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Clones, clowneries, cloneries:

La sélection industrielle, des origines

aux clones chimériques brevetés

Jean-Pierre Berlan


Les extravagances médiatiques suscitées par l’annonce de la naissance de la clonesse Dolly 1, le premier mammifère cloné, ont caché un fait simple: Dolly étend aux animaux ce que le sélectionneur s’efforce de faire avec les plantes depuis deux siècles: remplacer les variétés cultivées – selon le dictionnaire « le caractère de ce qui est varié, diversité, contraire de l’uniformité » – par un modèle unique de plante jugé supérieur.

Personne ne niera qu’aujourd’hui les “variétés” de blé, de maïs, de tournesols, de tomates, de pommes etc., cultivées par un “exploitant” agro-industriel sont constituées de plantes Homogènes, c’est-à-dire identiques aux défauts, ou variations inévitables, de fabrication près. Ces “variétés” doivent aussi être Stables, c’est-à-dire que cette plante peut être reproduite à l’identique année après année par le sélectionneur. Depuis la création du Certificat d’Obtention Végétale (COV) par le traité de l’Union pour la Protection des Obtentions Végétales (UPOV) signé en 1960 par les six pays fondateurs du Marché Commun 2, la loi requiert cette homogénéité et cette stabilité pour toute vente de semences.

De ces deux critères du certificat d’obtention découle le troisième: la Distinction. Si des variétés diffèrent par un ou plusieurs caractères eux-mêmes homogènes et stables, elles sont Distinctes, donc identifiables sans ambiguité. La DHS est donc l’alpha et l’omega de la sélection des plantes.

La tâche du semencier consiste donc à faire des copies d’une plante-modèle décrite avec précision et déposée auprès d’instances officielles exactement comme un dispositif mécanique devait être décrit et déposé 3 auprès de l’office des brevets pour faire l’objet d’un brevet. La tâche du semencier consiste donc à cloner cette plante-modèle. Quant à “l’exploitant” (terme significatif), il est devenu un rouage de l’immense système agro-industriel qui a remplacé l’agriculture et éliminé les paysans. Ce qui tient en une formule: le paysan produisait du blé, le système agro-industriel transforme les pesticides en pain Jacquet.

Ce technoserf du système agro-industriel cultive par conséquent des clones définis comme un ensemble de plantes DHS (Distinctes, Homogènes et Stables), indépendemment du mode biologique d’obtention 4.

Cette dévotion bi-séculaire au clonage des sélectionneurs repose sur un principe logique imparable, une quasi-tautologie: il y a toujours un gain (selon un critère quelconque) à remplacer une variété de “n’importe quoi” par le meilleur “n’importe quoi” extrait de la variété. La démarche industrielle consistant à construire des prototypes, à les tester pour sélectionner le “meilleur” – en pratique, celui dont on estime qu’il rapportera le plus de profits - et le produire en série relève de ce principe.

Mais ici, nous sommes dans le domaine de la vie, de l’agronomie, de la complexité, et ce qui est logiquement imparable peut s’avérer bio-logiquement erroné. C’est ainsi que depuis une trentaine d’années, des biologistes redécouvrent les vertus de la diversité.

Les conférences et autres colloques sur l’effondrement de la diversité biologique tant cultivée que sauvage se multiplient sans que personne ne semble se rendre compte que la raison essentielle de cet effondrement tient au remplacement de l’agriculture et de la paysannerie par le système agro-industriel de monoculture monoclonale. Car c’est la paysannerie qui, au cours du long processus de domestication/sélection, a créé l’immense diversité des espèces que nous cultivons. Le système agro-industriel n’a fait que puiser dans cette diversité pour l’épuiser. Prenons un seul exemple dans le livre “les Semences de Kokopelli”. On jubile à la vue de l’extraordinaire diversité des tomates cultivées qu’il s’agisse de forme, de taille, de couleur, de goût, d’adaptation à différentes conditions de culture, de teneur en nutriments, de résistance aux maladies etc. Puis on est stupéfait de se rendre compte que cette diversité foisonnante provient de tomates sauvages, à première vue très semblables, de la taille d’une bille, voire d’un pois. En réalité, l’utilisation du terme “variété” pour désigner les clones - l’exact l’opposé ! - permet aux agronomes, chercheurs et autres spécialistes de verser des larmes de crocodile sur l’effondrement de la diversité biologique en évitant de remettre en cause les intérêts industriels qu’ils ont servi avec zèle depuis des décennies et qu’ils continuent à servir.

Comme la clonesse Dolly l’indique, le clonage s’étend maintenant aux animaux: la photographie d’un troupeau de vaches clonées fournie par l’Inra pour illustrer l’article que journal Le Monde (12/11/03) consacrait au rapport “La recherche agronomique et ses avenirs”, que cet Institut avait commandité à des experts, est à la fois révélatrice et consternante. Il faut revenir sur une conséquence essentielle pour ce qui suit de la quasi tautologie sur laquelle le clonage repose. Le clonage – le remplacement d’une variété de plantes par une plante-modèle clonée supérieure extraite de la variété – apporte par définition un gain. Aucune justification n’est nécessaire. Le fait que les industriels appliquent un principe similaire lorsqu’ils fabriquent une variété de prototypes pour “cloner” (produire) le “meilleur” montre bien que ce principe puissant est absolument général et qu’il se suffit à lui-même. En particulier, il est indépendant du mode de reproduction de la plante, qu’il soit végétatif, autogame, allogame. Par conséquent, toute tentative de justification du clonage, par exemple par des considérations biologiques, cache une mystification.

Nous pouvons maintenant retracer brièvement l’histoire de la sélection des origines jusqu’aux plantes transgéniques comme histoire de l’extension continue du clonage. Trois étapes: le clonage homozygote inventé au 19ème siècle et poursuivi au 20ème au moins dans les cas où le clonage hétérozygote est impossible; le clonage hétérozygote qui domine le 20ème siècle; et enfin le clonage transgénique breveté du 21ème siècle.

Le clonage homozygote

Au début du XIXème siècle, les gentilshommes agriculteurs anglais – les fermiers Ricardiens 5 - observent que les céréales qu’ils cultivent, blé, orge, avoine, “breed true to type” - chaque plante conserve ses caractères individuels d’une génération à la suivante. Il faudra attendre la redécouverte des lois de Mendel en 1900 pour savoir pourquoi, mais peu importe (encart 1). Lorsqu’ils découvrent une plante intéressante isolée naturellement, ils la reproduisent et la multiplient. Si le clone s’avère intéressant, ils le cultivent année après année. Ainsi, « Le vieux blé Chidham cultivé dans ce pays entre approximativement 1800 et 1880 ou plus tard provenait (-il) d’un seul épi trouvé sur une plante qui poussait dans une haie à Chidham dans le Sussex».6

En 1831, sur les conseils du botaniste espagnol Mariano La Gasca, ancien Directeur du Jardin Botanique Royal de Madrid, John Le Couteur, entreprend un série d’expériences qui le conduisent à codifier en 1836 cette pratique de ses collègues gentilhommes-agriculteurs. Puisque nous cultivons des variétés, raisonne-t-il, et que chaque plante de la variété conserve ses caractères individuels d’une génération à la suivante, nous allons “isoler” (d’où le nom de “technique d’isolement”) les plantes qui nous paraissent les plus prometteuses pour les cultiver individuellement pour les reproduire et les multiplier individuellement, c’est-à-dire les cloner, puis nous sélectionnerons le meilleur des clones que nous avons extrait de la variété pour remplacer cette dernière.

Le gain que le sélectionneur peut espérer d’une telle méthode dépend d’une part de la capacité de repérer ou sélectionner visuellement dans un champ d’une variété les rares voire très rares plantes présentant un ensemble de caractères favorables au rendement: taille de la plante, enracinement, précocité, capacité de tallage, taille de l’épi, couleur, poids des grains, absence de maladie etc., et d’autre part, des variations interclonales de rendement. Le gain total est la somme du gain moyen de rendement des clones obtenu par sélection visuelle par rapport au rendement de la variété plus le gain obtenu par la sélection du clone le plus productif par rapport à la moyenne des clones extraits de la variété.

Le Couteur, esprit scientifique et donc précis, prend soin d’utiliser une expression adéquate qualifiant son invention. Il remplace le terme variété par “pure sort”, souche pure, «cultivée, précise-t-il, à partir d’un seul grain ou d’un seul épi». Ses successeurs, scientifiques professionnels, n’ont pas fait preuve du même discernement. Ce n’est pas le fruit du hasard.

Le Couteur et La Gasca sont donc les inventeurs de la méthode moderne de sélection: le clonage. Outre la logique puissante sur laquelle repose cette invention, on peut faire deux observations.

L’invention du clonage des céréales survient en pleine Révolution industrielle. L’artisanat fait place à la grande industrie. La production manuelle, personnalisée, à la demande, pour un marché local fait place à la production industrielle massive de marchandises, à l’aide de machines, pour un marché national et international anonyme et lointain. Les gentilhommes agriculteurs anglais, ces fermiers ricardiens sont, nous l’avons vu, des acteurs de cette révolution industrielle.

Ils en appliquent, naturellement en quelque sorte, les principes au monde vivant: l’homogénéité, l’uniformité, la standardization, la normalisation. Les “pure sorts” de Le Couteur - les clones - sont adaptés aux besoins de ces marchés anonymes. – l’Angleterre exporte du blé à cette époque, ne l’oublions pas.

Une deuxième observation tient à la propriété du vivant. Une variété, hétérogène et instable, ne peut faire l’objet d’un droit de propriété. Un clone, distinct, homogène et stable (reproductible d’une génération à la suivante - du point de vue biologique, c’est une sorte de mort-vivant), peut, lui, faire l’objet d’un droit de propriété. La Distinction, l’Homogénéité, la Stabilité (DHS) deviennent en France, au cours des années 1920, les critères du premier système de privatisation du vivant. En 1961, le système français s’étend aux pays du Marché Commun dans le cadre du traité de l’Union pour la Protection des Obtentions Végétales.

Il est ironique de constater que les négociateurs du traité de l’UPOV renoncent à définir la variété, c’est-à-dire l’objet que leur traité entend protéger. La raison est facile à expliquer: la DHS définit un clone, le contraire d’une variété ! Ce que ces négociateurs ne veulent pas reconnaître.

Observons que ce système de protection protège l’obtenteur du “piratage” de ses obtentions par ses concurrents puisque il réserve à l’obtenteur et à ses licenciés le droit de vendre des semences du clone protégé par le certificat d’obtention. Il ignore la notion de gène et laisse l’agriculteur libre de semer le grain récolté. Pour les obtenteurs de l’époque – d’excellents agronomes passionnés par les plantes qu’ils sélectionnent - cela suffisait. Pour les transnationales agrotoxiques qui ont pris le contrôle de l’industrie des semences, ce système est caduc.

Le clonage hétérozygote

Il s’agit de la technique reine de sélection au 20ème siècle, inaugurée avec le maïs. En 1908, Georges Shull, un biologiste étatsunien, travaillant sur l’hérédité du maïs dans le cadre mendélien qui vient d’être redécouvert découvre, par hasard écrit-il, une astuce pour étendre aux plantes hétérozygotes la technique de l’isolement – c’est-à-dire le clonage – de La Gasca-Le Couteur.

Le maïs est une plante à fécondation croisée. La fleur mâle est au sommet de l’épi et la fleur femelle sur la tige. Le pollen de la fleur mâle transporté par le vent et les insectes pollinise les plantes voisines, parfois à une grande distance. Une plante de maïs a, comme un mammifère, un papa et une maman différents. Elle a reçu de ses deux parents des versions (des allèles) différents d’un même gène. Si A1, A2, …A3 désignent les différentes versions ou allèles du gène A, B1, B2, … B3, les allèles du gene B, C1, C2, C3 … ceux du gène C , etc., une plante de maïs se présente comme une combinaison quelconque des allèles des gènes A, B, C…, par exemple A1A2 B3B1 C2C3 … Une plante de maïs est naturellement hétérozygote.

Shull (c’est là son astuce) considére que la plante hétérozygote A1A2 B3B1 C2C3 … est le résultat du croisement de deux lignées “pures” (homozygotes) A1A1 B3B3 C2C2... et A2A2 B1B1 C3C3... En effet, chacune de ces plantes homozygotes produit les gamètes mâles (le pollen) et femelles (l’ovule) identiques, A1 B3 C2... pour la première et A2 B1 C3... et femelle (l’ovule) pour la seconde. Le croisement fusionne ces gamètes, ce qui donne bien la plante de maïs normale hétérozygote A1A2 B3B1 C2C3 …

Les lignées pures peuvent être clonées (reproduites) à volonté puisqu’elles sont homozygotes. Il suffit de les cultiver dans des champs isolés pour éviter la contamination par du pollen étranger. Pour produire les semences de la plante de maïs hétérozygote, il suffit alors d’alterner des lignes des deux lignées pures homozygotes A1A1 B3B3 C2C2... et A2A2 B1B1 C3C3..., de choisir l’une d’entre elle par exemple A1A1 B3B3 C2C2... comme porte-graine ou lignée “femelle” (ce qui consiste à arracher la fleur mâle au sommet de la tige – à la “castrer”). Dès lors, cette lignée femelle ne pourra être fécondée que par le pollen de la lignée mâle A2A2 B1B1 C3C3... Toutes les semences récoltées sur la plante “femelle” seront hétérozygotes A1A2 B3B1 C2C3 … Cette méthode permet d’étendre au maïs le clonage de La Gasca/Le Couteur.

Comment obtenir les lignées pures A1A1 B3B3 C2C2... and A2A2 B1B1 C3C3... ? La question n’a pas de réponse. Shull toutefois pense avoir tourné la difficulté : l’autofécondation (encart 1) diminue de moitié le pourcentage de gènes à l’état hétérozygote. Après 6 générations d’autofécondation, il ne reste plus que 1/26 soient 1,4 % des gènes hétérozygotes restés dans leur état initial. Shull suggère donc de faire six générations d’autofécondation successives pour obtenir ces lignées pures homozygotes ou presque, puis de les croiser deux à deux pour obtenir des plantes de maïs ordinaires mais clonables à volonté puisque on en connaît les deux parents homozygotes. Il suffit alors de sélectionner le meilleur clone extrait de la variété pour la remplacer.

Pourquoi recourir à une procédure aussi longue, compliquée, coûteuse et, en définitive, invraisemblable? Parce que, explique Shull dans son article fondateur de 1908 “La composition d’un champ de maïs“, présenté devant l’Association Américaine des Sélectionneurs, c’est-à-dire un public d’hommes d’affaires et non de scientifiques, un champ de maïs (c’est-à-dire une variété de maïs) est composé d’hybrides naturels dont la vigueur dépend de leur hétérozygotie, de leur hybridité, de leur “hétérosis“, terme ésotérique formidable qu’il invente quelques années plus tard, en 1914, pour rendre sa mystification impénétrable.

Le raisonnement de Shull est impeccable, les faits expérimentaux qu’il présente sont indiscutables et connus et confirmés à maintes reprises depuis les travaux de Darwin. L’observation que la consanguinité exerce un effet destructeur est connu depuis la nuit des temps. Lors des autofécondations successives (la forme la plus violente de consanguinité), le maïs se “détériore” en même temps que son hétérozygotie diminue. Le croisement de lignées pures autofécondées et déprimées restaure et l’hétérozygotie et la vigueur du maïs. La vigueur “hybride” du maïs est indiscutable.

Améliorer le maïs, conclut Shull, exige donc d’en maintenir l’hybridité, l’hétérozygotie.

Mais nous sommes prévenus : aussi justes que soient ces considérations biologiques sur l’hybridité, l’hétérozygotie, l’hétérosis, la vigueur hybride, aussi élégant et convaincant que soit le raisonnement de Shull, aussi fascinante du point de vue scientifique que soit la vigueur hybride, etc., tout ceci n’est qu’une diversion. En réalité, Shull a découvert une méthode permettant de fabriquer des clones de maïs pour étendre la technique d’amélioration par clonage de La Gasca/Le Couteur à une plante hétérozygote. Ces considérations n’ont aucune pertinence autre que celle d’éviter de poser la seule question qui vaille : cloner le maïs peut-il permettre de l’améliorer ? Ce fatras biologique est, en réalité, la plus sûre indication que Shull est en train de mystifier la réalité.

En quoi consiste cette mystification?

Le clonage hétérozygote résout le seul problème qui importe dans notre société: en finir avec la gratuité de la vie. Car aussi longtemps que le grain récolté est aussi la semence de l’année suivante, le semencier/sélectionneur n’a pas de marché. Son but premier, impératif, en tant qu’investisseur, celui qui transcende toute autre considération, est, par conséquent, de séparer ce que la vie confond, la production qui peut rester entre les mains de l’agriculteur et la reproduction qui doit devenir son monopole. Au fond, il rêve de stériliser le vivant.

Rêve mortifère s’il en est. Tel est le Grand Secret du généticien-sélectionneur. Bien sûr, le reconnaître serait le rendre politiquement impossible à une époque où les semenciers sont des entreprises minuscules, les paysans et agriculteurs nombreux et le vivant sacré. Mais maintenant, les semences sont monopolisées par un puissant cartel de transnationales agrotoxiques, les paysans ont été remplacés par des technoserfs, le vivant est réduit à un ADN désenchanté. Il n’y a plus de risque à révéler le Grand Secret. Ce que fait la technique de transgénèse de “contrôle de l’expression des gènes” annoncée par le Ministère étatsunien de l’agriculture (par conséquent, la recherche publique ! 7 ) et une firme privée en mars 1998 et surnommée Terminator par ses opposants. Terminator est ainsi le plus grand triomphe de la biologie appliquée à l’agriculture.

Lorsqu’un agriculteur sème un clone de maïs, les plantes se croisent (se fécondent) bien les unes avec les autres. Mais comme elles sont génétiquement identiques (ou presque), ces croisements reviennent à une autofécondation. Et nous savons d’après la loi de ségregation de Mendel, que l’autofécondation détruit à moitié la structure hétérozygote sélectionnée. La descendance du clone sélectionné perd en grande partie les caractères qui l’avaient fait retenir. Shull a inventé le premier Terminator. «Quand l’agriculteur veut reproduire le résultat splendide qu’il a obtenu une année avec le maïs hybride, déclare-t-il en recevant en 1946 le prix John Scott récompensant son Terminator, son seul recours est de retourner chez l’hybrideur qui lui avait fourni les semences et de se procurer la même combinaison hybride»*.
Il reste un dernier point. Ce premier Terminator est aussi un clonage et le clonage – le remplacement d’une variété par une plante-modèle supérieure clonée - permet un gain de rendement. Et si c’était la Nature qui, par conséquent, exigeait de stériliser les plantes pour les améliorer, ne vivrions-nous pas dans le meilleur des mondes Panglossiens possible?

Ce n’est pas le cas. Il suffit pour le comprendre de comparer le clonage homozygote de La Gasca/Le Couteur au clonage hétérozygote de Shull. Dans le premier cas, le sélectionneur sélectionne visuellement dans le champ les rares et même très rares plantes présentant un ensemble de caractères favorables au rendement, puis il les clone. Enfin sélectionne le meilleur clone pour remplacer la variété. Dans le second, la phase de sélection visuelle est supprimée. Le sélectionneur extrait ses clones de maïs au hasard.

Aucune sélection n’est possible pendant la phase d’autofécondation car de bonnes lignées pures sont celles qui donne un bon clone. La méthode de Shull revient à bander les yeux du sélectionneur et à le lâcher dans le champ dans l’espoir qu’il tombe par chance sur une des rares plantes présentant un ensemble de caractères favorables et donc sur un clone productif. En d’autres termes, les variations interclonales dont dispose le sélectionneur pour améliorer le maïs sont faibles. Le Terminator de Shull ne peut améliorer le maïs qu’à la marge. 8

En résumé, la mystification shullienne consiste à travestir un Terminator en méthode d’amélioration. Le fait qu’une technique aussi longue, coûteuse, et en définitive absurde ait finalement été mise en œuvre avec l’argent public confirme bien que l’objectif final mortifère d’une société capitaliste est d’en finir, coûte que coûte, avec la gratuité de la reproduction des êtres vivants.

Comment Shull opère-t-il cette mystification?

La première phrase de l’article fondateur, «La composition d’un champ de maïs» (1908) montre comment Shull commence avec la méthode de clonage de La Gasca/Le Couteur pour glisser immédiatement vers les mystères de l’hybridité, de la vigueur hybride, de l’hétérosis et tutti quanti.

«Alors que la plupart des résultats scientifiques les plus récents montrent l’importance théorique des méthodes d’isolement et que les sélectionneurs en ont démontré la valeur dans l’amélioration de nombreuses variétés, la tentative de les utiliser dans la sélection du blé Indien s’est heurtée à des difficultés particulières dues au fait que l’autofécondation ou simplement la consanguinité, même limitée, se traduit par une détérioration » (p. 296).

Avec le mot “hybride” et ses dérivés et compléments, Shull réussit à aspirer les généticiens et sélectionneurs dans le trou noir de discussions aussi inutiles qu’interminables et insolubles sur les mystères, toujours aussi épais de l’hybridité. C’est pourquoi il faut utiliser l’expression exacte, précise, scientifique de clone hétérozygote et ne jamais utiliser le terme “hybride”. En 1997, le Centre International d’Amélioration du Maïs et du Blé a organisé un symposium, un de plus, « L’hétérosis dans les cultures », sur les mystères de l’hybridité. Il s’agissait en réalité pour les parrains de ce Vaudou scientifique, les multinationales semencières agrotoxiques et le gouvernement des Etats-Unis, d’étendre ce premier Terminator à autant de régions du monde et d’espèces que possible. 9 Les déclarations des officiants scientifiques montrent que Shull a réussi la plus esthétique, la plus élégante, la plus subtile mystification scientifique de tous les temps.

Avec quelle conséquence? Si l’agriculteur cultivait des variétés de maïs dont il pourrait semer le grain récolté, les semences lui coûteraient approximativement le prix du poids de maïs-grain semé soient environ 2 euros/ha (en prenant pour référence les prix du maïs en longue période et non les prix artificiellement élevés de la période récente). Les semences captives “hybrides” lui sont vendues environ 150 euros/ha, près de 100 fois plus cher. Le surcoût des semences captives de maïs représente pour la France à peu près le budget de l’Inra, pour des gains de rendement qui auraient pu être obtenus autrement et plus rapidement. Est-il exagéré de qualifier la trouvaille de Shull de plus grande escroquerie scientifique de l’histoire?

Au XXè siècle, les clones hétérozygotes (les “variétés hybrides”!) sont naturellement devenues la voie royale de la sélection, que les espèces soient allogames (à fécondation croisée – c’est le cas des animaux) ou autogames (autofécondées), mais ces efforts ont rencontré un succès mitigé chez les autogames. Le blé s’est révélé réfractaire à cette “hybridation” en dépit d’une soixantaine d’années d’efforts. Un chercheur de l’Inra annonçait en 1986 dans La Recherche que le «blé hybride allait sortir du laboratoire». Le Ministère de l’Agriculture a alors financé un programme important de travaux pour aider cet accouchement difficile. Le blé “hybride” est toujours dans les laboratoires. Heureusement. Pour une raison simple, quasi évidente, qui tient au taux de multiplication de l’espèce,10 un tel programme était voué à l’échec. Mais la mystification de l’hétérosis a rendu aveugles les généticiens et sélectionneurs à cet aspect déterminant du succès de leur entreprise d’expropriation. Quant au colza “hybride”, annoncé à grand fracas par l’Inra en 1996 pour son cinquantième anniversaire, c’est un échec.

XXIème siècle: les soi disant Ogm ou clones chimériques brevetés

Les soi disant Ogm ne font que répéter les mêmes mystifications. Ces Ogm cultivés sont constitués de plantes identiques. Ce sont des clones. Rien de changé depuis deux siècles.

Rien de changé non plus à la tradition de mystification sémantique. Les êtres vivants sont constamment “génétiquement modifiés” puisqu’à chaque génération ils sont le fruit d’un brassage unique de gènes. Le terme “Ogm” n’a donc aucun sens précis. Sa raison d’être est d’éviter le terme scientifique utilisé au début des manipulations, celui de “chimère fonctionnelle” (à l’époque, ce terme a le même sens que ‘génétique’ puisque la doctrine scientifique prévalant voulait qu’à chaque gène corresponde une fonction - une protéine). Le brevet de la première manipulation génétique portait ainsi sur une “chimère fonctionnelle”.

Mais ces chimères génétiques étant peu appétissantes, les industriels ont obtenu des scientifiques qu’ils sacrifient la précision du vocabulaire à la promotion. En 1999, à l’issue d’une étude de plus de deux millions de francs, les scientifiques auteurs d’un rapport de l’Inra proposaient même «la création d’un logo comportant une allégation positive de type “génétiquement amélioré”, (ce qui) reste une voie d’avenir à explorer systématiquement.» Quel consommateur résistera à de tels “Oga” ! Bref, par le miracle du vocabulaire, un saut technique dans l’inconnu est transformé en une continuité rassurante: « l’Humanité » - en réalité, les fabricants d’agrotoxiques et leurs biotechniciens - poursuivraient par des méthodes plus précises et fiables ce qu’elle fait depuis les débuts de la domestication !

Saut technique dans l’inconnu. Quelques mots d’explication sont ici nécessaires.

En 1958, Francis Crick, le co-découvreur de la structure en double hélice de l’ADN formule “l’hypothèse séquentielle” (à un gène correspond une protéine) et le “dogme central de la biologie moléculaire” (le transfert de l’information génétique se fait uniquement de l’ADN vers les protéines. Tout transfert protéine==>ADN, ou protéine==>protéine, «ébranlerait, écrira-t-il en 1970, les bases de la biologie moléculaire». Simplifications géniales pour élucider le code génétique auquel les meilleurs esprits, des mathématiciens aux biologistes, en passant par les spécialistes militaires de cryptographie, s’étaient vainement attaqués jusque-là.

Au cours des années 1960, ce décryptage est fait. C’est un triomphe. L’ADN devient la “molécule de la vie”, le “code des codes”, et certains biologistes emportés par leur enthousiasme ont pu déclarer «dites moi vos gènes, je vous dirai qui vous êtes». L’enthousiasme des industriels n’est pas moindre: le vivant est un meccano. Il suffit de transférer un gène pour produire les molécules les plus compliquées ou pour guérir les maladies les plus graves. Bref, c’est le triomphe du réductionnisme mécanique, de la « bête machine » cartésienne. Les hypothèses de Crick deviennent une réalité du monde vivant. C’est le même processus que celui qui a vu la mystification hétérotique shullienne en quelque sorte s’incarner avec le triomphe des “variétés hybrides” de maïs.

En 1999, Ralph Hardy, Président du Conseil National des Biotechnologies Agricoles, ancien directeur des sciences de la vie de DuPont, expliquait l’ADN aux sénateurs états-uniens: «L’ADN (molécules du top management) dirige la formation de l’ARN (molécules d’encadrement) qui dirige la formation des protéines (molécules ouvrières).» En définitive, la vie est une entreprise capitaliste.

Comme l’écrit ironiquement Barry Commoner, «la version reaganienne du dogme central est le fondement scientifique selon lequel chaque année des milliards de plantes transgéniques sont cultivées avec la présomption qu’un gène étranger particulier sera précisément répliqué lors de chacune des milliards de divisions cellulaires...; que dans chacune des cellules résultantes, le gène étranger encodera seulement une protéine avec l’exacte séquence d’acide aminés qu’il encode dans son organisme d’origine; et qu’au travers de cette saga biologique, en dépit de cette présence étrangère, le complément naturel de l’ADN de la plante sera lui-même exactement répliqué sans changements anormaux de composition.»

Ce n’est pas parce que des hypothèses sont fructueuses à un moment donné qu’elles sont vraies. Depuis le début des années 1970, l’histoire de la biologie moléculaire peut se résumer à la remise en cause douloureuse des hypothèses de Crick. Les preuves que ces hypothèses ont fait leur temps s’accumulent, mais sans provoquer d’ébranlement: l’idéologie de l’ADN sert trop bien les desseins lucratifs des industriels et de leurs bio-techniciens au savoir faire expéditif et limité. C’est en 2000 avec le séquençage du génome humain, que l’ébranlement se produit: notre espèce ayant trois à dix fois plus de protéines que de gènes, les biotechnologies n’ont plus de fondement scientifique. Ce sont de pures techniques qui transforment le monde en laboratoire.

Les biotechniciens reconnaissent les risques de leurs chimères en les minimisant. C’est oublier que personne n’échappera à l’agriculture et à l’alimentation chimérique et qu’un risque minime que l’on fait prendre sans les consulter à 6 milliards d’êtres humains et à leur descendance implique des catastrophes à une échelle sans précédent.

Ces clones chimériques sont brevetés. Le brevet permet de séparer légalement la production qui reste entre les mains des agriculteurs de la reproduction qui devient le privilège d’un cartel de fabricants d’agrotoxiques. Les êtres vivants doivent cesser de faire une concurrence déloyale aux semenciers sélectionneurs agrotoxiques. Ainsi,au nom du libéralisme, la Directive européenne 98/44 de “brevetabilité des inventions biotechnologiques” nous ramène-t-elle aux XVII et XVIIIè siècles lorsque les rois accordaient des privilèges à des groupes de marchands. Mais jamais les rois n’auraient osé accorder un privilège sur la reproduction des êtres vivants.

C’est pourtant ce que fait l’Union Européenne qui singe en cela les Etats-Unis, mais sans franchir le pas logique suivant: à quand la directive de la “police génétique pour faire respecter le privilège de fabricants d’agrotoxiques sur la reproduction des êtres vivants” ?

Tout esprit raisonnable refuserait de confier son avenir biologique aux fabricants d’agrotoxiques même lorsqu’ils se déguisent en “industriels des sciences de la vie”.

Ce bref rappel de l’histoire de la sélection et de la génétique agricole montre que les généticiens, sélectionneurs, agronomes scientifiques, prisonniers des illusions de la “méthode scientifique” et incapables de comprendre que l’objectivité résulte d’un processus de réflexivité critique, se sont constamment trompés en nous trompant, mais sans jamais se tromper sur les intérêts qu’ils devaient servir. Faut-il dès lors continuer à leur faire confiance ?

Ces chimères génétiques brevetées ferment de façon irréversible le mouvement historique désastreux d’industrialisation et de privatisation du vivant.

La gratuité: la modernité agronomique de l’avenir

Désastre: tous les écosystèmes ne sont-ils pas en train de craquer? Le système agroalimentaire actuel est fondé sur le pétrole bon marché. Généralisée à l’ensemble de la planète en 1984, notre pétro-agriculture et notre pétro-alimentation industrielles si performantes auraient épuisé dès 1996 la totalité des ressources pétrolières sans qu’une goutte aille aux transports ou au chauffage.11 Nous utilisons une dizaine de calories fossiles pour produire une calorie alimentaire, preuve, s’il en est, que nous avons tout faux. Cette parenthèse de pétrole bon marché est en train de se fermer.

L’agriculture industrielle est en train de tuer les sols, ces organismes vivants par excellence puisqu’ils concentrent 80% de la biomasse dans leurs 30 premiers centimètres – qu’il faut rapporter aux 6 400 kms du rayon de la Terre. Notre survie en tant qu’espèce dépend des soins – de l’amour - que nous apportons à cette pellicule “moléculaire” de vie. Les méthodes brutales de l’agriculture industrielle sont en train de la détruire. « La dégradation des terres sur de vastes étendues est actuellement le problème écologique le plus important qui se pose aux Etats, tant développés qu’en développement. » 12

Environ 2 milliards d’hectares de terre, soit environ 15% des terres émergées ont été dégradées par l’agriculture intensive et d’autres activités humaines.13 Quant à la biodiversité, le clonage la met à l’agonie.

En France même, dans bien des régions, on pratique déjà une agriculture en quelque sorte hydroponique, ou “hors-sol”, car ces sols ont été transformés en supports inertes d’où la vie a été éliminée par les engrais, les pesticides, les fongicides, les herbicides etc. La culture du maïs, plante industrielle par excellence, sur plus de trois millions d’hectares, est une catastrophe écologique.

Lors de la canicule de 2003, certains maïsiculteurs ont utilisé plus de 10 000 mètres cubes d’eau par hectare pour produire une centaine de quintaux – un mètre cube d’eau pour produire … un kilogramme de maïs ! Les eaux de surface et les nappes phréatiques sont empoisonnées. Ne parlons pas du patrimoine de pays et paysages construit par des générations de paysans déjà largement dévasté, de cette diversité miraculeuse de la France en voie d’anéantissement. Bref, le système agro-industriel est la négation même de l’agronomie.

Et il faudrait poursuivre avec les Clones Chimériques Brevetés (CCB) dans la voie de ce “progrès” ? La corruption de notre alimentation par l’agro-industrie - dont témoignent si bien les maladies “de civilisation” ( !) - cancers, obésité, asthme etc – n’est-elle pas suffisamment avancée qu’il faille en rajouter encore?

Au Kenya, le maïs est attaqué par une pyrale asiatique (un insecte foreur) et parasitée par une plante, la Striga.14 Les dégâts peuvent aller jusqu’à la destruction de la récolte. Le Centre International de Recherche sur la Physiologie des Insectes et l’Ecologie met au point des méthodes dites “push-pull” de lutte. Après avoir fait l’inventaire de associations de plantes utilisées par les paysans et les avoir étudié systématiquement, les chercheurs en ont retenu une. Elle consiste à cultiver en même temps que le maïs une légumineuse (Desmodium) qui éloigne la pyrale et empêche la Striga de pousser. Les légumineuses, on le sait, fixent l’azote de l’air et le mettent à disposition du maïs sous la forme d’un engrais directement assimilable. La pyrale repoussée par Desmodium est attirée par une ceinture étroite d’une graminée fourragère, l’herbe à éléphant (Pennisetum purpureum) qui entoure le champ de maïs. Lorsqu’elles pénètrent dans la tige, la plupart des chenilles sont tuées par le mucilage que produit cette graminée.

Ce superbe travail scientifique, auquel les paysans ont été associés, leur assure des récoltes de maïs abondantes et régulières sans achat d’insecticide ni herbicide ni engrais. Le cheptel augmente, contribuant à la fertilité du sol. Les ressources que dégagent cette production supplémentaire permettent d’envoyer les enfants à l’école.

Quelle catastrophe! Le bien-être des paysans augmente mais le PIB et les profits diminuent. L’Icipe et son directeur ont été accusés de vouloir priver les Africains des technologies “hi-tech”. Cette campagne de dénigrement a réussi: le Kenya a dit oui aux CCB. Le “hi-tech”, le maïs insecticide 15 de Novartis et de Monsanto, leurs herbicides et leurs engrais vont remplacer ces méthodes intelligentes, gratuites et durables de l’agronomie.

On ne trouve que si l’on cherche. Les ressources étant limitées, il faut faire des choix. Les investisseurs, drapés dans le manteau de l’intérêt public et avec l’appui de l’Etat et de ses chercheurs, imposent la voie la plus profitable aux dépens de l’intérêt public. Leur choix finit par marcher du fait de la puissance des techniques et crée une situation irréversible. Le fait accompli devient Progrès alors qu’il n’est qu’une régression. C’est précisément ce qui se passe sous nos yeux avec les CCB.

Concurrencer les Etats-Unis, l’Argentine, le Brésil ou l’Australie sur le terrain de la production agricole industrielle transgénique comme le veulent les partisans des CCB, c’est aller à la déroute. C’est le piège que les Etats-Unis tendent à l’Europe et dans lequel ses dirigeants la plongent au nom du “Pro-grès” - c’est-à-dire du Pro-fit. Refuser les CCB n’est donc ni de l’obscurantisme, ni de l’irrationalité, ni du passéisme, ni un refus de la vie qu’un syllogisme assimile au risque.16 Ce n’est pas une attitude anti-scientifique, mais l’exigence d’un retour aux principes fondateurs de la Science. Les CCB, triomphe du réductionnisme et du passéisme scientifiques, sont obsolètes.

Il est temps d’en finir avec les cloneries et clowneries du système agro-industriel si l’on veut préserver la diversité biologique et nourrir la planète. Il est temps d’en finir avec le système agro-industriel lui-même si nous voulons sauvegarder l’avenir pour les générations à venir.

«La pédanterie, observait Goethe, qui divise tout de manière inflexible et le mysticisme qui amalgame tout engendrent tous deux les mêmes calamités.» Les dépassant, une science à dimension humaine est possible et nécessaire: cette science de la gratuité s’appelle l’agronomie. Qu’elle ait disparu d’une société tout entière dominée par la marchandise, ne devrait étonner personne.

jpe.berlan@gmail.com

Notes

1. André Pichot. Dolly la clonesse, ou les dangers de l’insignifiance, Le Monde, 5 mars 1997.

2. A l’heure actuelle quelques soixante pays ont rejoint l’UPOV.

3. Le dépôt n’est maintenant plus nécessaire dans le cas de dispositifs mécaniques mais le reste dans le cas d’organismes vivants, par exemple les micro-organismes. En réalité, le traité de l’UPOV ne fait que mettre un vernis juridique sur le disposif imposé de facto au cours des années 1920 en France par les règlements et décrets pris par le ministère de l’agriculture sous la pression des sélectionneurs de céréales.

4. Les généticiens et sélectionneurs récusent, au nom de la biologie et de la précision du vocabulaire scientique l’utilisation du terme “clone” pour des plantes DHS. Il voudraient le réserver aux plantes obtenues par reproduction végétative, comme la pomme-de-terre. Outre qu’il est facile de parler de clone végétatif dans ce cas, il serait, selon eux, préférable d’utiliser le terme “variété” pour désigner le contraire ! En réalité, le terme “clone” révèle les valeurs implicites, économiques, sociales, voire politiques auxquelles ces sélectionneurs et généticiens se conforment le plus souvent sans en avoir conscience, tout en prétendant agir au nom de l’objectivité scientifique et de la philanthropie.
5. David Ricardo (1772-1823), banquier et principal fondateur de l’économie politique, schématise en trois classes la structure très particulière de la société et de l’économie britannique : les propriétaires fonciers qui touchent une rente de la location des terres, les capitalistes investisseurs (dont les fermiers capitalistes -les gentilshommes-agriculteurs) qui louent les terres, y investissent leur capital pour y produire un profit, et tout le reste qui doit disposer de suffisamment de subsistances pour survivre.

6. Percival J. The Wheat Plant. (London, Duchworth and Co., 1921. 463 pp., p.78.1921:78)

7. La distinction entre recherche publique et recherche privée est largement surfaite. En réalité la première fait les travaux non directemen* Shull G. H. Hybrid seed 8. A partir des années 1935, plus d’un quart de siècle après l’invention de Shull (1908-1909), et après une mobilisation sans précédent et exclusive de la recherche publique en faveur des “hybrides” de Shull, ces derniers commence leur conquête de la Ceinture de Maîs. En 1946, plus de 90% de la sole de maïs est en “hybrides”. Pour les spécialistes sélectionneurs et généticiens, c’est la preuve que le clonage permet d’améliorer le maïs. C’est ,une fois de plus, faire preuve de beaucoup d’ignorance et de légèreté scientifiques. Il n’entre pas dans le cadre de cette article d’expliquer comment la mystification originelle de Shull a amené toute une communauté scientifique à commettre une série d’(auto)- mystifications emboitées les unes dans les autres comme des poupées russe pour9. On peut prévoir qu’a10. Dans les années 1920, aux Etats-Unis, le maïs est semé à raison de 0,08 quintaux/ha. Supposons que “l’hybridation” apporte un gain de 2 quintaux/ha (10% d’un rendement de 20 q/ha). Un quintal de semences “hybrides” apporte un supplément de production de 2 quintaux./ha multiplié par le nombre d’hectares (1/0,08= 12,5 ha) semés avec un quintal de semences, soient 25 quintaux. En supposant qu’il n’y a aucun coût supplémentaire de production, le gain de production apporté à l’agriculteur par l’achat de 1 quintal de semences “hybrides” est aussi le prix maximum qu’il est prêt à payer pour un quintal de semences “hybrides”. Pour le semencier disposant du monopole de la production de semences “hybrides”, il s’agit de pratiquer une politique commerciale et un prix lui permettant de s’approprier une part aussi grande que possible des 25 quintaux de gain de production. D’une part, ces semences captives sont beaucoup plus coûteuses à produire que des semences libres. D’autre part, il doit maximiser son taux de profit. Même si les semences “hybrides” sont 5 ou 6 fois plus coûteuses à produire que des semences libres (le grain récolté et trié), ce coût ne représente qu’un fraction du gain de production que l’achat de semencesPrenons maintenant le cas du blé semé à l’époque à raison de 1 q/ha. Un même gain de rendement/ha de 10%, soient 2 quintaux, apporté par l’achat d’un quintal de semences “hybrides” se traduit par une augmentation de la production dans le champ de l’agriculteur de 2 quintaux seulement. Pour que des semences de blé “hybride” offrent les mêmes perspectives de profit que celles du maïs, il faudrait qu’elles apportent un gaiCes calculs simplifiés démontrent que le taux de multiplication de l’espèce défini comme le rapport entre le rendement par hectare et la quantité de semences semées par ha joue un r&oci14. F. Koechlin, Organic Research, an african success story, film du Blueridge Institute sur le Centre International de Recherche sur la Physiologie des Insectes et l’Ecologie (ICIPE).

15. Selon une estimation grossière (“best guess”) de Ch. Benbrook, ancien secrétaire de la section agronome de l’Académie Nationale des Sciences des Etats-Unis (correspondance personnnelle), un champ de maïs ou de coton Bt produirait de « 10 000 à 100 000 fois plus d’insecticide Bt que ce qu’utiliserait un agriculteur employant de façon intensive des traitements Bt.»

16. « Le risque apparaît avec la vie, le risque zéro n’existe pas sinon dans un monde mort » Jean-Marie Lehn cité par le Président du Tribunal de Valence dans ses attendus du 8 février 2002 (p. 4) condamnant à des peines de prison ferme trois participants à la destruction d’une parcelle de maïs transgénique en août 2001 dans la Drôme.

Cet essai était destiné à tester une stérilité mâle génique pour supprimer la castration manuelle dans la production de semences de maïs « hybride » (une source de revenu pour les jeunes ruraux au moment des vacances). Il était donc destiné à accroître encore les profits du semencier aux dépens des ruraux.

Encart 1. Homozygote, hétérozygote, et ségrégation mendélienne:

quelques notions de base

Les plantes et les mammifères héritent de chacun des parents d’un jeu de chromosomes qui portent les gènes. Un gène se présente sous la forme de versions différentes, souvent très nombreuses, que l’on peut désigner par A1, A2, …A3 pour les allèles du gène A, B1, B2, … B3, pour les allèles du gène B, C1, C3… pour le gène C etc. Une plante est homozygote lorsqu’elle hérite des mêmes allèles de ces deux parents. Ainsi la plante A1A1 B3B3 C2C2… est-elle homozygote (elle a reçu de ses parents des gamètes ou zygotes identiques A1 B3 C2……) tandis que la plante A1A2 B3B1 C2C3… est hétérozygote car elle a reçu de ses parents des gamètes différents A1 B3 C2 … de l’un et A2 B1 C3… de l’autre.

Lorsqu’une plante homozygote s’autoféconde, la descendance est génétiquement identique à la plante parentale. Certaines plantes comme le blé ont une forte tendance à s’autoféconder. La plante mère fournit à la fois le pollen et l’ovule de sa descendance. De telles plantes sont dites autogames. Elles sont le plus souvent homozygotes pour la raison qui est exposée ci-dessous. La descendance d’une plante autogame homozygote est génétiquement identique à la plante mère. En effet, la plante A1A2 B3B1 C2C3… produit des zygotes génétiquement identtiques A1 B3 C2… qui fusionnnent pour donner à nouveau la plante A1A2 B3B1 C2C3…

Lorsqu’une plante hétérozygote s’autoféconde la situation est différente. Prenons l’exemple d’une plante hétérozygote à un gène et deux allèles A1, A2. Elle émet en nombre égal les gamètes A1 et A2 . Ces gamètes fusionnent pour donner en nombre égal les plantes A1A1 , A1, A2 + A1, A2 et A2A2. On observe donc que le pourcentage de plantes hétérozygotes A1, A2 a diminué de moitié. Il n’est plus que de 50%. Dans le cas d’une plante hétérozygote, l’autofécondation réduit l’hétérozygotie de moitié. Si l’autofécondation se poursuit, la plante devient de plus en plus homozygote. Ce qui explique pourquoi les plantes autogames comme le blé sont très souvent homozygotes et “breed true to type”. Ce qu’avaient observé les gentilshommes agriculteurs anglais.

Il n’est pas nécessaire d’en savoir plus pour en finir avec les mystifications de la génétique agricole et de la sélection.

Encart 2. L’Hétérosis Inexpliquée et Inexpliquable

Voici un échantillon de ce que les officiants généticiens et sélectionneurs ont dit de l’hétérosis.

Inexpliqué: Annonce du Symposium : «... nous ne comprenons vraiment pas grand chose à la génétique, à la physiologie, la biochimie et aux bases moléculaires de la vigueur hybride» (J.D. Eastin et al., CIMMYT p. 174).
Différents auteurs :

«Les mécanismes génétiques à la base de l’hétérosis sont largement inconnus.» (Coors J. G., CIMMYT, p.170)

«Que connaissons-nous réellement à propos des bases biologiques et des mécanismes de l’hétérosis ? Très peu.» (Tsaftaris A.S. et al., CIMMYT p. 112)

«Les causes de l’hétérosis aux niveaux physiologiques, biochimiques, et moléculaires sont aujourd’hui aussi obscures qu’au moment de la Conférence sur l’hétérosis de 1950.» (Stuber C. W. , CIMMYT p. 108)

«Bien que l’hétérosis ait été au centre de nos préoccupations pations pendant de nombreuses années, le phénomène n’est pas mieux compris maintenant qu’à l’époque du livre célèbre de Gowen, il y a 45 ans.» (Phillips R. L, CIMMYT p. 350).

« L’hétérosis, un exemple remarquable d’une technologie au service de l’agriculture. A la différence de nombreuses biotechnologies clefs, cependant, ses bases biologiques sont mal comprises...» (Goldman, CIMMYT p.4).

«Bien que l’on ait étudié l’hétérosis pendant quatre-vingts ans, les causes biochimiques en sont restées virtuellement aussi obscures qu’il y a des années.» (A. Dogra, J.A. Birchler, E.H. Coe, CIMMYT p. 34) Etc. etc.

Inexplicable: «Les bases génétiques exactes de l’hétérosis ne seront peut-être jamais connues ni comprises (...)» (Hallauer Arnel R., CIMMYT p.350) . Mais : «Ce fait n’a pas empêché et ne doit pas empêcher d’en poursuivre l’utilisation». (Stuber 1994).

«Bien qu’on n’ait pas déterminé les bases génétiques exactes de l’hétérosis, on a mis au point des méthodes empiriques pour capitaliser (sic) et exploiter l’hétérosis exprimé dans les croisements de maïs.» (Sprague 1946; Richey 1950).

Et le plus beau: « ... L’exploitation du phénomène mal compris de l’hétérosis est un excellent exemple d’un marqueur pragmatique entre la science et la technologie au service de l’agriculture et l’humanité » (Goldman, CIMMYT p.5) ...

Toutes ces citations sont tirées de CIMMYT. 1997. Book of Abstracts. The Genetics and Exploitations of Heterosis in Crops; An International Symposium. Mexico, D.F., Mexico.