Chapitre 13 de "Pas en Son Image"
La Passion de Sophia
John Lamb Lash
Traduction de Dominique Guillet.
La présence des Archontes dans tout le cosmos et leur influence sur le mental humain constituèrent la problématique centrale des initiés Gnostiques. Les gnostokoi Levantins étaient des experts dans la détection des forces déviantes et extrahumaines. En bref, c'étaient des parapsychologues; ou pour l'exprimer différemment, des détectives psychiques. C'étaient, en même temps, des cosmologistes accomplis. Rien de ce qu'ils voyaient dans le cosmos, aucune des merveilles qu'ils contemplaient en perception accrue - ou hyperception, comme on pourrait l'appeler - n'était éloigné ou exclu de la dimension humaine. Dans toutes leurs recherches et spéculations, ils se laissaient guider par un principe suprême: ce qui est à l'intérieur est comme ce qui est à l'extérieur.
Le parallélisme psychocosmique caractéristique de la méthodologie et du paradigme Gnostiques, c'est de percevoir dans les événements cosmiques le reflet actionnel des processus psychologiques. J'utilise le néologisme actionnel pour indiquer que le reflet est une action réelle, à la fois mise en oeuvre et interactive, et pas simplement une matière de réflexion statique et passive. L'intuition profonde des Gnostiques quant au parallélisme entre la psyché et le cosmos n'était pas un jeu de correspondances Jungiennes, un simple divertissement d'analogies ou de transpositions symboliques. La pratique de la Gnose était un mode d'appréhension directe de la réalité existentielle du cosmos et de participation dans la manière dont le cosmos agit au sein de la psyché humaine. Le mythe de Sophia peut être un cadre pour l'initiation à l'écologie profonde, qui s'étende même au-delà des limites de la terre, si nous acceptons que nous soyons impliqués actionnellement dans tout ce que la narration décrit.
L'humanité est un des éléments de la solution à l'épreuve de Sophia mais elle est plus que cela. Au fil du développement du mythos, il devient de plus en plus patent que nous sommes également, en tant qu'espèce, une partie de la raison de son épreuve. La manière dont nous décrivons le dilemme de Sophia peut déterminer ultimement la façon dont nous pouvons décrypter notre propre rôle dans le tissu symbiotique de la vie.
Le Soleil Repentant
Lorsque les Archontes émergent du chaos des bras galactiques, l'Anthropos est encore en incubation dans la nébuleuse proche (épisode 5). Sophia ne s'est pas encore métamorphosée en la planète sur laquelle l'humanité émergera. Cependant, la manifestation future de notre espèce, la souche de l'Anthropos qui est liée à la terre, a déjà été affectée par nos cousins extraterrestres. La tromperie Archontique, focalisée dans la démence du Démiurge, va éventuellement infecter la conscience humaine et détourner le processus vital sur terre. Mais concomitants avec l'approche de cette menace, d'autres événements dans le cosmos sont en développement qui vont déterminer comment l'humanité peut confronter et vaincre le péril Archontique.
L'épisode 6 de l'histoire sacrée décrit comment, alors même que l'échafaudage des systèmes planétaires prend forme, une nouvelle étoile émerge de l'amas nébuleux en lequel est enchâssé l'Anthropos. L'étoile n'est pas engendrée par l'agitation du dema par Sophia, mais au travers d'autres processus qui se déploient indépendamment, et perpétuellement, dans les bras galactiques. En raison de la masse supérieure du corps stellaire, les demeures célestes du Démiurge (le disque proto-planétaire, en termes astronomiques) gravitent rapidement vers l'étoile nouvelle-née et entament des rotations autour d'elle, un peu comme de la limaille de fer forme une structure symétrique lorsqu'on la saupoudre sur une feuille de papier placée au-dessus d'un aimant. Les planètes émergentes se meuvent alors selon des orbites fixes mais la terre ne fait pas encore partie de ce système. Le Démiurge arrogant se déclare le seul dieu dans le cosmos, souverain et maître de tout ce qu'il contemple.
Pour réprimander les Archontes, Sophia invoque l'image de l'Anthropos nichée dans la Nébuleuse d'Orion. Elle déclare que le potentiel de l'Anthropos est supérieur à celui des Archontes et prédit que l'humanité, lorsqu'elle émergera, anéantira toutes les oeuvres du démiurge. Témoin de cette déclaration, Sabaoth, l'étoile nouvelle-née au centre du monde Archontique, expérimente une conversion et met ses forces puissantes au service de Sophia. En fait, l'étoile mère se révolte contre la gouvernance des forces planétaires inorganiques et s'aligne avec le monde organique qui est sur le point d'émerger de par la complète métamorphose de Sophia en la Terre. La Déesse Déchue entérine ce choix et génère d'elle-même une émanation divine à son image, la force vitale, Zoé, qui joint ses forces à celles du soleil, l'étoile-mère du système planétaire.
Il n'est nul besoin de dire que tout cela fait beaucoup à intégrer. C'est un des grands moments cinématographiques dans le mythe de Sophia. Le drame du soleil repentant est un épisode élaboré, haut en couleurs, mais peut-être pas aussi mythologiquement obscur qu'il paraisse au premier abord. Il est clair que la “haute étrangeté” du mythe Gnostique se met en mouvement avec ces événements. Après l'affirmation étonnante, selon laquelle la Terre n'appartient pas au système planétaire mais en est seulement la captive, nous sommes confrontés à une autre proposition époustouflante: le Soleil, l'étoile centrale de notre système solaire, est un être conscient qui s'aligne avec la Terre et qui s'oppose au reste des planètes dans le système. Sabaoth “se repent” et s'allie à l'Eon Sophia qui est en train d'expérimenter sa propre métamorphose profonde parallèlement à la manifestation de ces événements cosmiques.
Comment pouvons-nous interpréter la conversion de Sabaoth? Outrancier, dites-vous? Incroyable? Du pur non sens mythologique? Peut-être, mais cet épisode ne se rapproche-t-il pas du message convié par la théorie Gaïa?
De nos jours, après une trentaine d'années, l'histoire de la manière dont l'hypothèse Gaïa a vu le jour est presque passée dans le folklore planétaire. Alors qu'il travaillait au Jet Propulsion Laboratory de la NASA dans les années 70, James Lovelock se vit confier la tâche de déterminer si la vie pouvait exister sur Mars. Pour ce faire, il compara la composition atmosphérique de Mars, et d'autres planètes, avec celle de la Terre. L'hypothèse émergea au cours de conversations de Lovelock avec son collègue Dian Hitchcock, et les amena à comprendre comment l'atmosphère terrestre est anormale relativement au reste du système planétaire. Voici une assertion émanant du mythe de Sophia, réaffirmée et transposée en théorie cosmologique moderne.
Les différences entre la Terre et le reste du système planétaire sont énormes et font en sorte que la vie sur notre planète soit possible. Les “anomalies” primordiales qui ressortent sont au nombre de trois: l'état d'équilibre atmosphérique qui maintient l'oxygène aux environs de 21 %, la constance de la salinité des mers aux environs de 3 à 5 %, et l'amplitude constante des températures malgré une augmentation considérable de 30 % du rayonnement solaire depuis que la terre s'est formée il y a 4,32 milliards d'années. Un Gnostique dirait que ces anomalies sont précisément dues au fait que la terre soit un monde organique autopoétiquement maintenu par la divinité qui y demeure, l'Eon Sophia. La terre est tout ce que les autres planètes ne sont pas.
Des trois anomalies distinctes, la troisième est bien sûr celle qui correspond le plus au drame du soleil repentant. L'étoile centrale de notre système est perçue comme un gigantesque haut-fourneau chargé d'hydrogène et d'éléments métalliques en fusion ardente et fantastique. Il libère d'immenses vagues de chaleur et de radiations mais malgré cela, lorsque les émanations solaires atteignent la Terre, elle sont si précisément mesurées qu'elles se maintiennent dans le spectre ténu qui permet à la vie, dans la biosphère, d'émerger et de prospérer. Une minuscule fluctuation de l'énergie solaire entrante durant les millions d'années qui ont vu la température du soleil augmenter de 30 % pourrait avoir aisément, et de nombreuses fois, carbonisé toute la planète.
L'étoile mère témoigne, assurément, de beaucoup de bienveillance envers la planète qui est notre demeure.
Hologramme à Deux Sources
Dans la perspective du mythe de Sophia, “l'anomalie” est une ambiguïté. Elle fait référence, dans un sens, à la planète, notre demeure, qui se tient à part du reste du système planétaire mais elle signifie aussi que le système planétaire, dans son entièreté, est une anomalie. “Le monde dans lequel nous demeurons procède d'une erreur” déclare la célèbre ligne de l'Evangile de Philippe (CNH II, 3:75-5). L'erreur, ce n'est pas notre monde en soi, ce n'est pas la planète Terre, mais c'est l'échafaudage inorganique du système planétaire qui a capturé la Terre. Dans la protennoia trimorphe, le Rêve primordial de Sophia d'un monde dans lequel l'Anthropos émergerait et démontrerait sa singularité, la Déesse imagina un système à trois corps mais ce n'est pas ainsi que notre monde évolua. Il est entièrement concevable, cependant, qu'un système planétaire puisse être constitué d'un soleil, l'étoile centrale, d'une planète avec une lune.
Sur Terre, nous vivons en même temps dans deux systèmes: le système terrestre et le système planétaire, ou extraterrestre. Ce fait scientifique est clairement préfiguré dans la cosmologie sacrée, mais selon la perception Gnostique, ce n'est pas seulement un fait scientifique. En cohérence avec le parallélisme psychocosmique, cette situation entraîne des effets actionnels au sein de l'expérience humaine. Elle influence, intimement, la façon dont nous vivons et dont nous pensons. Le système planétaire à l'exclusion du Soleil, de la Terre et de la Lune (qui est le satellite de la Terre et non pas réellement une planète) est le royaume des Archontes, une espèce extraterrestre dont la configuration mentale et physique est fondée sur la chimie inorganique. Les Archontes sont réellement là-bas, demeurant dans l'horlogerie planétaire et ils existent aussi en notre mental et constituent une partie de nos modes des pensée et de perception (pour plus de réflexions concernant cette problématique troublante des Archontes, voir le chapitre 21).
Dans la métaphore brillante de l'écrivain de science-fiction Philip K. Dick, qui fut profondément influencé par les concepts Gnostiques, la réalité humaine est un hologramme à deux sources. C'est comme si l'hologramme d'un environnement, tel qu'un château, était surimposé sur l'hologramme d'un autre environnement, tel qu'une maison dans un arbre, et nous vivons dans la fusion des deux. Le système à trois corps du Rêve original de Sophia existe car son Rêve perdure, alors même qu'elle-même y est complètement immergée, incarnée en la terre. Mais, en même temps, nous vivons dans l'environnement du système planétaire, le cosmos aux rouages mécaniques aveugles. Les Gnostiques enseignaient que l'environnement planétaire est un champ déviant qui pervertit notre perception des dynamiques Gaïennes. Il est vrai que cela n'est pas une notion qu'il nous est facile d'appréhender ou même d'accepter en tant que sujet de réflexion. C'est réellement ésotérique et c'est un défi profond pour l'analyse et l'imagination.
On pourrait dire que nous sommes mis à l'épreuve, par cette partie du mythos, pour voir si nous pouvons comprendre la fusion du mental Archontique avec le nôtre. Comment pouvons-nous détecter des effets subliminaux qui se déguisent en opérations de routine du mental et de l'imagination? Si les Gnostiques étaient vraiment des experts es sciences noétiques et cognitives, et je suis persuadé qu'ils l'étaient, ils avaient donc la possibilité de cultiver cette faculté de détection à son niveau le plus raffiné. Nous pouvons peut-être apprendre à en faire de même, car il se peut que la situation cosmique, à laquelle nous faisons face, nous impose cette tâche. En tout cas, cela peut grandement nous aider d'utiliser la métaphore de Philip K. Dick en tant qu'outil conceptuel.
La cosmologie Gnostique est dualiste mais pas de la même manière que la cosmologie de Zoroastre - le dualisme Perse discuté ci-dessus en connexion avec l'essor de la théocratie Juive. Rappelons-nous que la doctrine religieuse du dualisme Perse, absorbée par les Hébreux durant la Captivité Babylonienne, affirma l'opposition entre le Bien (Ahura Mazda) et le Mal (Ahriman) au niveau cosmique. C'est un dualisme absolu. Il implique une division au sein de la Divinité suprême, dans le royaume divin, dans la source unique de tout ce qui existe. On peut donc l'appeler un dualisme de source divisée. On peut aussi l'appeler un dualisme de source unique puisqu'il assume que le bien et le mal participent de la même origine, en raison d'une division à la source, dans la Divinité suprême - une notion réfutée purement et simplement par les Gnostiques. Dans leur contestation du Christianisme, les Gnostiques s'opposèrent à la théologie Chrétienne et aux éthiques dualistes fondées sur la notion Juive d'un dieu paternel vengeur qui était aussi, que vous le croyez ou non, la source de l'amour divin.
Le dualisme de source divisée n'est pas ce que le mythe de Sophia présente, cependant. Il est d'une importance cruciale de distinguer entre le dualisme Perse de source divisée et le dualisme Gnostique de double source. Selon la vision Gnostique, il n'existe pas de division au sein du Plérome et, par conséquent, il n'existe pas d'opposition absolue entre le Bien et le Mal. En fait, les Gnostiques ne caractérisaient pas du tout le problème posé par les Archontes en termes de mal. Ils le resituaient dans un cadre d'erreur. Ils enseignaient que nous pouvons comprendre comment le mal prend naissance dans le monde en retraçant le mode d'opération de l'erreur, le facteur Archontique. L'apparence des Archontes dans le scénario cosmique de la formation terrestre est appelé “la génération de l'erreur”.
Le dualisme de deux mondes possède des implications éthiques et psychologiques complètement différentes de celles procédant du dualisme de source divisée. Les Reconnaissances Clémentines, une collection du quatrième siècle d'anecdotes qui illustrent des arguments théologiques, décrivent comment les Chrétiens convertis, qui argumentaient avec le Gnostique Simon le Magicien, étaient outragés par l'insistance de ce dernier selon laquelle le bien et le mal ne proviennent pas de la même source, comme ils le croyaient. Cette problématique constituait l'un des sujets les plus brûlants de l'hérésie Gnostique. Cela attira une hostilité énorme aux initiés des Mystères qui réfutaient l'assertion selon laquelle le mal dans le monde humain pouvait avoir une origine divine et transhumaine. Ce refus mettaient en fureur les premiers Chrétiens qui suivaient les doctrines théologiques des Juifs qui eux-mêmes avaient intégré le dualisme Perse. La matière Qumranique affirme continuellement que le Souverain Dieu envoie le mal dans le monde tout comme le bien. Les Gnostiques argumentaient que si la même divinité parentale omnipotente est la source du bien et du mal, il doit y avoir une division à la source: Dieu doit être schizophrénique.
Les Chrétiens, tout comme les Juifs, en voulaient aux adeptes des Mystères de souligner qu'une divinité à la bonté infinie n'introduirait pas le mal dans le monde. Les Gnostiques non seulement démontraient l'absurdité logique de la vision Perse, mais ils avaient, de plus, une explication du mal à proposer à la place. Mais pour les Chrétiens, tout comme pour les Juifs, toute cette histoire ésotérique concernant les Archontes paraissait bizarre, alambiquée et difficile à suivre. Et pire que tout, cela paraissait comme une insulte à leur Dieu, de par la réfutation de son omnipotence. Les Chrétiens, tout comme les Juifs, considéraient comme la suprême insulte l'assertion des Gnostiques selon laquelle leur Créateur était un extraterrestre nommé Yaldabaoth. Les initiés, qui arrivaient des sanctuaires des Mystères pour délivrer ce message particulier au monde, payèrent lourdement pour leurs révélations.
Le dualisme à deux mondes ne se manifeste pas seulement dans le système planétaire, il est aussi inhérent à la nature même de l'existence matérielle. L'abiogenèse est le nom que les géologues donnent “au développement d'organismes vivants à partir de matière non-vivante; comme dans l'origine supposée de la vie sur terre”. (Oxford Dictionnary of Earth Sciences, édition 2003). La réalité de la vie est que les formes organiques semblent reposer sur une infrastructure inorganique. Paradoxalement, la vie semble avoir à la fois une origine organique et une origine inorganique. Réduisez les protéines et les chaînes de polypeptides à leurs éléments fondamentaux et vous pénétrez dans la sphère de la chimie inorganique, le territoire des Archontes. La théorie Gaïa danse souvent en équilibre entre la chimie organique et la chimie inorganique. Comment la vie organique peut elle provenir de l'inorganique? Comme une personne anonyme l'a souligné: “l'hydrogène est un gaz, léger et inodore, qui, au bout d'un certain temps, se transforme en être humain”. Les initiés Gnostiques qui détectèrent cette anomalie mirent à contribution leurs facultés les plus élevées de raisonnement pour l'expliciter. Pour eux, la structuration en deux mondes n'était pas un sujet anodin et sans importance mais une situation totalement réelle qui affecte profondément l'expérience humaine.
La Terre et le Soleil
L'abiogenèse figure dans la métamorphose de Sophia en la terre qui, rappelons-le, perdure depuis le moment de sa plongée. La Lumière Organique, la substance du corps de Sophia, est vivante tout comme le sang ou tout comme les myxomycètes (une entité qui est étonnamment agile et intelligente). Les courants Eoniques consistent en une substance à l'image de la mousse de nougat, extrêmement poreuse et sans masse. Les courants lumineux, qui composent un Eon Pléromique, ne contiennent pas d'éléments inorganiques car de tels éléments appartiennent au Kénoma, la sphère du chaos extérieur, la soupe de particules élémentaires, adrista, le résidu cosmique. Mais dès que Sophia plonge dans le royaume inférieur, elle commence à absorber de la matière élémentaire. C'est comme si la mousse lumineuse en effervescence aspirait de minuscules particules métalliques colorées.
Alors que le drame du soleil repentant se déroule, la métamorphose de Sophia en un corps planétaire s'accélère progressivement. Il semble que la Déesse puisse avoir été tout aussi perplexe que nous le sommes quant au mélange de vie organique et inorganique. La paraphrase d'Irénée (Contre les Hérésies, 5.4) dit:
“Ils (les hérétiques) affirment que parfois, elle pleurait et se lamentait parce qu'elle se retrouvait seule au milieu des ténèbres et du vide et que parfois... elle était emplie de joie et de rires; et de nouveau, elle était frappée de terreur; ou, à d'autres moments, elle s'effondrait dans la consternation et dans la perplexité”.
La conversion de Sabaoth s'avère être un soulagement énorme pour la Déesse car elle signifie qu'elle ne se retrouve plus toute seule dans son épreuve. Il existe maintenant une autre entité cosmique qui partage sa passion. Pas un Eon en provenance du Plérome, mais une divinité inférieure de la sphère extérieure du chaos, le Kénoma. La sphère Archontique de matière élémentaire fournit le matériau pour le système planétaire mais le soleil, le corps central de ce système, n'est pas une planète. C'est une étoile. L'étoile appelée Sabaoth, le corps central de notre système solaire, n'est pas engendrée par l'impact de Sophia dans le dema. Elle émane d'un processus totalement indépendant.
Pendant que le monde Archontique est en train de se former, un événement parallèle se déroule dans le Kénoma, les bras galactiques dans lesquels se trouve maintenant Sophia. L'armature galactique est en rotation constante autour du noyau Pléromique et, ce faisant, elle baratte les champs de matière élémentaire en grains massifs que nous appelons étoiles. La fabrication d'étoiles est une activité perpétuelle des bras galactiques - c'est un fait reconnu par les experts en astrophysiques modernes. Les étoiles ne sont pas projetées du coeur galactique, elles sont moulues comme des grains massifs à partir de la matière élémentaire des bras en rotation. Comme dit l'ancien adage: “Les moulins des dieux moulent lentement mais ils moulent très finement”. Cette activité de broyage produit des formations spécifiques dans la mousse quantique qui ne procèdent pas d'émanations Eoniques. Aux niveaux atomiques et subatomiques, les dynamiques de l'armature galactique sont relativement indépendantes du coeur.
Ainsi, parallèlement à l'émergence des Archontes autour de Sophia, une étoile est née dans la zone galactique proche. Les astrophysiciens croient que l'étoile mère de notre système planétaire émergea de la Grande Nébuleuse dans la constellation d'Orion, le Chasseur. La nouvelle étoile fut propulsée du nuage nébulaire tournoyant comme une immense turbine et faisant tourner de la matière élémentaire en un disque protoplanétaire. L'étoile émergente définit le centre d'un vortex tourbillonnant d'éléments bruts et inorganiques qui se consolident éventuellement en planètes. Cette conception, de la façon dont un système solaire se forme, est proche du mythe Gnostique - avec une différence notable.
Lorsque Sabaoth émerge de la nébuleuse, il rencontre une activité interstellaire déjà en progrès. Le plongeon de Sophia a produit les Archontes: c'est à dire, ses courants ont déjà configuré et affecté de la matière élémentaire, dans une certaine mesure. Une manière d'imaginer cette situation est de visualiser comment les courants de haute porosité et sans masse de l'Eon se densifieraient progressivement, prenant de la masse et s'obscurcissant, en perdant leur qualité pure et auto-lumineuse, au fur et à mesure que Sophia absorbe du matériau élémentaire. La plume opalescente et glorieuse de la Lumière Organique qui jaillit du Plérome allait aboutir à un noeud, exactement comme de nombreuses choses le font en croissant: par exemple, les feuilles sur la tige d'une fougère croissent en structures fractales qui se réduisent jusqu'à ce que la fougère se recourbe sur elle-même et se ferme en un noeud, le point final de sa croissance organique. De même, le courant massif de la Lumière Eonique, la substance du rayonnement vivant qui jaillit du Plérome lorsque Sophia plongea, se congela en un point nodal.
Mais il y a également un noeud cosmique là où le soleil nouveau-né apparaît, formé au centre de son immense turbine tourbillonnante. Dans l'imagination intégrale de cet événement, les deux noeuds s'entrelacent lorsque Sabaoth s'aligne avec Sophia. Ce scénario mythique suggère que le “disque protoplanétaire” de l'astrophysique est en fait un disque ovale et non point circulaire. Un ovale ou une ellipse est une forme en oeuf qui possède deux points de focalisation tandis qu'un cercle n'a qu'un seul point de focalisation, son centre.
Comment l'image mythique de Sophia-Sabaoth en “ accouplement structurel” (pour employer une expression de la théorie Gaïa) se situe-t-elle par rapport à la cosmologie moderne?
Le fait est que les orbites des planètes dans notre système solaire sont écliptiques et non pas circulaires. Chaque planète, incluant la Terre, possède deux points de focalisation, l'aphélion, le point le plus distant du soleil, et le périhélion, le point le plus proche du soleil. Le soleil se situe au “centre” des orbites des planètes mais les parcours orbitaux ont réellement deux centres. (Lorsque la forme elliptique des orbites planétaires fut déterminée par Johannes Kepler en 1604, l'astronome déclara qu'il avait redécouvert la connaissance secrète des Mystères Egyptiens).
L'Enfant Lumineux
Cela prend du temps pour extraire des éléments cosmologiques concrets de l'histoire sacrée mais les résultats peuvent s'avérer impressionnants. On peut se demander jusqu'où poursuivre cet exercice. Le mythe de Sophia indique un fait connu, mais inexplicable d'ordre cosmique, mais peut-il nous dire quoi que ce soit au sujet de la structure cosmique - les dimensions réelles du système planétaire, par exemple? Pour répondre à cette question, retournons vers l'élément fondamental de l'épisode 5.
L'étoile nouvelle-née arrive sur la scène juste au moment où le Démiurge fait sa proclamation outrancière: “C'est moi seul qui suis Dieu et il n'en existe pas d'autre” (L'Hypostase des Archontes, CNH II, 4:94.20. Cet épisode est répété dans plusieurs textes). Cet événement mythique suggère que la formation du monde céleste Archontique doit avoir été élaborée au moins dans ses structures fondamentales. Le Démiurge se comporte comme un contre-maître qui arrive sur le site d'une construction, observe les fondations magnifiques du bâtiment en construction et déclare qu'il est, et non l'architecte, l'originateur de tout ce qu'il voit. Dans l'épisode 6, Sophia réagit en couvrant de honte le Démiurge. Lorsqu'elle vit l'impiété du Souverain des Archontes, elle fut remplie de colère. Elle lui déclare:
“Tu te trompes 'Samaël', ce qui signifie 'dieu aveugle'. Il existe un Enfant immortel de Lumière qui vint à l’existence avant toi et qui se manifestera parmi tes formes dupliquées, qui te réduira en poussière tout comme l’argile du potier est pilée... Et tu retomberas dans l’abîme, ta mère, avec tous ceux qui t’appartiennent... L’Humanité existe, et la descendance de la souche humaine existe... Car lorsque ton travail sera consumé, l’anomalie que la vérité a mise en lumière sera abolie par cet Enfant lumineux” (Sur l'Origine du Monde, 103.)
En reconstruisant dans l'imagination l'impact de Sophia sur le Kénoma, nous devons toujours nous souvenir que le germe lumineux de l'Anthropos fut déposé tout là-haut, enchâssé dans un nuage nébulaire avant que la Déesse ne réalisât son plongeon. Sophia est constamment en présence de la matrice de l'Anthropos, l'archétype cosmique de “l'Enfant immortel de Lumière”. Dans le passage cité ici, la Déesse informe le Démiurge de la présence d'une race supérieure à lui-même et à sa légion de cyborgs célestes et prédit que “cet Enfant lumineux” éventuellement anéantira toutes les oeuvres des Archontes.
Le triomphe de l'humanité sur les Archontes est un des grands thèmes des Mystères. Le recours au langage double “L’Humanité existe, et la descendance de la souche humaine existe” est intrigante. Cela peut suggérer que les Gnostiques perçurent dans l'Anthropos la matrice génétique de plus qu'une seule souche de l'humanité. Elle est la source de nombreuses races humanoïdes dont nous sommes un exemplaire sur Terre. Ce en quoi nous sommes spécifiques, dans le sens cosmique, c'est que nous soyons la souche humaine demeurant sur la planète qui incarne, de façon unique, la Déesse qui a encodé l'Anthropos.
L'épisode 6 continue: témoin du ridicule du Démiurge, Sabaoth prit clairement conscience de ce qui se passait et fit un choix fondamental:
“Lorsque Sabaoth entendit la voix de Sophia, il la vénéra. Il condamna l'Archonte sur la parole de Sophia. Il la glorifia parce qu'elle l'informa de la vie éternelle de l'Enfant de Lumière, l'Anthropos. Alors Sophia déversa sur Sabaoth une lumière de sa Lumière Divine en reconnaissance de sa condamnation de l'Archonte. Lorsque Sabaoth reçut cette lumière, il reçut aussi une grande autorité sur les puissances du Chaos... puisqu'il a l'autorité, il se créa une demeure pour lui-même. C'est un vaste espace, et d'excellence, sept fois plus grand que toutes ces places qui existent dans le ciel des Archontes” (Sur l'Origine du Monde. 103-104).
Nous avons ici une réaffirmation du pacte entre Sophia et le Soleil. Cela fait référence à la troisième anomalie de l'hypothèse Gaïa: le spectre de température reste constant, favorable à la vie, alors même que l'intensité du soleil a augmenté de 30 % depuis que la terre se forma.
Cela peut sembler ridicule de présumer d'une quelconque connaissance astronomique authentique dans une telle matière cosmologique, mais là encore, peut-être que non. Le fait est que la masse du soleil est connue pour être approximativement sept cent fois plus grande que la masse combinée de tous les corps du système solaire - “sept fois plus grande” si l'on compte les centaines comme des unités de sept. De plus, la distance moyenne entre le soleil et la terre est d'environ 150 millions de kilomètres et elle est appelée une unité astronomique (UA). Il y a environ 42 UA jusqu'à Pluton, la planète la plus distante du système mais l'attraction gravitationnelle du soleil s'étend beaucoup plus loin dans l'espace. Avec une amplitude approximative de 49 UA, le rayon de la gravité systémique centrée sur le soleil est sept fois plus grand que la distance Terre-Soleil. “C'est un vaste espace, et d'excellence, sept fois plus grand que toutes ces places qui existent dans le ciel des Archontes”.
La Métamorphose en la Terre
De par la conversion de Sabaoth, le chaos est stabilisé, du moins approximativement. Mais il reste à Sophia à expérimenter l'épisode le plus dramatique de son aventure. Dans l'épisode 7 de l'histoire sacrée, Sophia se métamorphose finalement en la forme terrestre. Chargés de sédiments inorganiques en provenance des bras galactiques, ses courants massifs de Lumière Organique se convertissent dans les éléments physiques d'une planète, la Terre. Tout comme elle, la planète est vivante, organique et autopoétique. Sophia, qui est consciente, engendre un habitat pour une myriade d'espèces, dont l'Anthropos, la souche humaine. Mais la Terre ainsi formée est capturée par le système inorganique du Démiurge, la sphère des mécaniques célestes.
Prise dans les rouages cosmiques des Archontes, l'Eon souffre d'une réduction de ses pouvoirs divins et d'une conversion des courants libres de masse en processus d'élaboration d'un monde. Elle est très lourdement chargée d'éléments, comme enceinte, mais au lieu de donner naissance à une planète, elle se métamorphose, en fait, en une planète. Afin de ne pas perdre ses repères, elle entame une rotation sauvage, en assumant une forme ronde et en adoptant la position foetale que beaucoup de créatures adoptent quand elles se sentent désemparées et subjuguées. Le système solaire est maintenant en grande partie formé et la Déesse se voit capturée en cet espace, sujette à la pesanteur, à l'électromagnétisme et à d'autres lois qui n'existent pas dans le Plérome. Nous pourrions imaginer que son courant de haute porosité de Lumière Organique est si densifié qu'il caille comme du lait et se métamorphose en quelque chose comme de la perle saturnienne, la précipitation du coeur de nickel de son corps terrestre. (Les récits Gnostiques qui ont survécu ne contiennent aucune description graphique de comment Sophia se métamorphose en la Terre ou de comment la Lune est formée. Tout ce que nous avons concernant les événements de l'épisode 7 sont deux passages d'une maigreur pathétique dans le tome 1 de Contre les Hérésies d'Irénée.)
Sophia se retourne sur elle-même complètement. Elle s'engage et involue et, en pleine métamorphose, la Déesse, qui est devenue la Terre, s'implique dans une tâche démesurée.
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