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Codex de Nag Hammadi

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Seconde Apocalypse de Jacques

John Lamb Lash

Traduction par Dominique Guillet

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La Seconde Apocalypse de Jacques: 6 pages et demies. Anecdote de Jacques le Juste avec un discours de révélation. Principaux thèmes: privilège de la révélation accordé à quelques uns; visions ambivalentes sur le jugement divin. Plusieurs pages assez abîmées; lignes courtes et irrégulières.

Ce texte offre une opportunité d'exercer nos capacités de lecture et plus particulièrement nos facultés de discrimination qui sont les facultés les plus essentielles que nous développions au travers de l'étude de ces récits ésotériques.

Avant d'examiner La Seconde Apocalypse de Jacques, passons en revue les apocalypses dans les Codex de Nag Hammadi. Comme nous l'avons déjà souligné, aucune de ces apocalypses ne ressemble à un pamphlet réellement apocalyptique tel que l'Apocalypse de Jean ou de nombreux textes caractéristiques des Manuscrits de la Mer Morte. En tout, cinq traités des Codex de Nag Hammadi contiennent le terme apocalypse dans leur titre:

V, 2: Apocalypse de Paul (pas dans le plan de lecture).

V, 3: Première Apocalypse de Jacques (plan de lecture, 9, niveau 2).

V, 4: Seconde Apocalypse de Jacques (plan de lecture, 19, niveau 3).

V, 5: Apocalypse d'Adam (plan de lecture, 18, niveau 2).

VII, 3: Apocalypse de Pierre (plan de lecture, 2, niveau 1).

Il est clair que les scribes qui recueillirent tous ces divers traités tentèrent de les organiser selon des genres, rassemblant quatre des cinq apocalypses dans un même codex. Les érudits font des tours de prestidigitation pour démontrer l'existence d'autres niveaux organisationnels dans les Codex de Nag Hammadi mais, à mon avis, cette concentration d'apocalypses en constitue le seul et unique exemple vraiment convainquant.

Un Texte Omis

L'Apocalypse de Paul, qui n'est pas inclue dans le plan de lecture, constitue probablement l'exemple le plus caractéristique que l'on puisse imaginer d'un document Gnostique Chrétien. Et cela n'est pas surprenant puisque le nom “Paul” aurait été planté au milieu d'une argumentation dans la littérature syncrétique du 4 ème siècle tout comme on infiltre une “claque” dans une audience. L'attribution à Paul est une indication certaine que la doctrine de la rédemption pure et dure se profile au détour du chemin. L'Apocalypse de Paul ne ressemble en rien à un texte Grec du même nom bien que ces textes traitent tous deux de la même histoire basique quant à l'ascension de Paul au travers des cieux. L'Apocalypse de Paul s'ouvre de façon anecdotique: Paul rencontre un jeune homme sur un chemin de montagne en direction de Jéricho. L'enfant s'avère être son guide spirituel. Le texte, de par ses incohérences, semble se jouer du lecteur. [ ]

“Que [ton mental s'éveille Paul], avec [...]. Car [...] en entier qui [...] parmi les [principautés et] ces autorités [et] les archanges et les puissances et toute la race des démons. [...] celui qui révèle les corps à une semence d'âme” (18:20-19:5). Donc, en fait, que dit l'enfant? En accord avec l'enseignement Gnostique, le texte dit: “Que ton Noos s'éveille”. Les “principautés sont les archées”, une allusion aux Archontes. Le terme hybride, Grec-Copte, EUKRAK MEPSYCHE, traduit par semence d'âme, est surprenant. Quelle qu'en soit la signification, l'enfant esprit tente de montrer des choses à Paul d'une façon visionnaire, au travers du noos. Il révèle une hiérarchie d'esprits, dont la quatrième ciel dans lequel “les anges qui ressemblent à des dieux extraient une âme du royaume des défunts” (19:7-10). Cela peut être une référence au Trésor de Lumière, le royaume du soleil dans lequel des Archontes bienveillants appelés paralemptors accompagnent les défunts au travers des bardos de l'après-vie (dans le Livre de Jeu, qui ne fait pas partie des Codex de Nag Hammadi). Le Soleil est la quatrième sphère si l'on compte à partir de la Terre: lune, vénus, mercure, soleil. Il existe des collecteurs de taxes dans chacune des sept zones célestes. Des témoins témoignent des actions des défunts à chacun des niveaux. Dans la cinquième sphère céleste (mars) Paul voit des anges du jugement avec des bâtons et des fouets, une scène typique de sado-masochisme dans le scénario de l'après-vie dérivé de sources Egyptiennes, mais complètement atypique dans un traité Gnostique.

Dans le septième ciel, ô merveilles, Paul voit un vieil homme rayonnant tout vêtu de blanc qui ne le laissera pas passer tant que le guide ne lui indique pas de faire un signe (semeion). “Que l'Apocalypse de Paul émane de cercles Gnostiques de tendance typiquement anti-Juive semble certain de par la vision négative de la divinité dans le septième ciel” (Commentaires anglais sur les CNH, page 257 de NHLE). Dans l'Ogdoade, il voit les douze apôtres. (J'ai proposé que l'Ogdoade soit un terme codé Gnostique pour décrire la sphère du zodiaque, comprenant douze ou treize constellations, selon ceux qui les comptent). Ensuite, Paul s'élève plus haut mais le document se termine là sans description des sphères supérieures. A part la présence d'inquisiteurs angéliques, qui peuvent être considérés comme des agents du châtiment divin, il n'existe pas d'aspects réellement apocalyptiques dans ce traité.

Attaque contre Jacques

Il n'est que peu de contenu Gnostique dans l'Apocalypse de Paul si ce n'est pour l'invocation invitant à l'illumination “Que ton Noos s'éveille”. Avec la Seconde Apocalypse de Jacques, nous découvrons de nouveau un mélange des genres, combinant des éléments Gnostiques et Juifs. Ce texte présente, de façon prédominante, un discours de révélation qui est adressé à Jacques par le Jésus ressuscité. Les paroles attribuées à Jésus prennent la forme d'arétologies dans le style “ego eimi”, “Je suis celui”. Quant à moi, je suis étonné d'un tel contenu qui ne semble pas, par ailleurs, susciter des interrogations chez les autres érudits du Gnosticisme: le texte caractérise Jacques comme “le Juste” par le terme “dixaios”, dérivé du nom de la Déesse Dike “Justice”. En fait, il identifie le personnage à la tête du mouvement Zadokite, mettant ainsi en valeur une corrélation claire et nette entre les Manuscrits de la Mer Morte et les Codex de Nag Hammadi; les érudits, cependant, semblent faire peu de cas d'une telle corrélation.

Avant le début du discours de révélation, le texte présente le récit classique de l'attaque à l'encontre de Jacques le Juste sur les marches du grand temple de Jérusalem, un épisode très connu de l'antiquité Juive. La scène s'interrompt (45:26) pour reprendre seulement à la fin du traité (61) lorsque le meurtre de Jacques par la foule est décrit. La présence d'une telle anecdote dramatique est extrêmement rare dans les Codex de Nag Hammadi ou dans toute autre écrit Gnostique qui ait survécu.

Le discours de révélation (pas une apocalypse!) commence avec l'annonce: “Je suis celui qui a reçu la révélation du Plérome de l'Incorruptibilité” (46:6-8). Celui qui parle est le “Seigneur” PICOEIS en Copte, dans lequel PI est l'article défini attaché au nom COEIS. Dans cette transcription, C correspond à la lettre démotique djandja, qui rappelle un X avec une ligne au-dessus: mais personne ne sait vraiment comment cette lettre était prononcée. Les érudits pensent que cela pouvait être comme un c ou comme un j dur.

Le Seigneur, épelé PICOEIS dans le passage suivant, “est venu comme un fils qui voit et comme un frère” (46:20). Le maître mâle non nommé dit qu'il est “riche en connaissance (gnose) avec une compréhension qui ne provient que d'en haut” (47:7-11, les lignes sont ici très courtes). Il s'ensuit quelques avertissements concernant le jugement qui appartiennent, je pense, au genre apocalyptique; mais le maître, (supposé par les érudits être le Jésus ressuscité et ce, sans aucune preuve textuelle) offre l'affirmation Gnostique ou gnomique “Je vais sûrement mourir mais c'est dans la vie que l'on me trouvera” (48:8-9). Tirez-en l'interprétation que vous pouvez.

A partir du passage 40, se présentent d'autres arétologies: je suis le premier fils qui fut engendré... je suis le bien-aimé... je suis le juste... je suis le fils du Père (PIEIOT). De telles révélations énigmatiques suggèrent que cette entité est apparue dans le monde sous diverses manières, apparences, ou déguisements sans être reconnue. On trouve dans ce langage une trace de la doctrine Gnostique de docétisme, à savoir concernant le corps surnaturel ou spectral (le nirmanakaya des Bouddhistes). “Je suis un étranger” est le thème prévalent. L'orateur Gnostique est “un étranger dans une terre étrangère” (titre d'un roman de science-fiction de Robert Heinlein), non pas parce qu'il est étranger à la terre mais parce que ceux qui pourraient le reconnaître sont coupés de la gnose et de leur propre humanité.

Liens avec les Manuscrits de la Mer Morte

Un passage intriguant sur la vierge (parthenos) manque. L'instructeur fait souvent référence à la paternité et a recours à une technique de parabole (héritage) qui ne peut pas être clairement lue au vu des lignes qui ont survécu. Il y a une mise en garde concernant un adversaire dont les “promesses sont des desseins mauvais” (53:14) mais son identité n'est pas clairement définie. Le maître illuminé, qui n'est jamais identifié en tant que Jésus, dit qu'il a vu d'en haut comment l'adversaire “emprisonna ceux qui viennent du Père... et il les a façonnés à sa ressemblance” (54:10-14), ce qui paraît être une allusion au Démiurge.

Il s'ensuit alors un passage extraordinaire dans lequel l'instructeur s'adresse à Jacques dans une séquence d'affirmations en “tu”:

“Car tu n'est pas le sauveur,
ni un secours d'étrangers.
Tu es un illuminateur et un sauveur
de ceux qui sont à moi.”

La forme possessive est ici frappante et soulignée par la répétition du “tu”. En quelque sorte, l'orateur confère un privilège d'autorité à Jacques et ensuite “il me baisa la bouche” (56:14), le baiser public étant la salutation commune des Telestai des Mystères. L'orateur promet de tout révéler. Il garantit à Jacques qu'il est jugé et épargné et qu'il sera bien traité par “l'aimable (chrestos) Père”. Il semble qu'à un moment donné, l'orateur à la première personne n'est plus le Seigneur non nommé mais Jacques qui déclare: “Je suis le Juste et je ne juge pas” (59:22). En d'autres mots, Jacques est initialement celui qui reçoit la révélation mais il en devient ensuite l'instrument. Cette transformation grammaticale suggère une formule liturgique ou une liturgie d'ordination.

Peu après ce changement de perspective, nous retournons à la scène sur les marches du temple où la foule qui a écouté Jacques n'est pas convaincue. Ils en appellent à la lapidation. Jacques supplie les puissances supérieures de le délivrer des épreuves de la vie sur terre, de le sauver des humiliations de l'ennemi et le l'envoyer dans la Lumière. Et c'est ainsi que le traité se termine.

Les érudits détectent des liturgies d'ordination introduites et copiées dans le texte principal de la Seconde Apocalypse de Jacques, ce qui expliquerait la présence de proclamations étranges de la part de Jacques et du maître non nommé. Globalement, ce texte laisse peu d'impressions fortes. Il mérite un certain intérêt dans la mesure où il contient des éléments narratifs et thématiques en lien avec la secte Zadokite de la Mer Morte. Pour les érudits, cela n'est en rien étonnant: ce sont des éléments Juifs que l'on s'attend à trouver dans les écrits des Gnostiques qui, prétendent-ils, s'inspirèrent abondamment de la tradition Juive bien que leur finalité ait été de la subvertir. J'affirme, cependant, que les éléments Juifs qui sont présents apportent la preuve d'une guerre idéologique entre les Séthiens et les Zaddikim.

John Lash

Traduction de Dominique Guillet.