Qu'est ce que l'écologie politique
Jean-Louis Gueydon
Ces temps-ci, l’évolution des relations entre la politique et l’écologie me laisse rêveur. Certes, il y a eu le succès d’Europe Écologie aux européennes, mais le plus étonnant, c’est ce qui a suivi ce scrutin, qui révèle la grande difficulté des politiciens à se mettre à l’écologie. On a vu en effet une gauche qui se dit écologiste ironiser sur le vote « écolo-bobo » et les luttes intestines des Verts, tout en montrant qu’elle continue à faire passer le social et l’emploi bien avant l’écologie. On a vu la droite récupérer une fois de plus l’écologie, mais en la réduisant au verdissement du business, une belle entourloupe, car jamais la production massive de gadgets inutiles et la mondialisation effrénée des échanges ne seront écologiques. À l’évidence, ni les uns ni les autres ne sont réellement écologistes car, pour l’être, il faudrait qu’ils se sentent effectivement concernés par l’extinction massive des espèces, qu’ils choisissent de vivre simplement, qu’ils sortent de l’anthropocentrisme, et qu’ils abandonnent la priorité obsessionnelle attribuée à l’économie, ce qu’ils semblent bien incapables de faire. Certes, il faut avoir de la compassion pour ces pauvres politiciens : ménager la chèvre et le chou, c’est bien difficile quand on n’est pas écolo, et il faut avouer qu’au fond même si tout le monde s’accorde sur la non-durabilité du système actuel personne ne sait vraiment par quoi le remplacer.
Alors souhaitons-leur de rester modestes, d’admettre leur ignorance face aux changements qui viennent, et de cesser de proposer des solutions qui n’en sont pas. Espérons qu’ils prendront conscience de leurs barrières mentales, de leurs archaïsmes, à droite comme à gauche. Et qu’ils cessent de se référer au passé face à une crise qui demande d’inventer du neuf, et rapidement. Et s’ils ne savent pas où aller, souhaitons qu’au moins ils y aillent en préservant notre capacité à « vivre ensemble », ce qui est le minimum à attendre de la politique. Car le contexte pourrait bien devenir plus difficile pour ce « vivre ensemble ». Non pas du fait d’un écoterrorisme prédit par la droite (aujourd’hui du domaine du fantasme policier), mais plutôt par le développement d’un écototalitarisme d’État générant une prolifération d’interdictions dans tous les domaines de la vie quotidienne, accompagnée d’une répression musclée.
C’est pourquoi la question politique concrète la plus importante qui se pose aujourd’hui aux écologistes, qu’ils soient de droite ou de gauche, est celle de la démocratie, c’est-à-dire la façon dont seront prises et appliquées les décisions concernant l’environnement, dans un contexte d’urgence, et de façon à préserver au mieux la justice et la paix sociales. Et plus précisément, puisque la défense de l’environnement passe nécessairement par une relocalisation de la production et des échanges, la façon dont sera animée ou plutôt réanimée une véritable démocratie locale. Non pas dans le sens habituel d’une délégation de pouvoirs à des élus locaux plus ou moins compétents, mais plutôt dans celui d’une réappropriation par les citoyens eux-mêmes des décisions concernant leur vie quotidienne, et cela au plus proche du terrain, dans le but de reprendre le contrôle de leurs vies, qu’ils n’ont que trop abandonné aux institutions et aux multinationales. Ce qui veut dire s’organiser localement, démocratiquement, dans la justice et la solidarité, pour produire et consommer, se nourrir, s’éduquer, construire, etc. Investir les conseils municipaux, pratiquer systématiquement des référendums locaux, mettre en place des monnaies locales, des filières courtes, etc. Bref, réinventer de véritables « communautés » autogouvernées.
Oublions donc les jeux d’appareils et les alliances d’éléphants au niveau national. Oublions la politique spectacle. Construisons plutôt une vraie démocratie locale au plus près de la réalité du terrain. Cela et seulement cela sera de l’écologie politique. Et puis mettons-y un peu moins de mental organisateur et un peu plus de poésie et de féminin… Portons sur nos voisins et les êtres vivants qui nous entourent un regard plein de douceur et de respect. Car n’est-ce pas aussi cela, le b.a.-ba du vivre ensemble ?
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