présence tout comme dans l'absence. L'assurance que les amants seront réunis après la mort n'est pas nécessaire car, dans leur communion passionnelle, le pouvoir divisant de la mort est déjà dissout. En termes Bouddhistes, Tristan et Yseult sont unis dans “la Forme et le Vide”. Comme il n'existe que très peu de références aux liaisons d'amour dans le Bouddhisme, si ce n'est sans doute pour les condamner comme des chaînes samsariques, il est remarquable que l'instructeur Bouddhiste Thich Nhat Hanh évoque longuement son amour pour une nonne Vietnamienne. Après même une vie entière de séparation, cet amour ni ne mourut ni ne déclina. L'ouvrage de Thich Nhat Hanh Cultivating the Mind of Love résonne avec la mystique de la liebestod tout en proposant des enseignements Bouddhistes sur l'impermanence, sur le non-soi et sur le nirvana. Le dévoilement intime de la vie d'amour de cet enseignant est complètement unique dans l'enseignement Bouddhiste, pour autant que je sache.

L'expérience de l'amour décrite par Thich Nhat Hanh rappelle “l'amour de loin” des troubadours, l'amour distant et non consumé si souvent célébré dans les légendes Romantiques.

Selon le Culte de l'Amour, l'union entre deux amants nobles ne reste pas confinée à leurs vies mais inspire et exalte la vie d'autrui. “Par cela, leur mort vit en nous”. Cela signifie que la mystique de l'amour-mort est transférable tout comme le pouvoir rédempteur du Christ est considéré comme transférable au travers du sacrement de l'Hostie. En bref, toute la force magique attribuée à la résurrection et au sacrement de la sainte communion est intrinsèque à la liebestod, mais sous une forme transmutée. “Leurs vies vivent ainsi, ils vivent même morts. Et leur mort est le pain des vivants”.

L'amour survit à la mort tout comme Madeleine survit à Jésus. La mort vit dans l'amour transcendant, reliant un coeur humain à un autre, même si la séparation est nécessaire pour consumer le lien.

S'il existe un message plus puissant que la promesse de la résurrection en termes Chrétiens, c'est sans doute le suivant: pour vaincre la mort, nous utilisons notre amour afin d'accomplir une communion éternelle. Nous réalisons cela en nous aimant les uns les autres comme nous sommes maintenant, ici et maintenant, et lorsque nous sommes plus tard, décédés et partis. Une des manières d'intensifier l'amour que vous ressentez pour la personne avec laquelle vous vivez est d'imaginer, par moments, qu'elle est déjà décédée. C'est la pratique de l'amour dans la Forme et le Vide.

L'histoire de Tristan et d'Yseult est une transmutation mythique de l'histoire de Jésus, non pas dans le sens qu'elle répète les personnages et les épisodes de la vie de Jésus, ou qu'elle rejoue le scénario, mais dans le sens plus profond où la passion des Amants remplace la valeur sacramentale attribuée à la Passion du Christ.

Conclusion: le Mythe du Choix

Au niveau archétypique, et peut-être aussi au niveau physique, tous nous vivons et mourons par le mythe du choix. Mais sans options, nous ne pouvons pas choisir le mythe. Si la communion d'amour personnel et charnel possède une puissance qui puisse rivaliser avec le pouvoir de la rédemption divine, il existe donc un choix réel, une alternative à la rédemption par procuration de la Victime Divine. L'humanité s'en remet lourdement à cet archétype et les manifestations de la puissance des processus de bouc émissaire nous entourent mais il est possible de transcender ce syndrome vicieux et de dépasser l'histoire de Jésus dans laquelle il est inscrit.

Dans l'histoire d'amour de Jésus et de Madeleine, l'amour personnel constitue un accomplissement personnel. Leur intimité est seulement un exemple de ce que nous pouvons réaliser au travers de la guérison du conflit des genres, un processus qui implique toutes les variations de genres. Le modèle Romantique de l'amour hétérosexuel n'est qu'un cas spécial - mais le cas par excellence, artistiquement et historiquement parlant - de l'amour qui réconcilie la sexualité et la spiritualité.

Et l'amour romantique possède, bien sûr aussi, ses aspects pathologiques et déviants mais leur discussion nous emmènerait au-delà des limites de cet essai en trois parties.

Pour conclure. Le Christianisme, un système de pratiques et de doctrines fondé sur la vie de Jésus, ne représente pas le mythe à choisir sur cette planète. C'est plutôt le mythe de la conquête et de la conversion. L'histoire de Jésus est dans la droite ligne du programme du patriarcat, et c'est sans doute pour cela qu'elle fut concoctée en premier lieu. Le patriarcat dépend du dogme religieux du monothéisme pour imposer son programme politique de domination. L'archétype de la Victime ne gagne du pouvoir, dans la psyché collective, qu'en prétendant à l'exclusivité en ayant recours au stratagème monothéiste: “Il n'existe pas d'autre Dieu que celui-là”. Nous sommes, peut-être, en train d'atteindre le fond de la longue pente de ce stratagème mais nous sommes encore emprisonnés dans les reflux fangeux d'une pathologie deux fois millénaire. Aujourd'hui, de par la réémergence de Marie Madeleine, le retour des Amants mythiques, un archétype éternel, est régénéré et réincarné. L'impact de ce renouveau, consigné dans la dimension mythique mais incarné en termes culturels et personnels, va probablement générer les répercussions les plus durables et les plus conséquentes du débat entourant le Da Vinci Code.

John Lash. Août 2005.

Traduction de Dominique Guillet.