Grippe A H1N1 (65): la pandémie grippale
«ne cadre pas avec les plans préparés» (OMS).
Blog "Point Mort"
Source: Le Grand Soir. 31 août 2009
Fausses interviews pour un vrai débat.
Le 26 août 09, Le Monde a déjà publié un article (1) présenté sous la forme de « propos recueillis par Stéphane Foucart et Hervé Morin » auprès d’Antoine Flahault, professeur de médecine, spécialiste de la grippe et surtout directeur de l’EHESP (Ecoles des hautes études en santé publique). J’explique ICI qu’il s’agissait d’une fausse interview manipulant les propos d’Antoine Flahault pour servir une propagande alarmiste pour des raisons développées plus bas. Ce 30 août 09, il semble que Le Monde remette ça avec, cette fois-ci, des propos recueillis par Paul Benkimoun (2) dans le cadre d’un « entretien exclusif au Monde » avec le docteur Margaret Chan, directrice générale de l’OMS. Fausses interviews pour un vrai débat ?
La pandémie grippale ne cadre pas avec les plans préparés
Abusivement,le plan de lutte contre H1N1 est calqué en tout point sur le plan de lutte contre la grippe aviaire H5N1.
L’objectif affiché de cet article consiste à tenter de désarmer ceux qui contestent la validité de la stratégie de lutte-anti-pandémique pilotée par l’OMS. J’ai avancé ici-même l’hypothèse que « l’OMS s’est peut-être trompée de virus », hypothèse avec laquelle, selon Le Monde, Margaret Chan ne serait pas complètement d’accord : « Le virus 2009 A(H1N1) est totalement différent. Il est nouveau, et quasiment personne n’est immunisé contre lui. Il se répand très facilement, mais ne provoque pas de maladie sévère chez la plupart des gens. Ces éléments ne cadrent pas avec les plans préparés, et imposent de les adapter. Rien d’étonnant, donc, à ce que des gens se demandent pourquoi la pandémie actuelle ne correspond pas à ce à quoi ils s’attendaient, et trouvent que l’on en fait beaucoup. Mais je ne suis pas d’accord avec ce point de vue ».
Un débat public
Ce qui est déjà intéressant, c’est que ce point de vue contestataire soit clarifié et médiatisé par un quotidien comme Le Monde. C’est la condition première pour initier un débat public. Le débat, effectivement, porte bien sur la question du choix stratégique de l’OMS pour lutter contre la pandémie, la stratégie actuellement retenue ne correspondant pas à la réalité du virus H1N1 mais plutôt à celle du virus H5N1, comme je ne cesse de le documenter depuis des semaines sur ce blog en m’appuyant, entre autre, sur la « Circulaire DGT 2009/16 du 3 juillet 2009 2007 » (3) qui rappelle que « Le plan national de prévention et de lutte « Pandémie grippale » a été conçu, à l’origine, pour faire face à une pandémie grippale du virus A/H5N1, d’origine aviaire. Pour autant, il est opérationnel face à la grippe A/H1N1 ». Or, ce dernier point est discutable et devrait faire l’objet d’un véritable débat au niveau national.
Légitimer, à postériori, un mauvais choix stratégique
En effet, l’alarmisme médiatique pourrait s’expliquer par une tentative de faire coller la pandémie actuelle à la pandémie pour laquelle « le plan national de prévention et de lutte « Pandémie grippale » a été conçu, à l’origine… ». Autrement dit, le gouvernement aggraverait (alarmisme des médias) volontairement la dangerosité de la grippe A H1N1 pour justifier l’application de sa stratégie de lutte anti-pandémique conçue pour lutter contre A H5N1 et fondée essentiellement sur la vaccination de masse. Alarmée par la vitesse fulgurante de propagation du virus, l’OMS aurait pris la décision de déclarer l’alerte pandémique de niveau 6 sans connaître précisément les caractéristiques du virus H1N1. Les vaccins n’étant pas disponibles et le virus H1N1 se confirmant comme à peine moins bénin qu’une grippe saisonnière, les gouvernements tentent aujourd’hui de jouer sur les effets marginaux de la grippe H1N1 certes « cent fois plus mortelle que la grippe saisonnière » (1) mais ne concernant pourtant qu’entre 0,01 et 0,03 % de la population, et les conséquences sociales et économiques de la pandémie via son PCA (Plan de Continuité d’Activité) pour légitimer, à postériori, leurs mauvais choix stratégiques initiés par l’OMS. Reste à savoir pour qui roule l’OMS pour comprendre pourquoi les gouvernements ne peuvent plus rectifier leur tir et vont créer eux-mêmes le chaos dans nos sociétés tout en continuant d’accuser la grippe et ceux qui, d’une certaine manière, la défendent en contestant l’image que les gouvernements en donnent ?
Arguments et contre-arguments
Voici les arguments attribués à Margaret Chan par Le Monde (2) pour soutenir la stratégie du gouvernement et les contre-arguments qui peuvent, me semble-t-il, y être opposés :
1 Propagation : « Jusqu’à 30% des habitants des pays à forte densité de population risquent d’être infectés. ». Pour l’instant, ces prévisions ne se sont pas réalisées dans l’hémisphère sud.
2 Mortalité : « 60 % des décès surviennent chez des personnes ayant des problèmes de santé sous-jacents. Ce qui signifie que 40 % des décès concernent des jeunes adultes - en bonne santé - qui meurent en cinq à sept jours d’une pneumonie virale. C’est le fait le plus préoccupant. Soigner ces patients est très lourd et difficile. » Sans doute, mais d’un point de vue santé publique, le nombre de ces patients est insignifiant et met en lumière la faiblesse structurelle des systèmes de santé, une faiblesse structurelle aggravée par la crise financière et non par la pandémie grippale comme le montre la situation de nos territoires de l’hémisphère sud.
3 Contagiosité : « Dans notre monde de 6,8 milliards d’habitants, que se passera-t-il si l’infection touche 20 % à 30 % de la population ? » Il arriverait qu’entre 1,36 et 2,04 milliards d’habitants attraperaient une grippe. Et alors ?
4 Mutation : « Qu’arrivera-t-il si la maladie devenait plus sévère sans que nous y soyons préparés ? » Pour que la maladie devienne plus sévère, il faudrait une mutation sérieuse du virus ce qui n’est actuellement pas officiellement constaté par l’OMS. Si cela se produisait malgré tout (9), une chose est certaine : nos vaccins seraient à jeter à la poubelle, nous serions alors complètement exposés et ce serait une crise…de plus. Il faudrait alors tout remettre à plat, y compris peut-être ceux qui prétendent s’occuper de notre santé alors qu’ils ont déjà démontré leur incapacité à prévoir et traiter d’autres crises.
5 Dangerosité : « C’est vrai, la maladie est bénigne, et nous espérons qu’elle le restera lorsque la deuxième vague arrivera cet automne. Si ce n’est pas le cas, comment les gouvernements qui n’auront pas fait le nécessaire pour se préparer pourront-ils se justifier devant leur opinion publique ? » Cette question prouve seulement qu’actuellement, les gouvernements ont engagé des dépenses pour lutter contre une maladie qui ne les justifie pas alors qu’il existe combien d’autres domaines où ces dépenses seraient parfaitement justifiées. Allons-nous poursuivre dans l’erreur uniquement pour ne pas gêner nos gouvernements ?
6 Vaccins : « Nous avons dit qu’il faudrait de cinq à six mois pour mettre au point les premiers lots de vaccins. Pour l’instant, nous sommes dans les temps. » Dans les temps du point de vue de la production industrielle des vaccins mais pas du point de vue des exigences de la lutte anti-pandémique puisque ces vaccins arriveront après la bataille (7) alors que la production d’autres vaccins saisonniers pourraient être sacrifiée pour augmenter la production du vaccin anti pandémique. Stopper trop tard la production irrationnelle du vaccin anti-pandémique priverait alors les populations des autres vaccins saisonniers (8)
7 Production : « Avant la mise en place du plan contre le virus de la grippe aviaire H5N1, la capacité annuelle de production mondiale de vaccins antigrippaux était de 450 millions de doses, et essentiellement dans les pays développés. Elle est passée à 900 millions de doses. Même si cela reste insuffisant, cela n’était jamais arrivé pour les pandémies précédentes. » Comme dans l’argument précédent, l’OMS se félicite des progrès de l’industrie pharmaceutique même s’ils sont très insuffisants (6) par rapport aux nécessités de la lutte contre la pandémie grippale. Les seuls qui ont un motif d’être satisfaits sont les laboratoires pharmaceutiques. Si cela est suffisant pour satisfaire Margaret Chan, c’est qu’elle considère en être le porte-parole alors qu’en tant que directrice de l’OMS, elle devrait être le porte-parole de la population mondiale.
8 Pénurie : Pour les pays en développement, « nous avons reçu des engagements de dons pour un total de 150 millions de doses […] Mais il ne faut pas perdre de vue les interventions non pharmacologiques […] Nous devons réfléchir à la manière de diffuser de l’information par le biais de SMS ». Alors que l’OMS considère que la pandémie sera dévastatrice dans ces pays (5), Margaret Chan, sa directrice générale, n’envisage pas de mettre le paquet sur ces pays en terme de vaccination parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer. Tout comme dans les arguments précédents n°6 et 7, Margaret Chan ne raisonne pas en tant que directrice de l’OMS mais en tant que représentante des intérêts des laboratoires pharmaceutiques.
9 Effets secondaires : « Les essais cliniques nous donneront des réponses sur les effets secondaires possibles de ces vaccins […] Même avec les produits de qualité, il y a toujours des effets secondaires […]Mais il faut faire la différence entre les effets réellement liés au vaccin et ceux qui coïncident dans le temps sans lien de cause à effet ». Cet argument donne une idée de la manière dont les autorités sanitaires et les laboratoires pharmaceutiques se déresponsabiliseront des effets secondaires surtout dans le cas où ils dépasseraient le seuil médicalement tolérable ce qui, dans le cas de vaccins innovants, n’est pas fixé à l’avance.
10 Communication : « Le meilleur investissement possible pour un gouvernement est la "communication pandémique" : identifier les mécanismes de communication appropriés à chaque pays, afin que la population reçoive l’information en temps et en heure, et de manière transparente. » Pour l’instant, la « communication pandémique » gouvernementale fait craindre à certains que l’OMS ait engagé les gouvernements dans un plan de lutte anti-pandémique conçu pour lutter contre le H5N1 alors que nous sommes confrontés au H1N1 d’où l’incompréhension grandissante de certains experts et d’une partie de la population qui s’intéresse à la question.
Vote de confiance
L’ensemble des arguments attribués à la directrice générale de l’OMS est en réalité à attribuer à la représentante des intérêts des laboratoires pharmaceutiques. Non seulement « l’OMS s’est peut-être trompée de virus », mais il semble que les médias (et les gouvernements qu’ils servent) se trompent eux-mêmes sur l’OMS. Il ne reste plus à la population qu’à se demander si elle ne se trompe pas de gouvernement puisque celui-ci est (peut-être malgré lui ?) au service d’intérêts contradictoires aux siens. Or, un jour ou l’autre, nous risquons devoir nous faire inoculer ce qui est peut-être un poison et en tout état de cause un vaccin qui « ne cadre pas » avec la maladie ciblée (8). Devons-nous accepter de servir de cobayes (volontaires et bénévoles) sans un débat public national débouchant sur un vote de confiance ?
Passage au niveau 5b
Le gouvernement est conscient qu’il marche sur des braises d’où le silence, depuis le début de la pandémie, de Nicolas Sarkozy qui se réserve « pour intervenir le moment venu » (4) pour annoncer (ou faire savoir) le passage au niveau 5b, une façon de suivre jusqu’aux extrêmes limites la ligne de l’OMS sans se ligoter avant l’heure et sans retour possible en arrière avec les contraintes imposées par le niveau 6 d’alerte pandémique. Un niveau 6 qui serait soit excessif s’il ne s’agit que de lutter contre le virus A H1N1, soit inadapté (mauvais vaccins) si nous constations la mutation du virus actuel ou l’existence d’un autre virus sous-jacent masqué par le virus actuel.
Notes :
(1) « La mortalité directe du H1N1 serait cent fois celle de la grippe saisonnière », lemonde.fr, 26 août 09… On serait en face d’une maladie dont la mortalité directe - un cas pour 10 000 infections - serait certes très rare mais malgré tout 100 fois supérieure à celle de la grippe saisonnière…
(2) "Le virus H1N1 voyage à une vitesse incroyable", lemonde.fr, 30 août 09…Le 11 juin, sa directrice générale, le docteur Margaret Chan, déclarait la grippe A (H1N1) première pandémie du XXIe siècle. Dans un entretien exclusif au Monde, elle fait le point sur la situation et s’explique sur la stratégie de l’OMS…
(3) « Circulaire DGT 2009/16 du 3 juillet 2009 relative à la pandémie grippale et complétant la circulaire DGT n°2007/18 du 18 décembre 2007 », q.liberation.fr, 3 juillet 09…Ce plan est un outil opérationnel d’aide à la décision, fondé sur des mesures normées que les autorités peuvent décider d’appliquer ou non en fonction de chaque situation concrète rencontrée. En examinant l’opportunité de prendre chacune de ces mesures, le décideur doit avoir présent à l’esprit que l’efficacité de la plupart d’entre elles est conditionnée par une bonne anticipation et par la précocité et la rigueur de leur mise en œuvre. Le plan est intersectoriel. Au-delà des enjeux sanitaires, il s’attache à préserver la continuité de l’ensemble de la vie sociale et économique, dont le fonctionnement le plus normal possible est une condition permettant d’éviter ou de réduire les dommages causés par la pandémie...
(4) « Le gouvernement ne veut pas limiter sa com’ à la grippe », lefigaro.fr, 30 août 09… Conscient du problème, le président n’a pas dit un mot de la grippe A lors du premier Conseil des ministres de rentrée. Son premier déplacement en France, programmé jeudi, portera sur l’emploi. Mais quand s’adressera-t-il aux Français ? « Pour le moment, assure Raymond Soubie, rien n’est décidé. Il interviendra le moment venu….
(5) « Selon l’OMS, le H1N1 sera « dévastateur » dans les pays en développement », santelog.com, 30 août 09… le même virus qui causera une "perturbation" dans les pays riches pourrait avoir un impact dévastateur dans de nombreuses régions du monde en développement…
(6) « VACCIN anti A/H1N1 : CELTURA de NOVARTIS disponible dès octobre », santelog.com, 30 août 09… Les commandes de l’hémisphère nord s’élevant à 1 milliard de doses en face d’une production maximum revue à la baisse à 45 millions de doses de vaccin anti A/H1N1 par semaine, avec des livraisons échelonnées…
(7) « GRIPPE A/H1N1 : Communication, surveillance et renforts à la REUNION », santelog.com, 30 août 09… L’OMS informait dans son rapport que la majorité des régions de l’hémisphère sud, en hiver austral, avaient passé le pic de l’épidémie, sauf les pays touchés plus tardivement par le virus, comme c’est le cas de la Réunion qui n’a pas encore atteint ce pic, selon l’InVS. Néanmoins, il est probable que mi-octobre, lors des premières disponibilités du vaccin, ce pic ait été dépassé…
(8) « Grippe saisonnière : le vaccin de trop ? », blog.ehesp.fr, 30 août 09… Car si l’on pouvait faire l’économie d’un vaccin saisonnier qui serait devenu obsolète dès septembre 2009, la problématique s’en trouverait un peu éclaircie pour la stratégie à adopter vis-à-vis du vaccin pandémique…
(9) « Grippe A H5N1 et grippe A H1N1 en Egypte : cocktail explosif », pandemiedegrippe.com, 30 août 09… la présence simultanée en Égypte de personnes infectées par le virus de la grippe porcine A H1N1 et d’autres infectées par le virus de la grippe aviaire A H5N1 soulève le doute que le virus puisse se réassortir en un virus potentiellement plus virulent pour lequel les vaccins actuels seraient moins efficaces….
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