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Mon Plaidoyer pour les Plantes Médicinales
Michèle Rivasi
Les plantes médicinales traditionnelles vont-elles disparaître en Europe le 30 avril 2011? En théorie, non. Mais des produits utilisés pour la médecine traditionnelle chinoise ou indienne (ayurvéda), certains compléments alimentaires, et plus largement la filière bio artisanale risquent de faire les frais de la nouvelle donne européenne.
Deux système parallèles pour les produits à base de plantes
La situation des plantes médicinales en Europe est un véritable imbroglio. Leur usage est réglementé par deux systèmes d’enregistrement distincts :
* L’un de type pharmaceutique, auprès de l’Agence européenne des médicaments (EMA). C’est cette fameuse directive de 2004 sur les plantes médicinales traditionnelles qui focalise toutes les critiques mais dont la date butoir du 30 avril 2011 concerne en réalité les médicaments traditionnels à base de plantes (abrégé THMPD dans le jargon européen).
* Le second permet l’enregistrement des plantes en tant que complément alimentaire. Il correspond à un règlement de 2006, dont les allégations de santé sont elles en cours d’évaluation par l’agence européenne des aliments (EFSA).
La grande majorité des fabricants de produits à base de plantes joue sur les deux systèmes. Des lors que l’enregistrement pharmaceutique est devenu trop compliqué, les entreprises ont souvent préféré emprunter la voie des compléments alimentaires pour diffuser leurs produits.
L’échec d’une directive pleine de bonnes intentions
Plantes, algues, champignons, lichens, utilisés frais ou entiers, coupés ou desséchés, concassés ou pulvérisés. Mais aussi teintures, extraits, huiles essentielles ou jus obtenus par pression... La directive THMPD de 2004 découle au départ d’une bonne intention : simplifier l’enregistrement d’une substance à effet thérapeutique sur la base de son usage traditionnel. Aujourd’hui, force est de constater l’échec de la directive THMPD.
La procédure simplifiée d’enregistrement se révèle horriblement compliquée. La définition du médicament traditionnel à base de plantes suppose un usage depuis au moins trente ans, dont quinze au sein de l’Union européenne.
Le coût et la complexité du dossier d’enregistrement, de l’ordre d’au moins 60 000 euros par produit, est une barrière pour les entreprises soucieuses de se mettre en règle. Autant se préparer à arrêter la fabrication d’un produit, c’est moins compliqué.
Bilan? Moins de 200 médicaments traditionnels à base de plantes ont été pour l’instant approuvés par l’EMA.
Autre exemple : la liste communautaire des plantes autorisées comprend aujourd’hui 149 plantes, sur les 600 envisagées initialement par la Commission. Le nombre d’espèces de plantes médicinales s’élève à 1 500 en France et à 20 000 dans le monde, rappellent les herboristes. Sans compter les remèdes mélangeant différentes substances. On reste loin du compte.
Les compléments alimentaires privés d’allégations de santé
Un règlement de 2006, sur les allégations de santé des denrées alimentaires, se trouve au centre d’une féroce polémique. Encore peu médiatisée auprès des consommateurs européens, ces échanges à fleurets mouchetés ont lieu entre la Commission européenne, l’EFSA et les fabricants des compléments alimentaires à base de plantes.
A ce jour, plus de 95% des dossiers d’allégations déposées pour des produits à base de plantes ont reçu un avis négatif de l’EFSA. Trop rigoureuse, calquée sur des procédures propres aux médicaments, l’EFSA prend sa décision sur très peu de données et rejette des allégations pourtant déjà autorisées dans plusieurs pays européens.
Le 27 septembre, la Commission européenne a annoncé sa décision d’ajourner son avis sur les allégations de santé évaluées par l’EFSA, jusqu’à ce qu’un certain nombre de problèmes relatifs aux plantes soient résolus. La Commission est entrée dans une période de réflexion. La situation est bloquée et les passes d’armes ont repris.
Médecine chinoise et ayurvédique, premières victimes
La situation des plantes médicinales en Europe n’est guère florissante. L’évaluation des compléments alimentaires à base de plantes est pour l’instant suspendue. Et avec la fin du délai de transition de THMPD, au-delà du 30 avril 2011, la vente de plantes non autorisée restera possible, mais sans indication thérapeutique.
Si rien ne change, l’impact de ces deux législations européennes promet d’être dévastateur. Des produits vont disparaître du marché. Des associations tirent la sonnette d’alarme, inquiètes des répercussions sur les substances et préparations à base de plantes utilisées en médecine traditionnelle chinoise ou indienne (ayurvéda).
Les petites entreprises du bio aussi touchées
Les vraies victimes seront les petites entreprises du secteur. La pleine entrée en vigueur de ces textes va toucher de plein fouet l’ensemble du secteur des médecines naturelles à base de plantes et une bonne partie de l’économie du bio. Dans le seul secteur des compléments alimentaires, la baisse d’activité est estimée à environ 30%.
Cela va aussi varier en fonction des états membres de l’Union européenne, selon leur tradition des plantes médicinales. Chez certains, les autorités demandent d’enregistrer la plante comme médicament. Dans d’autres, la même plante peut être mise sur le marché comme un aliment.
La Cour européenne de justice a rappelé que ce double usage était légal. Il revient finalement aux pays de trancher les litiges au cas par cas, au travers de jugements nationaux. Difficile alors de dégager un véritable consensus européen.
A qui profite la dose?
Si l’on peut comprendre la nécessité de garantir la qualité des produits et préserver la santé publique, on peut aussi se demander à quoi rime une législation qui impose des conditions si draconiennes et inadaptées que la réalité du terrain ne puisse s’y conformer.
Cela me fait penser aux difficultés rencontrées en France par d’autres plantes, les préparations naturelles peu préoccupantes (pnpp). Bras de fer popularisé sous le nom de la guerre de l’ortie. La situation concrète des plantes médicinales pourrait bien s’en rapprocher.
En faisant à peu près le même type de nuance juridique qu’entre l’ortie et le purin d’ortie, on s’apprête à criminaliser l’usage et la diffusion des savoirs relatifs aux plantes médicinales. Simultanément, la voie des compléments alimentaires est désormais bouchée. Cela montre bien que les carences du double système actuel.
On sent une volonté de museler le secteur des médecines alternatives ou naturelles, en particulier celles liées aux plantes. Résultat, on pose un cadre susceptible de justifier toutes les chasses aux sorcières possibles en matière de plantes, qu’il s’agisse d’un usage traditionnel, commercial ou non.
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