Une Histoire Alternative du Graal
Pour défier et vaincre le Mensonge Paternel
6. Les Guerriers Spirituels du Graal
John Lash
La Diaspora des Survivants des Mystères
Il y a environ 800 ans, un philosophe scolastique vivant à une centaine de kilomètres de l'endroit où j'écris ces lignes s'émerveilla de l'étendue de la renommée du Roi Arthur, de sa compagnie de chevaliers et de la quête du Graal:
“Existe-t-il une région au sein de l'Empire Chrétien en laquelle ne soient pas parvenus les éloges d'Arthur le Breton? Qui, demandai-je, ne parle pas d'Arthur le Breton car il est à peine moins connu des peuples de l'Asie que des Bretons si l'on en croit nos pèlerins qui reviennent des contrées de l'Orient? Les peuples de l'Orient parlent de lui comme les peuples de l'Occident malgré qu'une grande distance les sépare. L'Egypte parle de lui et le Bosphore ne reste pas silencieux. Rome, la cité des reines, chante ses exploits et ses batailles ne sont pas inconnues de Carthage, son antique rivale. Antioche, l'Arménie et la Palestine célèbre ses prouesses.”
Alanus ab Insulis ou Alain de Lille (1128?-1202) s'exprimait ainsi sur la place du marché de Lille. Il vivait à l'époque de l'apogée de la littérature médiévale en Europe, à l'aube de ce que Joseph Campbell (Creative Mythology) appela “une période mythogénétique unique”: le 13 ème siècle. Le passage ci-dessus est extrait du commentaire d'Alain sur les Prophéties de Merlin rédigées par Geoffroy de Monmouth, un évêque Gallois, historien et passionné de mythes qui contribua considérablement à l'élaboration du cadre quasi-historique de la matière Arthurienne.
Comment pouvons-nous expliquer la vaste renommée du roi Arthur? Et que peut nous enseigner, aujourd'hui, cette antique matière Arthurienne?
La Rupture de la Transmission
Rappelons une des perceptions essentielles de l'histoire parallèle que nous souhaitons développer dans ces leçons: les Mystères de l'antiquité Païenne survécurent dans la matière Arthurienne, particulièrement dans la quête du Graal. Jessie L. Weston, dans From Ritual to Romance, explicita cette notion clairement et Cavendis, Loomis, ainsi que d'autres érudits Arthuriens, l'affirment constamment. Je n'ai pas inventé cette connexion. Je propose, néanmoins, de la modifier et de l'approfondir.
Pour être plus explicite, le Graal recherché n'est pas un objet, ou une relique, mais l'expérience directe de la Lumière surnaturelle perçue par les initiés des Mystères. Il est vrai que le Graal peut signifier de nombreuses choses pour de nombreuses personnes. Tous les érudits, de John Campbell à John Matthews, insistent sur le fait qu'il n'existe pas seulement un Graal. Mais on peut également penser que le Graal est uniquement et suprêmement une seule chose: la Lumière Organique, le corps de substance primordiale de Sophia. Il est à la fois une chose unique et beaucoup de choses, comme les alchimistes ne se fatiguèrent jamais de le dire.
Considérons également le fait historique, et attesté par les sources écrites, que les initiés firent voeu de ne jamais dévoiler l'expérience suprême des Mystères: l'instruction par la Lumière Organique. Certains, cependant, décrivirent une lumière. Il existe des témoignages qui sont rares mais clairs, et de première main, d'une luminosité sublime. Malgré cela, aucun récit n'a survécu expliquant, en termes explicites, comment la Lumière instruisait ceux qui la contemplaient. La demi-douzaine de cas où le voeu semble ne pas avoir été respecté ne mentionnent pas la divine mathesis, l'enseignement par la Déesse Sagesse. Il semble plutôt que quelques inepties concernant les rites externes aient été proférées par des individus du type d'Alcibiades, le jeune ami téméraire de Socrates, et d'autres. (A ce sujet, voir Burkert, Ancient Mystery Cults).
Ainsi, le coeur de l'expérience, dont dépendait la transmission des Mystères, ne fut jamais dévoilé, jusqu'à maintenant.
La transmission des Telestai fut, cependant, brisée et la tradition millénaire des Mystères fut interrompue. Afin de comprendre comment cela est arrivé, ou plus précisément comment cela fut provoqué de façon délibérée, il nous faut accepter de prendre en considération des hypothèses concernant ce qui s'est passé à l'aube du Moyen Age, hypothèses qui sont fondamentales pour l'histoire parallèle et qui ne peuvent pas toujours être validées par les méthodes de l'histoire conventionnelle. Nous pouvons, par exemple, assumer que certains groupes, au fait de la méthode de transmission, souhaitaient la voir détruite. Je suggère que ce fut un acte délibéré de violence contre le secret le plus intime des Mystères. On peut aisément inférer une telle situation à partir des événements connus de l'histoire.
Barbara Walker (A Woman's Encyclopedia of Myths and Secrets) attribue carrément les Ages Sombres à la suppression, par les Chrétiens, de la vie intellectuelle et de la culture spirituelle Païennes. (J'insiste sur le fait que cette suppression fut intentionnelle, forcée et généralisée et pas simplement due à la préférence d'un système de croyances par rapport à un autre). Les campus des Mystères préservaient et transmettaient des connaissances dans toutes les sphères de la vie et accompagnaient aussi les différents corps de métiers. (Souvenons-nous de la leçon 2, pour ce qui concerne le “principe de Lohengrin” et la tentative, par la noblesse Européenne, de soutenir les corps de métiers, comme cela avait été fait par l'intelligentsia Païenne durant la période classique). Des temples étaient construits autour des anciens sites mégalithiques et les institutions d'enseignement du monde classique se développaient autour de ces temples. Les institutions attachées aux Mystères étaient chargées de puissance de vie et d'inspiration. A l'époque où vivait Hypatia, l'orateur Romain Libanius écrivit à l'Empereur Théodosius:
“Les moines se répandent comme des torrents dans la campagne; et en détruisant les temples, ils détruisent en même temps les campagnes. Car ôter d'une région le temple qui le protège est comme arracher son oeil, la tuer, l'anéantir. Les temples sont la vie même de la campagne et autour d'eux sont bâtis les maisons et les villages et sous leur protection, des générations ont été élevées jusqu'à ces jours”. (Pro Templis 30:8, dans Gregory Shaw, Theurgy and the Soul, Pennsylvania State University, 1995).
En 386, Théodosius interdit le culte des dieux Païens dans les sanctuaires locaux et autorisa leur pillage et leur occupation par les moines Chrétiens. Chaque temple et chaque campus était menacé. Les bibliothèques furent les premières détruites, bien évidemment. Cela demanda à peine deux siècles pour ruiner ce qui s'était construit pendant plus d'un millénaire - à savoir, l'héritage encyclopédique littéraire des Mystères, qui fut principalement développé en langue Grecque dès le 7 ème siècle avant EC. Une des façons de détruire la chaîne de transmission fut d'envahir les sites d'enseignement et d'apprentissage et d'éradiquer les ouvrages, les manuels, les guides, etc. Ce fut un acte délibéré de génocide culturel et spirituel sur une vaste échelle.
Mais qu'en est-il de l'expérience centrale qui produisit toute cette connaissance enseignée dans ces lieux et consignée dans ces ouvrages? On pourrait dire que l'expérience d'initiation, en tant que telle, n'était pas vulnérable à une attaque. La rencontre avec la Lumière était, et est encore, quelque chose qui ne peut pas être violée ou détruite. Il est vrai, mais ceux qui connaissaient cela auraient pu être visés par d'autres qui les connaissaient. Est-ce concevable? Se pourrait-il que des initiés, qui comprenaient la principale méthode de transmission des Telestai, c'est à dire, l'instruction par la Lumière, aient voulu l'éradiquer ou éliminer ceux qui le préservaient et la transmettaient? On peut le concevoir dans la perspective d'une lutte de pouvoir au cours de laquelle certains, qui avaient été initiés, se retournèrent contre le travail fondamental des Mystères, à savoir la transmission de l'instruction et de la culture, des métiers de base comme la maçonnerie et l'apiculture jusqu'aux phases les plus élevées de la coévolution Gaïenne. En s'opposant au “Grand Oeuvre”, comme il en vint à être nommé dans la tradition alchimique, ils se seraient aussi opposés à la source de l'Oeuvre. Détruire les temples et les campus, c'était s'attaquer de l'extérieur aux Mystères.
Une éradication plus totale aurait exigé de pourchasser les gardiens de la tradition, ceux qui connaissaient l'accès à la Lumière et guidaient les autres vers cette expérience.
Les institutions et la source de l'Oeuvre ayant été détruits, il aurait été possible d'imposer un système totalitaire de contrôle social, culturel et spirituel fondé sur le Mensonge Paternel. Ce serait une entreprise cruelle et démente mais avec l'opposition réduite au silence, racines et branches, les chances de succès étaient plus que certaines. Et sans résistance ou critiques, les dominateurs pouvaient rédiger l'histoire de leur succès, le “triomphe sur le Paganisme”, tout en perpétrant les crimes nécessaires à ce triomphe.
L'histoire conventionnelle et le script du Mensonge Paternel sont en totale collusion.
Un Fait Totalement Avéré
Ce qui se passa ensuite n'est pas difficile à imaginer. Les gardiens s'enfuirent. Durant le siècle qui suivit l'enfouissement des Codex de Nag Hammadi aux alentours de 345, les derniers initiés survivants partirent se cacher. On pourrait, à juste titre, les appeler les gardiens du Graal car ils préservèrent à la fois la méthode d'instruction par la Lumière et la connaissance ainsi acquise. (Je veux dire qu'ils préservèrent un certain corpus de connaissances des Mystères: cosmologie, parapsychologie, les canons de la musique et des mathématiques, pratiques shamaniques, etc. Par la nature même de la divine mathesis, une telle connaissance se développait, se transformait, se diversifiait, se raffinait: l'instruction sacrée était un processus sans fin).
Comment et où s'enfuirent-ils et que firent-ils dans les siècles qui suivirent? C'est un récit non consigné de l'histoire parallèle.
Il n'existe que peu d'indices quant au destin des gardiens du Graal à la suite de la destruction d'Eleusis et des autres sanctuaires. En l'an 400, lorsqu'Hypatia assuma sa charge au Musée d'Alexandrie, l'historien Eunapius de Sardis reportait que les moines Chrétiens “vivent comme des cochons dans les sanctuaires”. (Lives of the Sophists. 472). De nombreux témoignages anciens décrivent ce qui se passa sur les sites sacrés mais ne décrivent rien quant au sort de ceux qui les maintenaient. A moins qu'ils ne fussent assassinés, comme Hypatia le fut, nous ne savons que peu de choses ou rien à leur sujet. L'historien de l'Eglise du 5ème siècle, Socrates Scholasticus, qui laissa un récit du meurtre d'Hypatia, décrivit les disciples Païens du temple de Sérapis à Alexandrie combattant pour défendre le site et peut-être même tuant quelques Chrétiens en se défendant. A part cela, et quelques autres récits très rares, il n'existe aucune évidence de ce qui arriva aux gardiens du Graal ou de la manière dont ils réagirent à ce qui les frappait.
A savoir, aucune évidence historique. Il en existe, cependant, beaucoup de preuves littéraires et légendaires. Dans un commentaire sur le vaste corpus de matière Arthurienne, l'éminent érudit Geoffrey Ashe écrivit (je paraphrase) qu'il n'existe pas de preuve qu'Arthur, ou toute autre personne, ait en fait existé mais que l'existence de toute cette connaissance qui les entoure est un fait totalement avéré. En d'autres mots, le corpus immense de matière Arthurienne survivante est une sorte de preuve factuelle de quelque chose - et je dirais, une preuve de l'existence des gardiens du Graal, ceux qui survécurent à l'éradication des Mystères.
Cette prémisse exploratoire étant acceptée, nous pouvons procéder à développer l'histoire parallèle en partant de l'hypothèse que tout ce qui a contribué à générer la matière Arthurienne et à façonner l'époque et l'environnement dans lesquels elle apparaît, nous révèle quelque chose sur ce qui est arrivé aux gardiens survivants des Mystères. Il se peut que cela nous révèle aussi quelque chose quant à ce que réalisèrent les gardiens du Graal, par exemple quelles furent leurs réactions face à la destruction de leur tradition par la violence.
Diaspora Païenne
Il est, maintenant, absolument essentiel de souligner que les initiés qui maintinrent les Mystères dans le monde classique n'avaient pas de ligne de défense. Les telestai enseignaient de nombreuses disciplines et la gymnastique doit avoir été incluse dans les Ecoles des Mystères mais il semblerait que les arts martiaux ne faisaient pas partie du curriculum. Il y eut des cas rapportés d'auto-défense spontanée, comme nous l'avons déjà souligné, mais dans l'ensemble, ni les gardiens des Mystères, ni les néophytes dans les cellules, ni les étudiants dans les écoles, ni les artisans des ateliers, ne furent instruits dans les arts de l'auto-défense d'une façon comparable, disons, aux moines Shao Lin en Chine, ou aux moines Zen au Japon. Il semble que la fonction de guerrier spirituel faisait totalement défaut pour ce qui concerne les Mystères Européens, Levantins et Egyptiens.
Que les Mystères ne fussent pas défendus physiquement, provenait peut-être du fait que ceux qui les maintenaient n'avaient pas été formés dans les arts martiaux. Pour une raison quelconque, cela ne faisait pas partie de la tradition millénaire. (L'exception qui confirme la règle: l'Empereur Marc-Aurèle, connu pour avoir été un initié Eleusinien, écrivit ses splendides Méditations alors qu'il combattait les tribus de Barbares le long du Danube. Il est ironique que l'unique personne à laisser un récit d'éthique inspirée des Mystères ait été un guerrier). En raison d'un manque total de défense organisée et entraînée, les Mystères furent aisément abattus sous le choc de l'agression brutale du Christianisme Romain. En 410, cinq années avant le meurtre d'Hypatia, les Goths dévastèrent Rome. A cette époque, tous les temples principaux et les campus du réseau des Mystères avaient été détruits ou envahis.
453, l'année de la mort d'Attila, fut aussi l'année qui marqua la fin de l'oracle des douze vautours vus par Romulus, le fondateur légendaire de Rome. Les historiens attribuèrent un siècle à chaque vautour; d'où 1200 années pour la durée de l'Empire. De la fondation de Rome en 754 avant EC (selon Varron et d'autres), cela nous amène à 453 EC. Nous reviendrons sur cette date plus avant.
Maintenant voyons le coeur de notre drame, le noeud caché de l'histoire parallèle: la diaspora des gardiens du Graal, ceux qui préservèrent la méthode sacrée d'instruction par la Lumière. Ils fuirent. Mais où? Comment? Quand?
Le Façonnage d'Arthur
J'ai proposé, ci-dessus, que dans le développement de la matière Arthurienne nous puissions suivre les survivants des Mystères. La “matière” (le matériau littéraire) est le fait légendaire, supporté par une évidence textuelle massive et le sort des survivants est un événement caché dans l'histoire parallèle pour lequel il n'existe que peu ou pas de preuve historique. Nous dépendons donc sur “le fait totalement avéré” de la tradition littéraire pour en arriver aux faits inconnus et non consignés. Dans ces leçons, il nous faut scinder notre regard en gardant un oeil sur l'évidence des légendes médiévales et l'autre oeil sur les événements non enregistrés qui sont reflétés dans ces légendes. C'est comme si nous regardions quelqu'un se déplacer - observant chacun de ses pas - en suivant le reflet de son mouvement dans un long miroir tortueux et embué.
Quelle est donc l'indication première et la plus ancienne concernant Arthur, dont la renommée était si grande? Dans le façonnage de ce personnage, nous allons trouver les premières traces des Telestai après la suppression des Mystères en Egypte, au Levant, en Espagne, en Grèce et en d'autres contrées de l'Europe. Cela peut aider de rappeler que le Christianisme pénétra en Europe à partir de la Palestine et qu'il se répandit ensuite de Rome à travers toute l'Europe en s'étendant comme une tache vers le nord et vers l'ouest. Les dernières contrées à être atteintes par le Christianisme furent les régions occidentales de l'Irlande, du Pays de Galles et de l'Ecosse. C'est là précisément où le personnage d'Arthur émergea et où la matière Arthurienne possède ses racines.
Les gardiens des Mystères s'enfuirent, bien sûr, dans la direction qui les éloigna de leurs persécuteurs. Ils cherchèrent refuge dans ces régions de l'Europe qui étaient vierges de l'influence Chrétienne et difficiles d'accès. Il n'est pas difficile d'imaginer comment ils auraient procédé. Je renvoie les lecteurs à mon argumentation (développée longuement dans mon ouvrage Not in His Image) selon laquelle la société Celtique fut la “culture gardienne” de l'Europe pré-Chrétienne. Elle unifia les peuples indigènes des côtes de l'Irlande et des Orkneys jusqu'à Galacia dans l'Anatolie en Turquie. De plus, les Druides, la classe des prêtres des Celtes, étaient d'authentiques Telestai, à la culture encyclopédique, qui parlaient plusieurs langages et écrivaient en Grec. Ils étaient très connus en Grèce et en Egypte. A Alexandrie, à l'époque d'Hypatia, il y avait même “un groupe d'étude” qui se consacrait à la préservation de la tradition Druidique. Les prêtres des Mystères d'Hybernie, célébrés à Stonehenge dans le Sommerset et à Callanish sur Lewis dans les Hébrides, étaient périodiquement en contact avec leurs collègues au sanctuaire Apollinien de Delos dans les Iles Grecques. (Pour les relations Druidiques avec les cultes des Mystères Méditerranéens, voir l'ouvrage de Geoffrey Ashe, Avalonian Quest. Les connexions sont impressionnantes et il en existe de nombreuses preuves).
Cela aurait été une solution des plus évidentes: les relations Druidiques avec les Mystères Hellénistiques fournissaient un “passage souterrain”, tranquille et très parcouru, pour les gardiens du Graal qui fuyaient les assauts des autorités Chrétiennes Romaines. Il s'ensuit, donc, que la première preuve de l'activité des gardiens allait se manifester dans la tradition Arthurienne des “îles de l'ouest”, des Hébrides. Les sources de cette tradition sont des faits littéraires pointant vers des événements historiques non consignés, des développements clés dans l'histoire parallèle.
Quiconque étudie la matière Arthurienne connaît la même litanie de sources: Gildas, Aneirin, Nennius, Geoffroy de Monmouth, Giraud de Cambrie, Wace, Layamon, Malory. Ces noms, qui couvrent des siècles, indiquent le développement de la légende du Roi Arthur et de la Table Ronde. La première mention du nom d'un chef guerrier local appelé Arthur provient du Goddodin, un poème Gallois attribué au barde Aneirin aux alentours de 600 EC. (avant lui, le moine Britannique Gildas, écrivant autour de 540, décrivit la résistance des populations locales d'Angleterre contre les Saxons mais ne nomma pas Arthur spécifiquement). A la fin de la litanie vient le nom de Sir Thomas Malory qui écrivit Le Morte d'Arthur aux alentours de 1471. Il fut publié en 1485 en Anglais par William Caxton.
Donc, de 540 à 1485, cela fait presqu'un millénaire de tradition Arthurienne en partant du premier vague indice jusqu'à l'épique littéraire achevée en style Renaissance (à savoir style Hollywood). La littérature Arthurienne évoque toujours des événements qui lui sont ultérieurs. Selon Geoffroy Ashe, la date la plus sûre et la plus fondée pour le personnage historique d'Arthur est la fin du 5 ème siècle, c'est à dire après 450. Rappelons-nous de la date mentionnée ci-dessus de 453, la dernière année de l'oracle des douze vautours. Avec la fin de l'Empire Romain, le destin des Mystères était scellé mais en même temps que l'Empire expira, les Mystères furent transplantés.
Durant des siècles, tout le monde classique, y compris les Mystères, avait été protégé par la stabilité de l'Empire. A la suite des campagnes de Jules César aux alentours de 55 avant EC, les Romains gouvernèrent et défendirent la Grande Bretagne durant cinq siècles. De par la chute de l'Empire, les peuples indigènes Bretons (dont les Gallois) durent se défendre par eux-mêmes. Les Annales Galloises de Giraud de Cambrie (compilées vers 950) situèrent la bataille décisive de Badon Hill, où les Gallois se défendirent contre les envahisseurs Saxons, à 516 mais elle eut lieu probablement avant. (Cavendish, King Arthur and the Grail, page 7). Arthur figura comme le chef guerrier qui défendit le Pays de Gales dans cette bataille. Il émerge dans l'histoire au moment même où les survivants des Mystères étaient en train de se réfugier dans les Iles Britanniques.
Chez Wolfram et d'autres, nous apprenons que Perceval était originaire du Pays de Galles. En Vieux Français, il était appelé Perceval le Gallois. Le mot Français Galles est, bien sûr, corrélé aux mots Gaulle, Gaulois, etc, une ancienne appellation pour les Celtes vivant dans ce qui est maintenant la France. Cela implique que quelque chose d'essentiel à la protection Celtique du Graal était situé dans l'arrière-pays Gallois et non pas en Gaulle, sur le continent. En d'autres mots, la connexion décisive entre les gardiens en fuite et la culture indigène qui les accueillit se manifesta au Pays de Galles. Dans l'histoire parallèle, Arthur fut le héros indigène qui se consacra à la mission de protéger les gardiens du Graal parce que cela s'accordait avec son rôle prédestiné de défenseur de sa terre natale, le Pays de Galles.
Nous commençons, maintenant, à percevoir l'entrelacement profond de ces noms légendaires et de ces allusions régionales archaïques...
Table d'Initiation
Que se passa-t-il donc au Pays de Galles et quand? Selon Ashe et d'autres, un Druide Gallois nommé Myrdhin conseilla à un chef local nommé Arthur d'organiser sa troupe hétéroclite de guerriers en un groupe qui en vint à se faire connaître sous le nom de Table Ronde. Les guerriers locaux avaient leurs propres idées concernant leur organisation, bien sûr. Ils se battaient en bandes soudées par des loyautés personnelles et des liens familiaux. Ils s'identifiaient avec passion avec les régions locales qu'ils défendaient. Le mot “Welsh” est en fait une insulte proférée par les envahisseurs Angles et Saxons à l'encontre des peuples indigènes locaux. Il signifiait “étranger, quelqu'un que l'on ne connaît pas”. Les envahisseurs Anglo-Saxons, qui considéraient la prise de la Grande-Bretagne comme leur plein droit, voyaient les peuples indigènes comme des étrangers qui devaient être déplacés. A cette époque, les peuples natifs du Pays de Galles se nommaient eux-mêmes les Cymri et les Gallois se donnent encore ce nom de nos jours.
(Le mot Cambrien dérive de la forme Latine du nom Gallois. Incidemment, ou peut-être pas, Cambrien est un terme géologique emprunté aux strates vieilles de 550 millions d'années au Pays de Galles. Il fait référence à une époque de l'évolution Gaïenne durant laquelle la terre semble avoir ressuscité une énorme diversité d'espèces disparues; d'où l'expression “explosion Cambrienne”. A la fois en géologie et dans les légendes, le Pays de Galles semble être un lieu de résurgences profondes.)
Bien que les clans guerriers des Cymri fussent organisés le long de lignes défensives, le Druide Myrdhin, alias Merlin, avait autre chose en tête. En tant que Telestes et gardien des Mystères, Merlin avait à l'esprit une intention spécifique concernant le cercle organisé de guerriers qu'il proposait au chef tribal. Des milices locales éparpillées ne suffisaient pas pour que la protection des gardiens du Graal soit assurée. Il fallait créer une unité défensive mobile qui pût être au service permanent des gardiens quelle que soit le site de leur relocalisation dans les Hébrides. Depuis son origine, la “Table Ronde” avait une vocation pan-régionale et fédérait des groupes de guerriers qui se déplaçaient en toute liberté de par les Iles. Un lecteur de la matière Arthurienne est de suite frappé par le nombre de châteaux occupés par le Roi Arthur dans diverses localités: Cornouailles, Pays de Galles, Logrois (terme Breton pour l'Angleterre, Camelot (dans le Sommerset), Carlisle en Ecosse, Nantes en Bretagne. On est également frappé par les origines diverses et lointaines des chevaliers Arthuriens. Gauvain, le neveu d'Arthur, était le fils du roi de Norvège qui comprenait les Iles Orkney au nord de la Grande-Bretagne. On pourrait en donner beaucoup d'autres exemples. Le Parzival de Wolfram contient plus de 150 noms de localités associées avec divers chevaliers et dames dans cette épopée.
La Table Ronde était donc un réseau mobile et non pas une organisation statique sise en un lieu spécifique. C'était une Table Ronde Mobile. Cette interprétation suggère que les gardiens du Graal étaient également mobiles. Ils constituaient un réseau caché informel qui couvrait le nord de l'Europe (principalement la France) jusqu'aux Hébrides et à l'Irlande. A la différence du réseau des Ecoles et des temples des Mystères, le système de protection était caché et inconnu du grand public.
L'organisation de la “Table” était duodécimale, fondée sur le nombre douze, et s'inspirant d'une très longue tradition des Mystères. En d'autres mots, la structure symbolique de l'ordre chevaleresque fut empruntée à la tradition même que les guerriers Arthuriens faisaient voeu de protéger. Nombreux sont ceux qui ont présumé, bien sûr, que la Table Ronde était modelée à l'image de la table de communion du “dernier souper” lorsque Jésus s'assit avec ses douze disciples. A l'époque, il se peut que certaines personnes aient eut cela à l'esprit mais, de toutes façons, la scène du dernier souper était elle-même modelée selon un rite des Mystères.
Bien que les cellules des Mystères comprenaient seize personnes, huit hommes et huit femmes, ceux qui étaient initiés par les membres des cellules étaient guidés par groupes de douze. On peut trouver la preuve de cette pratique dans la statue de la jeune fille du Graal Helléniste d'Eleusis qui porte le kiste ou la corbeille sacrée sur la tête. Un détail (sur la gauche) montre la rosette à douze pétales des néophytes, qui est distincte des rosettes à huit ou seize pétales, emblèmes des cellules d'initiation. Les nouveaux adeptes étaient initiés par groupe de douze, avec l'initiateur comme treizième personne. Merlin conseilla à Arthur que la structure de la Table Ronde reflète la tradition initiatrice et implique elle-même une sorte d'initiation.
La Table constituait un cercle d'initiation ouvert à de nouveaux membres - le modèle pour un ordre fluide de guerriers spirituels.
Mais Merlin mit en garde également Arthur contre le risque que la finalité secrète de la Table Ronde puisse être trahie. C'est pour cela qu'il conseilla l'insertion d'une treizième place, le “Siège Périlleux”. Ce faisant, Merlin s'inspira de la tradition Irlandaise et de la mythologie Celtique propre à l'Irlande. (C'est un truisme que la matière Arthurienne, dans ses fondements les plus essentiels, a pour origine la tradition Irlandaise qui évolua ensuite en termes de personnages quasi-historiques et d'événements régionaux du Pays de Galles et dont l'expression littéraire accomplie se manifeste au travers de la poésie Bretonne.) Le chaudron d'abondance était, parmi les Irlandais, un des trésors des anciens rois - cette relique, et non pas le calice du derniers souper fut le prototype réel du Graal en tant que coupe cérémonielle. Le rocher chantant, la Lia Fail, était un autre objet rituel du roi d'Irlande. Il laissait entendre un cri aigu lorsque l'homme qui s'y asseyait n'était pas digne de devenir roi.
Dans les Mystères, le treizième siège était occupé par l'initié chargé d'investir les douze néophytes. A la Table Ronde, ce siège était toujours laissé vacant pour rappeler aux chevaliers que quelqu'un puisse venir et trahir leur mission en révélant l'identité et la localisation des gardiens du Graal. Dans l'histoire parallèle, nous imaginons comment les chevaliers de la Table Ronde protégèrent le Graal plutôt que de chercher à le posséder pour leur bénéfice personnel ou même pour leur évolution spirituelle.
Défense d'Arrière-Garde
Je pense que l'on pourrait dire que les Telestai comme Hypatia étaient des pacifistes. Ils ne pouvaient pas défendre l'institution sacrée qu'ils maintenaient plus que les doyens et les professeurs d'une université moderne pourraient le faire contre l'attaque fanatique d'une foule déchaînée et soutenue par la force armée et les autorités légales. Mais après avoir perdu leurs institutions, leurs classes, leurs bibliothèques et leurs ateliers, les initiés des Mystères n'allaient pas tolérer plus de menaces. Ils allaient résister à la déprédation de toutes leurs forces. Ils n'allaient pas permettre que l'expérience essentielle de la mathesis sacrée soit attaquée. Le conseil de Merlin à Arthur, de fonder un groupe de guerriers spirituels, visait par une action d'arrière-garde à défendre les gardiens du Graal contre des agressions ultérieures et encore plus dévastatrices. Les gardiens resserrèrent leurs rangs et trouvèrent refuge dans l'arrière-pays des Hébrides, au sein des tribus des populations locales. Certains individus, appartenant à ces tribus, prenaient conscience qu'ils avaient accueilli quelque chose de spécial qu'ils devaient protéger - et défendre par la force violente, si nécessaire.
C'est ainsi que les chevaliers de la Table Ronde devinrent non pas tant des chercheurs du Graal que ses protecteurs.
Code Arthurien
Le plus étrange est que, dans la plupart des cas, ils ne savaient pas ce qu'ils protégeaient. Selon la légende, seuls trois chevaliers accomplirent le Graal: Perceval, Bors et Galahad. Les autres guerriers, tels Gauvain et Lancelot, étaient considérés comme trop mondains ou trop vulgaires pour passer par cette expérience mystique ultime. Gauvain préférait les joutes et ses aventures sexuelles à répétition tandis que Lancelot était empêtré dans son histoire d'amour avec la femme du Roi Arthur. Mais il serait erroné de prétendre que de tels hommes étaient indignes du Graal. Ils le servirent sans avoir besoin de participer à l'expérience initiatrice mais, à leur manière propre, ils vécurent une diversité d'aventures et d'épreuves mystiques, y compris des initiations sexuelles et Tantriques.
C'est comme si le Graal, la Lumière Organique, émettait une aura de magie surnaturelle par laquelle les guerriers Arthuriens vécurent de nombreuses aventures fantastiques.
Gareth Knight, un revivaliste Arthurien moderne, a comparé les épreuves et les combats des héros Arthuriens avec les épreuves magiques des Tantrikas Asiatiques, plus particulièrement les adeptes du yoga de la Kundalini. Je pense qu'il y a beaucoup de vrai dans ce parallèle. Qu'un chevalier atteigne le Graal ou non, ou même comprenne ce qu'il était, il était en tout cas très influencé par son pouvoir magique. Comme nous le verrons plus tard, les aventures de Gauvain, qui occupent la moitié du Parzival de Wolfram, sont essentielles à la Quête même si Gauvain lui-même ni ne chercha ni n'atteint le Graal.
Joseph Campbell expliqua que la “mythologie créative” se caractérise par quatre fonctions - par mythologie créative, il entendait la mythologie qui vit et évolue dans nos vies au travers du pouvoir imaginatif, de la passion et de l'empathie en contraste avec le mythe reçu qui est mort et achevé. Ces fonctions sont les suivantes: réconcilier la conscience de veille avec le mystère du cosmos; exprimer une image interprétative complète de ce mystère; inspirer un sens d'ordre moral; et aider l'individu à se centrer et à s'épanouir en harmonie avec le soi, la culture, l'univers et le mystère ultime de l'existence de tout cela en premier lieu. Selon les mots de Campbell, cette fonction est la “quatrième, la plus vitale et la plus critique des fonctions d'une mythologie”. (Creative Mythology, pages 4-6).
“La mythologie créative ne jaillit pas, comme la théologie, des dogmes de la théologie, mais des intuitions, des sentiments, des pensées et de la vision d'un individu équilibré, loyal à sa propre expérience de de la valeur. Elle corrige ainsi l'autorité attachée aux carapaces des formes produites et laissées en arrière par les vies autrefois vécues. En renouvelant l'acte d'expérience elle-même, elle restaure à l'existence la qualité d'aventure” (page 7, mise en gras ajoutée).
Ce qui, dirais-je, se rapproche assez du propos des leçons de Mythbusting 101. Mais je mettrais en exergue le processus de confrontation: défier et vaincre le Mensonge Paternel. Campbell était lui-même un anti-autoritaire viscéral qui détestait le Catholicisme dans lequel il avait été élevé. Sa première passion, avant de plonger dans la mythologie, fut la Romance Provençale et le culte de l'Amour, un prolongement direct du mode de vie Arthurien. Creative Mythology est un manifeste qui résonne intimement avec l'esprit et le propos de Mythbusting 101.
Que peut-on, finalement, dire du code des guerriers spirituels qui protégèrent les gardiens du Graal? Et bien, tout d'abord, c'était un code Païen de l'honneur et de la générosité, pas une moralité de la culpabilité et de l'obligation. Les chevaliers du Graal s'étaient dédiés à la protection d'un trésor sacré qu'eux-mêmes n'avaient jamais vu, et dans la plupart des cas, ne verraient jamais. A tout le moins, ils comprenaient que le Graal était quelque chose de fantastique qui imprégnaient leur vie de pouvoir magique. Inspirés par une réalité sublime qui se situait hors de leur atteinte, ils transformèrent les arts de la violence en une vocation noble. Ils furent influencés par le Graal d'une manière qui rappelle les paroles du génie passionné de mythes Antonin Arthaud (dans Le rite du Peyotl chez les Tarahumaras):
“Le Fantastique possède une qualité noble, son désordre n'est qu'apparent, il obéit réellement à un ordre qui est élaboré mystérieusement et sur un plan que la conscience normale n'atteint pas mais que la Magie nous permet d'atteindre et qui est le mystère même de toute poésie”.
Le Fantastique possède une qualité noble. Je reconnais qu'aucun chevalier Arthurien n'aurait pu dire mieux. Ils étaient anoblis par les Mystères qu'ils se vouaient à protéger. Leur recours à la violence n'était, en aucun cas, abusif ou irréfléchi. Ne nous méprenons pas, presque tous ces hommes étaient sensibles et éduqués.
Dans mon ouvrage The Hero - Manhood and Power, j'explique le code Espagnol de chevalerie dans lequel armas and lettras, les arts martiaux et l'éducation, allaient de pair. (Il y a beaucoup dans cet ouvrage qui concerne le code du guerrier spirituel, y compris toute une section sur la chevalerie et le culte de l'amour). Il serait insensé de supposer que le code des guerriers Arthuriens puisse être défini par des formules, règles A, B et C; même si la chevalerie, il est vrai, était pétrifiée par un grand nombre de ces règles. Je suggérerais trois mots définissant l'essence de l'éthique des guerriers de la Table Ronde: aventure, dévotion et compassion.
Emerveillement Sans Fin
De nombreuses histoires Arthuriennes, telle Persevlaus, une romance tardive en prose Française, décrivent comment les chevaliers de la cour d'Arthur se languissaient par manque “d'aventures”. Loomis montre que ce motif a pour origine la tradition Irlandaise et galloise qui mettait en exergue l'echtra, un exploit surnaturel, telle la prise d'une forteresse magique. (caer sidhi). Les collines, les monticules, les tours ou les forteresses de verre, etc, étaient des lieux dans lesquels le pouvoir de la terre se concentrait. Le combat chevaleresque était de deux sortes: entre les chevaliers d'habileté comparable et contre les forces surnaturelles. Le dernier, illustré par l'echtra, représente un développement tardif, médiéval et pan-Européen du shamanisme indigène. Le modèle standard de shamanisme (dérivé d'Eliade) met l'accent sur le voyage du shaman dans l'Autre Monde pour recouvrer une âme perdue ou acquérir des pouvoirs de guérison et des connaissances secrètes mais la tradition Arthurienne révèle une modification de ce modèle: elle montre le chevalier qui entreprend une quête dans l'Autre Monde juste pour le frisson.
Dans un poème ancien Gallois attribué à Taliesi, The Spoils of Annwm, le héros fait face à des épreuves surnaturelles qui, comme Loomis le montre, sont revécues par Perceval et d'autres héros du Graal. Souvent, le héros-guerrier doit faire face et vaincre un monstre draconien tel qu'Avallach, c'est à dire, le pouvoir du serpent, la Kundalini, dans son aspect tellurique. De telles batailles prennent place dans l'Autre Monde mais, dans la tradition Galloise et Irlandaise, le frontière entre le monde connu, et l'autre monde inconnu qui coexiste avec lui, est fluide et perméable. Annwn, le Monde Souterrain, est le nagual de Castaneda et du shamanisme Méso-Américain. De tels passages entre le connu et l'inconnu se pratiquent dans des lieux spécifiques, identifiés par la topographie de la terre.
Au nord du Pays de Galles, dans la province appelée Gwnedd en Gallois, le Lac Bala était réputé être le repaire d'Avallach - ce qui signifie que dans les anciens temps, les rencontres shamaniques avec les pouvoirs du dragon de la terre avaient lieu là-bas, fréquemment. Gwnedd dérive de gwynedd, connaissance, l'équivalent de gnose. C'est pour cela que le nord du Pays de Galles était un lieu de test et d'acquisition de pouvoirs shamaniques spécifiques. Merlin, qui possédait gwynedd était “celui qui connaît toute chose”, à savoir un initié Gnostique et un shaman de haut rang. (voir Loomis, Celtic Myth and Arthurian Romance).
Les chevaliers Arthuriens qui vivaient au Moyen Age étaient attirés par l'attrait des aventures surnaturelles qui avaient été des tâches requises des shamans dans l'Europe pré-Chrétienne. Mais ce qui avait été une obligation professionnelle pour les anciens shamans devint un loisir pour les guerriers médiévaux - un grossier équivalent des “sports de l'extrême” d'aujourd'hui. L'élément d'aventure, echtra, était essentiel au code Arthurien parce qu'en testant leurs facultés psychiques, les chevaliers intensifiaient leur vitalité à des niveaux surhumains. Tout aussi essentiel était le sens de la dévotion qu'ils ressentaient pour le Fantastique, le monde magique, dans lequel le Graal était la source centrale et suprême de la magie. Ils combattaient des batailles surnaturelles pour accroître leur vision intérieure et leur force et ils combattaient contre d'autres chevaliers pour les mêmes raisons, plutôt que pour conquérir ou dominer. On pourrait dire, à juste titre, je pense, qu'ils se vouaient au pouvoir pour le pouvoir, plutôt que comme un moyen vers une fin.
Ils tuaient rarement l'adversaire lorsque l'adversaire était choisi pour un test de pouvoir, mais la vengeance du sang était aussi un thème dans de nombreuses légendes Arthuriennes. Ils tuaient de façon honorable et pour l'honneur, non pas au nom d'une cause élevée ou un idéal extra-terrestre et spirituel. Et ils se battaient pour protéger le Mystère du Graal.
En plus de l'aventure et de la dévotion, le code Arthurien impliquait de la compassion pour ceux qui étaient maltraités ou subjugués par une force humaine supérieure. Comme je l'ai expliqué dans The Hero, l'humanité authentique implique l'obligation d'utiliser la violence de façon défensive et préventive contre ceux qui l'utilisent pour le contrôle, l'abus et la domination d'autrui. Il existe une chose telle que l'usage humain et compassionné de la force violente. La notion dédaigneuse selon laquelle la violence ne fait qu'engendrer plus de violence n'est qu'une demi-vérité dangereuse. La violence gratuite engendre la violence, assurément. Mais la violence, par laquelle, j'entend l'application de la force brute, n'a en elle-même et par elle-même aucune valeur morale intrinsèque. Il est stupide de condamner la violence de façon catégorique. La force violente peut être utilisée avec compassion, en auto-défense, ou pour assister et sauver ceux qui ne sont pas capables de se défendre eux-mêmes - des enfants pris en otage dans une école ou une femme qui se fait violer.
Je dois ajouter, cependant, que l'usage de la violence pour la cause de la compassion n'a rien à voir avec le fait d'être aimables avec les perpétrateurs ou de pardonner à ceux qui abusent d'autrui et s'en prennent à des personnes sans défense. Le pardon Chrétien n'existe pas dans l'éthique Arthurienne
Aventure, dévotion, compassion. Ce sont les trois motifs dans le code des guerriers spirituels de la légende Arthurienne. L'étendue considérable de la renommée Arthur n'avait rien à voir avec les exploits d'un seul homme ou même d'un groupe d'hommes. Elle procédait, jadis comme maintenant, d'une éthique de violence compatissante associée avec la mystique du Graal, le secret des Mystères. Lorsque les Mystères furent détruits, ils ne disparurent pas de l'imagination des peuples de l'Europe et d'ailleurs. Pour l'esprit indigène, les chevaliers Arthuriens étaient intimement associés avec la survie des Mystères et c'est ainsi qu'Arthur acquit une importance universelle qui excédait de loin son rôle en tant que chef tribal Gallois.
Les histoires des chevaliers Arthuriens étaient empreintes de l'atmosphère du Graal, l'aura mystérieuse de la Lumière Sophianique. Plus que toute autre chose, ce rayonnement, ou sa simple suggestion, restaure à l'existence humaine la qualité d'aventure, d'émerveillement sans fin.
John Lash. Andalousie Mai 20006.
Traduction de Dominique Guillet
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